Question de M. FISCHER Guy (Rhône - CRC-SPG) publiée le 29/07/2010

M. Guy Fischer appelle l'attention de Mme la ministre de la santé et des sports sur les inquiétudes engendrées, notamment dans le milieu des donneurs de sang bénévoles, par l'attribution de plusieurs marchés de fourniture de médicaments dérivés de sang issu de prélèvements importés et rémunérés, à des multinationales opérant en France.
Au mois de juin 2008, les industriels producteurs de médicaments dérivés du sang prélevé à l'étranger sous rémunération, ont critiqué, lors d'une réunion à Lingolsheim (Bas-Rhin) le système éthique français et ont plaidé pour la rémunération des donneurs. Or, selon notre éthique, ceux-ci ne seraient dès lors plus des donneurs mais des vendeurs de plasma !

Puis, dans un communiqué du 14 novembre 2008, une société suisse annonçait avoir remporté un marché avec le service de santé des armées. Ceci est en contradiction avec l'article L. 5121-11 du code de la santé publique qui n'autorise l'importation de médicaments issus de sang rémunéré que s'il y a pénurie ou s'ils apportent une amélioration en terme de qualité pour les malades.

Il lui demande donc de lui confirmer que le LFB (Laboratoire du fractionnement et des biotechnologies) était incapable d'assurer cette fourniture. Dans le cas contraire, il souhaiterait savoir si un choix délibéré a consisté à favoriser une multinationale, créant ainsi un précédent pour le moins malheureux.

De plus, les militaires sont, à l'instar des autres citoyens, appelés à donner leur sang, participant ainsi à la solidarité et à l'autosuffisance nationale. Il est donc permis de considérer qu'il y a volonté de s'en prendre à la solidarité et à l'altruisme du don lorsque l'on voit la hiérarchie militaire faire le choix de produits issus de prélèvements rémunérés importés, collectés auprès de populations défavorisées et vulnérables, en violation du principe éthique de non commercialisation de l'humain.

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Réponse du Ministère de la santé et des sports publiée le 06/10/2010

Réponse apportée en séance publique le 05/10/2010

M. Guy Fischer. Madame la ministre, je suis particulièrement impatient de connaître votre sentiment sur une affaire qui a engendré une vive inquiétude dans le milieu des donneurs de sang bénévoles, dont je suis d'ailleurs.

Impatient, car j'avais relayé cette inquiétude par une question écrite en date du 5 février 2009 et par une relance en date du 8 octobre 2009, sans réponse de votre part. Il s'agit de l'attribution de plusieurs « marchés » de fournitures de médicaments dérivés de sang issu de prélèvements importés et rémunérés à des multinationales opérant en France.

Ce fut par un communiqué du 14 novembre 2008 qu'une société pharmaceutique suisse bien connue annonçait avoir remporté un marché avec notre service de santé des armées. Cela était, me semble-t-il en contradiction avec l'article L. 5121-11 du code de santé publique, qui n'autorise l'importation de médicaments issus de sang rémunéré que s'il y a pénurie ou s'ils apportent une amélioration en termes de qualité pour les malades.

C'est la raison pour laquelle je vous avais interpellée à l'époque, souhaitant que vous me confirmiez que le Laboratoire du fractionnement et des biotechnologies, le LFB, avait été dans l'impossibilité, pour une raison ou pour une autre, d'assurer cette fourniture.

Dans le cas contraire, j'étais curieux, et je le suis encore, de savoir si un choix délibéré avait consisté à favoriser une multinationale, créant ainsi un précédent pour le moins malheureux. En effet, n'est-il pas permis de considérer qu'il y a atteinte à la solidarité et à l'altruisme du don, spécificité qui honore notre pays, s'il y a eu choix délibéré de produits issus de prélèvements rémunérés importés, collectés auprès de populations défavorisées et vulnérables, en violation du principe éthique de non-commercialisation de l'humain ?

