Question de Mme BONNEFOY Nicole (Charente - SOC) publiée le 17/06/2010
Mme Nicole Bonnefoy attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur la réglementation actuelle encadrant les plantes mutées.
La directive européenne 2001/18 du 12 mars 2001, relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement, introduit l'obligation légale d'évaluation sanitaire, environnementale et socio-économique avant toute nouvelle autorisation de mise sur le marché d'un organisme génétiquement modifié (OGM). L'article 2 de cette directive définit un OGM comme étant « un organisme, à l'exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d'une manière qui ne s'effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle ».
Les plantes mutées sont donc des OGM au sens de cette définition. Or, ces plantes n'étant pas issues de la transgenèse, mais de la « mutagenèse », sont exclues du champ d'application de cette réglementation européenne. Elles peuvent donc être commercialisées sans aucune évaluation préalable.
Pourtant, les risques encourus sont bien réels. Nous pourrions assister à une fuite en avant vers une utilisation toujours plus intensive de doses d'herbicides sur des plantes toujours plus résistantes et ce au détriment de la vie des sols, de la biodiversité, de la qualité des eaux, de l'alimentation et de la santé.
Compte-tenu de ces éléments, il semble indispensable de rendre obligatoire l'évaluation systématique de ces plantes avant leur mise sur le marché.
Elle souligne aussi qu'il est urgent de réagir car des semences mutées de tournesol sont déjà commercialisées et que des semences de colza le seront aussi l'année prochaine.
Elle voudrait donc savoir s'il a l'intention de réagir face à cette véritable menace, afin que la « mutagenèse », au même titre que la transgenèse, soit inscrite dans le champ d'application de la directive 2001/18.
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Réponse du Ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche publiée le 19/08/2010
La question de l'utilisation de variétés de plantes cultivées obtenues par mutagenèse et présentant une résistance à des molécules herbicides renvoie à deux questions qu'il convient clairement de distinguer : d'une part, le mode d'obtention utilisé, à savoir la mutagenèse et, d'autre part, le caractère ou trait génétique recherché, à savoir la tolérance à une molécule herbicide. Sur le premier aspect, la mutagenèse est un mode d'obtention, utilisé depuis maintenant plus de soixante ans, qui vise à augmenter la variabilité génétique disponible pour la création de variétés innovantes répondant aux besoins de l'agriculture, de l'industrie et des consommateurs. La mutation des génomes est un phénomène naturel, survenant chez tous les êtres vivants, et responsable de la variabilité génétique existante et de l'évolution des espèces. Elle peut être causée par des stress extérieurs (rayonnements UV, stress biotiques...) ou en raison d'erreurs causées par les mécanismes de réplication de l'ADN. Dans certains cas, ces mutations peuvent conduire à une modification phénotypique de l'organisme en question et lui conférer un avantage évolutif héréditaire. L'action de l'obtenteur, lorsqu'il réalise une mutagenèse, est d'augmenter l'occurrence d'apparition de ces mutations dans le génome des plantes cultivées, qui peuvent survenir naturellement, à travers l'utilisation d'agents mutagènes. Ces mutations surviennent aléatoirement et le travail de l'obtenteur consiste à sélectionner les plantes chez lesquelles la mutation conduit à l'expression du trait recherché à travers l'utilisation d'un crible. En conséquence, cette technique n'entre pas dans le champ de définition d'un organisme génétiquement modifié (OGM) précisé à l'article 2 (2) de la directive UE 2001/18 du 12 mars 2001 et figure ainsi dans la liste des techniques exemptées de l'application de cette directive (art. 3 et annexe IB). En ce qui concerne le trait génétique de tolérance à une molécule herbicide, ce caractère représente une solution technique mise au bénéfice de la diversification des stratégies de lutte contre les adventices, complémentaire à d'autres moyens de lutte tels que la rotation des cultures, la diversification des molécules herbicides et les autres solutions agronomiques. La question essentielle est de savoir si les plantes tolérantes à des herbicides peuvent apporter des solutions concrètes à la lutte contre les adventices, compatibles avec les objectifs de réduction des intrants du Grenelle de l'environnement et du plan Ecophyto 2018 qui visent à des stratégies durables. Afin d'éclairer le débat, le ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche et le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer ont saisi conjointement, en octobre 2009, l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) pour réaliser une expertise scientifique collective et multidisciplinaire. Cette étude a pour objectif d'évaluer l'impact en termes d'agronomie, de santé des plantes et d'environnement, d'économie et de perception par la société, de la diffusion de variétés de plantes cultivées présentant le trait génétique de la tolérance à un herbicide. Les résultats de cette expertise scientifique collective seront disponibles au premier semestre 2011. En tout état de cause, il convient de rappeler que ces variétés, comme l'ensemble des variétés commercialisées, font l'objet d'une évaluation officielle dans le cadre de leur inscription au Catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées, préalable obligatoire à leur mise sur le marché sur le territoire national et communautaire. Dans le cas où l'obtenteur revendique le caractère de tolérance à un herbicide de sa variété, ce dernier est évalué officiellement dans le cadre de l'inscription, ceci afin de garantir la transmission d'une information loyale à l'agriculteur utilisateur.
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