Question de Mme GOULET Nathalie (Orne - UC) publiée le 17/06/2010
Mme Nathalie Goulet attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur la situation des territoires du Haut-Karabagh.
Le 4 mai dernier, en réponse à sa question orale n° 898, il a réaffirmé clairement la position de la France dans le conflit ayant conduit à l'occupation du Haut-Karabagh par les forces arméniennes, occupation illégale impliquant le retour des réfugiés azerbaïdjanais et le retrait des forces arméniennes.
Or, le 23 mai dernier, des parlementaires français se sont rendus au Haut-Karabagh à l'invitation du "Président" de cet "État".
Cette "République" n'a aucune existence légale et n'est pas reconnue en France, et pourtant elle y dispose d'une ambassade et y exerce une activité de lobbying importante.
Elle souhaiterait donc connaître les conditions d'installation en France de cette officine, ainsi que les mesures qu'il compte prendre pour que la France ne s'exprime que d'une seule voix sur ce point extrêmement délicat et qui pourrait remettre en cause le très fragile équilibre dans le Caucase et avoir des répercussions importantes sur les relations bilatérales franco-azéries jusqu'alors pérennes et alors même que les échanges économiques et stratégiques avec l'Azerbaïdjan représentent un enjeu important pour la France.
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Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation publiée le 07/07/2010
Réponse apportée en séance publique le 06/07/2010
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le secrétaire d'État, je sais que M. Lellouche n'est pas là ce matin pour me répondre, et j'ai la prétention de vous faire voyager loin du Loir-et-Cher, puisque je vous emmène maintenant dans le Caucase
Le Caucase, c'est loin, mais l'Azerbaïdjan et l'Arménie, que, monsieur le président, vous aimez tant, sont des pays amis de la France.
M. le président. C'est vrai !
Mme Nathalie Goulet. Oui, vous nous avez emmenés sur des chemins malaisés et sablonneux, mais enfin !
Ce sont donc des pays amis de la France, et ils sont en guerre.
La France copréside le groupe de Minsk, mais le conflit perdure.
Rappelons la situation. Depuis 1991, l'Arménie occupe différents territoires azerbaïdjanais, le Haut-Karabagh et ses pourtours : Zanguelan, Goradiz, Agdam, et le Conseil de sécurité a adopté plusieurs résolutions dénonçant cet état de fait.
Le Haut-Karabagh est un territoire azerbaïdjanais occupé. Le Conseil de sécurité et l'assemblée générale des Nations unies l'ont répété à différentes reprises et exigent « le retrait immédiat, complet et inconditionnel de toutes les forces arméniennes des territoires occupés de la République d'Azerbaïdjan » ; considèrent qu'il faut « assurer aux communautés arménienne et azerbaïdjanaise de la région du Haut-Karabakh » des conditions de vie normale, nous sommes tous d'accord ; réaffirment enfin, et c'est important, « qu'aucun État ne doit reconnaître comme licite la situation créée par l'occupation de territoires de la République d'Azerbaïdjan ni prêter aide ou assistance pour perpétuer la situation ainsi créée ».
Or, le 23 mai dernier, à l'invitation du président de la République fantôme du Haut-Karabagh, des parlementaires français se sont rendus dans cette République qui n'existe pas.
Cette République, qui n'a aucune existence légale, a pourtant une ambassade en France, un ambassadeur, un gouvernement
Tout cela est très intéressant ! Simplement, comme l'a réaffirmé Pierre Lellouche ici même, le 4 mai dernier, ainsi que le Conseil de sécurité et l'assemblée générale des Nations unies, ces territoires sont occupés.
Ma question est donc la suivante : quelles sont les conditions de l'installation en France de cette « ambassade » ? Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour que la France ne s'exprime que d'une seule voix dans ce conflit extrêmement délicat ?
Les Azerbaïdjanais ne sont pas des Turcs et n'ont rien à voir avec le génocide arménien, sur lequel, monsieur le président, nous nous sommes tous exprimés.
La France copréside le groupe de Minsk, ce qui emporte pour elle l'obligation d'avoir un comportement exemplaire dans un conflit complexe ayant pour cadre une région qui est extrêmement prompte à s'enflammer.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Madame le sénateur, vous avez raison, les presses arménienne et azerbaïdjanaise se sont fait l'écho d'un déplacement au Haut-Karabakh de parlementaires français à l'invitation des soi-disant autorités de ce territoire. Vous l'avez parfaitement indiqué, tout cela n'a pas beaucoup de sens.
Cette visite, du reste, n'a pas manqué de susciter, comme c'était normal, des réactions négatives en Azerbaïdjan à l'occasion de votre récent déplacement dans ce pays, salué par la presse locale et sans doute aussi internationale.
La décision prise par vos collègues de l'Assemblée nationale de se rendre dans ce territoire n'engage qu'eux-mêmes. La position de la France à cet égard est sans ambiguïté : la France, pas plus qu'aucun autre État, pas même l'Arménie, ne reconnaît l'indépendance du Haut-Karabakh. La France soutient la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Azerbaïdjan dans ses frontières internationalement reconnues. Cette position a, du reste, été régulièrement rappelée par le Gouvernement à la représentation nationale.
Fidèle à cette position de principe, la France, comme c'est naturel, n'entretient aucune relation avec les autorités de facto du Haut-Karabakh. Cette entité autoproclamée ne dispose d'aucune représentation accréditée auprès du Gouvernement français. Seul le coprésident français du groupe de Minsk, dans le cadre de son mandat partagé avec ses homologues américain et russe, groupe reconnu par les autorités de l'Azerbaïdjan, est autorisé à se rendre au Haut-Karabakh et à y rencontrer les autorités de facto.
Telle est, madame le sénateur, la position sans ambiguïté du Gouvernement à cet égard.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse.
Le Président de la République nous a indiqué qu'il ferait un déplacement en Azerbaïdjan, et on l'attend. Ce conflit n'a que trop duré.
Notre assemblée, sous l'égide du président Poncelet, avait organisé des réunions entre les présidents des parlements de ces pays en guerre ; je pense que ce travail devrait se poursuivre. Nous avons devant nous une grande marge d'amélioration et de progression dans la diplomatie parlementaire s'agissant de cette partie du Caucase, encore une fois, amie de la France.
Vous le savez, la diaspora arménienne est extrêmement puissante. À nous de savoir distinguer entre, d'une part, le génocide de 1915, sur lequel le Parlement aurait peut-être dû laisser les historiens s'exprimer, mais la loi est la loi, et je la respecte totalement ; d'autre part, ce conflit ouvert qui, aujourd'hui, est vraiment exacerbé. J'ai visité les camps de réfugiés azéris, rassemblés à quelques kilomètres de chez eux : ceux de Tulkarem ou de Gaza n'ont rien à leur envier !
La situation est vraiment extrêmement difficile, et je pense que nous avons un rôle positif à jouer, dans le sens de l'apaisement et de la négociation.
Monsieur le secrétaire d'État, il faut aussi comprendre le désarroi des autorités azerbaïdjanaises, qui n'ont pas à leur service une diaspora puissante, agissante, efficace, servie, en plus, par des chanteurs mondialement connus
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