Madame la ministre, vous devez comprendre cette inquiétude et la faire vôtre. Ce n'est pas nouveau : régulièrement, les industriels producteurs de médicaments dérivés du sang prélevé à l'étranger sous rémunération se permettent de critiquer le système éthique français et de plaider pour « la rémunération des donneurs ». Notre pays ne va tout de même pas céder devant ce honteux lobbying par négligence, car je n'ose croire que ce soit par choix !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le sénateur, vous êtes donneur de sang, et moi aussi : au moins nous rejoignons-nous dans cette implication citoyenne !

M. Guy Fischer. Je m'en réjouis !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous avez bien voulu appeler mon attention sur l'attribution de marchés de fourniture de médicaments dérivés du sang à des sociétés internationales opérant en France.

Les dispositions législatives en matière de fourniture des médicaments dérivés du sang sont claires. Au titre des dispositions de l'article L. 5124-14 du code de la santé publique, le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, le LFB, ne peut pas mettre sur le marché français des médicaments dérivés du sang provenant de collecte rémunérée, sauf dans les cas exceptionnels suivants : « lorsque des médicaments équivalents en termes d'efficacité ou de sécurité thérapeutiques ne sont pas disponibles en quantité suffisante pour satisfaire les besoins sanitaires ». Vous comprendrez que nous souhaitions préserver cette exception !

Dans ces cas, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, peut être amenée à délivrer des autorisations de mise sur le marché dérogatoires, pour une durée de deux ans, à d'autres firmes que le LFB. L'AFSSAPS vérifie, dans ce cadre, le caractère rémunéré ou non des dons de sang dont sont issus les médicaments. Il a été vérifié que, dans le cas que vous soulevez, monsieur le sénateur, le médicament était un facteur antihémorragique fabriqué à partir de collecte de sang non rémunérée.

Il faut souligner, d'une façon générale, qu'il revient naturellement aux établissements de santé d'engager une procédure d'appel d'offres pour s'approvisionner en médicaments dérivés du sang. L'offre la plus satisfaisante est alors retenue, ce qui a dû être le cas pour le service de santé des armées, que vous avez cité.

Nous nous devons d'assurer l'approvisionnement du marché français en médicaments dérivés du sang pour que tous les malades puissent recevoir les produits dont ils ont besoin, notamment dans des situations exceptionnelles. Ce n'est aucunement une renonciation aux principes éthiques que je défends et continuerai à défendre ; bien au contraire !

Ces situations exceptionnelles rendent nécessaire une mise en concurrence d'autres fournisseurs ; à défaut, les malades seraient pénalisés en premier. Il faut cependant toujours vérifier qu'il s'agit de collecte non rémunérée, que la concurrence entre les fournisseurs est équitable et que nous faisons appel au moins-disant.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Madame la ministre, j'ai bien entendu votre réponse, et celle-ci ne m'a pas surpris. Permettez-moi, toutefois, de ne pas me sentir rassuré pour autant.

De telles affaires deviennent trop fréquentes, de l'avis de tous ceux qui sont légitimement attachés à notre pratique éthique. Je vous avais d'ailleurs interrogée à nouveau en juillet dernier sur l'acquisition par la société anonyme LFB d'un groupe autrichien qui collecte du plasma sanguin contre rémunération, en Autriche et en Tchéquie. Cette opération, en contradiction totale avec les principes éthiques du système transfusionnel français, aurait été réalisée avec votre accord ! Avec la Fédération française pour le don de sang bénévole, je déplore qu'aucune solution alternative basée sur l'acquisition par le LFB de plasma éthique n'ait été recherchée.

Je suis consterné par le précédent ainsi créé, qui ouvre un véritable boulevard aux multinationales aux dents longues œuvrant, depuis des années, à faire éclater le système transfusionnel français, qui est un modèle international sur le plan éthique et sanitaire.

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