Question de M. PIRAS Bernard (Drôme - SOC) publiée le 26/08/2010

M. Bernard Piras attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur l'article 353 du code civil relatif à l'adoption plénière, à la suite de la réponse à la question n° 12826 publiée au JO du 29 juillet 2010.
Cette réponse appelle plusieurs remarques.
Suite à une décision étrangère d'adoption simple, l'exéquatur est nécessaire pour l'acquisition par l'adopté de la nationalité française de son ou ses parents adoptifs uniquement parce qu'un texte spécifique l'impose (décret n° 93-1362, 30 décembre 1993, JO 31déc. p. 18559, art. 16, 3°). Or, ce qui n'est pas précisé, cette acquisition de nationalité peut s'obtenir indépendamment de l'exéquatur de la décision d'adoption.
Concernant l'adoption plénière, le recueil préalable de l'enfant, quelle qu'en soit la durée, n'est pas une condition de régularité internationale, ni dans l'article 4 de la convention de La Haye du 29 mai 1993, ni au 3e alinéa de l'article 370-3 du code civil, qui en est la transposition en droit français. Il en est de même pour la condition de remise préalable à un organisme public ou privé si l'enfant a moins de deux ans.
En matière d'adoption plénière prononcée à l'étranger, le jugement étant choisi plutôt que la transcription directe, le prononcé de ce nouveau jugement en confirmation du premier doit être soumis aux mêmes conditions que celles requises pour la transcription directe.
Il existe de nombreux cas où les adoptants hésitent sur la nature de l'adoption prononcée à l'étranger, donc sur leur chance d'obtenir une transcription directe et préfèrent alors saisir le tribunal plutôt que le procureur de la République de Nantes. En effet, il faut savoir que le caractère simple ou plénier d'une adoption prononcée à l'étranger n'est pas une donnée objective mais repose uniquement sur l'interprétation de la loi étrangère et l'appréciation du consentement du représentant légal de l'enfant qu'effectue, au cas par cas, le procureur de la République de Nantes ou le tribunal saisi du dossier. Ainsi considérer que l'article 353 du code civil n'est pas applicable dans l'ordre international lorsque la « finalisation » de l'adoption en France est traitée par le procureur de la République de Nantes mais l'est lorsque c'est un tribunal de grande instance qui reçoit le dossier s'avère être un non sens, l'article 353 méritant une unité de jurisprudence au même titre que celle trouvée de l'article 348-5 du même code.
La proposition de loi n° 2525 enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale le 20 mai 2010 soulève de réelles difficultés. Elle ne concerne que les requêtes en conversion des adoptions simples en adoptions plénières, donc laisse de côté le cas des requêtes en vue d'une nouvelle adoption plénière, que certains tribunaux pourraient avoir l'idée de refuser. Elle est « discriminatoire » dans la mesure où elle ne permet pas que la requête soit présentée par les héritiers en cas d'adoption individuelle. Elle accrédite l'idée, contraire à la réalité, que l'adoption prononcée à l'étranger au profit d'un couple serait « divisible » alors qu'elle doit être traitée de façon « indivisible ».
Il lui demande de lui donner son sentiment et son analyse sur les cinq points abordés.

- page 2198

Erratum : JO du 09/09/2010 p.2373


Réponse du Ministère de la justice publiée le 04/11/2010

L'acquisition de la nationalité française par l'enfant qui a fait l'objet d'une adoption simple par un Français exige la production de la décision d'exequatur du jugement d'adoption. Toutefois, à défaut de produire ce document, l'enfant peut acquérir la nationalité française lorsqu'il a été recueilli par un Français depuis au moins cinq ans, en application de l'article 21-12 du code civil. S'agissant du recueil préalable de l'enfant, si celui-ci n'est effectivement pas une condition de la régularité internationale de l'adoption, il est en revanche expressément prévu par les textes de droit interne pour obtenir le prononcé d'une adoption posthume. Quant à l'exigence de remise préalable des enfants de moins de deux ans à l'aide sociale à l'enfance ou un organisme autorisé pour l'adoption, celle-ci résulte expressément des dispositions de l'article 348-5 du code civil pour les adoptions nationales et de celles de la convention de La Haye du 29 mai 1993 en cas d'adoption internationale. Par ailleurs, lorsque l'adoption prononcée à l'étranger produit en France les effets d'une adoption plénière, l'autorité de la chose jugée s'oppose à ce qu'une nouvelle requête en adoption plénière soit déposée en France, y compris pour « finaliser » l'adoption. La qualification de l'adoption étrangère par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes repose sur un certain nombre d'indices objectifs, prévus notamment à l'article 370-3 du code civil, selon lequel le consentement à l'adoption plénière doit avoir été donné de manière libre et éclairée sur les conséquences de l'adoption et en particulier sur le caractère complet et irrévocable du lien de filiation préexistant. Les adoptants peuvent contester l'interprétation du procureur de la République devant le tribunal de grande instance. En outre, la transcription du jugement d'adoption sur les registres du service central de l'état civil ne saurait être considérée comme une « finalisation » de l'adoption, mais comme la conséquence de la décision étrangère, le parquet se bornant à en vérifier la régularité internationale, sans se prononcer à nouveau sur l'adoption elle-même. Il est donc parfaitement normal que les règles applicables soient celles du droit international privé et non de l'adoption. Enfin, s'agissant de la proposition de loi n° 2525, c'est à bon droit que seule la conversion de l'adoption simple en adoption plénière de droit français est visée, le principe de l'autorité de la chose jugée, rappelé ci-dessus, se heurtant au dépôt d'une nouvelle requête en adoption plénière lorsqu'une telle adoption a déjà été prononcée dans le pays d'origine de l'enfant. Il est également apparu que l'extension de la possibilité pour les héritiers de déposer une requête en adoption posthume au profit de l'adoptant individuel décédé pourrait ne pas s'avérer répondre à l'intérêt de l'enfant.

- page 2907

Page mise à jour le