Question de M. BOURQUIN Martial (Doubs - SOC) publiée le 03/06/2010
M. Martial Bourquin attire l'attention de M. le ministre chargé de l'industrie sur les suites qui seront données au pacte automobile.
Le pacte automobile, voté dans le collectif budgétaire, le 4 mars 2009, prévoyait notamment le prêt participatif de 6,5 milliards d'euros aux constructeurs français sur la base d'un taux à 6 %, pendant une durée de cinq ans. Or, à l'occasion de la journée de la filière automobile, le 5 mai, Renault comme Peugeot ont annoncé être en mesure de rembourser dès maintenant ces prêts consentis il y a un an.
Il se félicite que ce projet de remboursement anticipé semble traduire une embellie de la situation des deux principaux constructeurs automobiles français. Il ne peut malheureusement que déplorer un grand décalage avec la situation réelle de l'ensemble de la filière, en particulier celles des équipementiers et sous-traitants. L'hémorragie de suppressions d'emplois dans la filière continue ses ravages. Il cite l'exemple récent de l'entreprise EAK, située à Valentigney, qui employait jusqu'à maintenant 92 salariés et dont la fermeture est programmée fin 2011.
Il fait remarquer que les contreparties inhérentes au pacte automobile en terme de maintien de sites d'assemblage, de gouvernance, de préservation d'emplois, d'un code de performance et de bonnes pratiques avec les équipementiers et sous-traitants étaient adossées à la durée du prêt. Le remboursement anticipé de ces prêts signerait donc la fin du pacte automobile.
Il lui demande de bien vouloir lui indiquer les termes financiers exacts de ce projet de remboursement anticipé et en particulier le gain financier de l'État. Il s'inquiète par ailleurs de savoir si une partie de ces prêts pourrait être utilement réorientée vers les PME/TPE de la filière ainsi qu'en direction de projets novateurs de production de voitures décarbonées.
Il lui demande enfin comment l'État entend désormais garantir la pérennité des contreparties fondatrices du pacte automobile.
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Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation publiée le 07/07/2010
Réponse apportée en séance publique le 06/07/2010
M. Martial Bourquin. Monsieur le secrétaire d'État, en mai dernier, les deux constructeurs français Renault et Peugeot ont annoncé être en mesure de rembourser les six milliards d'euros de prêts bonifiés consentis par l'État en mars 2009.
« C'est une bonne nouvelle qui semble attester de la santé revigorée de la trésorerie des deux constructeurs », me direz-vous. À y regarder de plus près, les annonces des deux constructeurs et leur relative confidentialité soulèvent des interrogations.
Je commencerai par des questions à caractère financier : où en est exactement le remboursement de ce prêt ? À quel taux a-t-il finalement été consenti ? Quand connaîtrons-nous le gain financier, s'il existe, de cette opération ?
Ensuite, monsieur le secrétaire d'État, vous me permettrez de poser la question qui fâche : qu'allez-vous faire de cet argent ?
Une majeure partie aurait été préemptée par le Grand Paris, mais la filière automobile attend quelques dividendes, car, vous le savez, certaines PME, aujourd'hui exsangues, ont besoin de liquidités ou d'accès au crédit. Et le budget de l'État crie famine
Nous avons besoin d'éclaircissements sur ces questions. En effet, ce n'est pas tous les jours que l'État voit revenir dans son escarcelle 6 milliards d'euros !
Par ailleurs, je vous poserai une question à portée industrielle.
Le remboursement anticipé met fin de facto au pacte automobile, puisque les contreparties étaient adossées à la durée du prêt. Aujourd'hui, qu'en est-il des engagements réels et chiffrés des constructeurs sur le maintien des sites de production en France
Mme Nathalie Goulet. Très bonne question !
M. Martial Bourquin.
et sur les investissements en faveur de l'environnement ?
Surtout, quid de la mise en uvre du code de performance et de bonnes pratiques avec les équipementiers et les sous-traitants ?
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Martial Bourquin. Faute de prises de parole publiques sur la question, seuls les faits parlent !
Or, quelques jours après l'annonce de cette sortie anticipée du pacte automobile, la production des sièges avant de la Zoé électrique a été confiée à un équipementier turc, au détriment de l'équipementier français Trèves, donc au détriment aussi du bilan carbone !
Dans le même temps, M. Carlos Ghosn déclarait dans le Financial Times que Renault n'était plus une entreprise française !
Dans ce contexte, n'avez-vous pas l'impression, monsieur le secrétaire d'État, que « le label France » et « l'exemplarité du secteur automobile », prônés par le ministre de l'industrie, sont démentis dans les faits et presque tués dans l'uf ?
Mme Nathalie Goulet. Très bien ! Il s'agit d'une très bonne question !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur le sénateur, Christian Estrosi reçoit en ce moment même les différents acteurs de la filière automobile en présence de René Ricol, commissaire général à l'investissement, pour un échange sur les priorités à définir en matière d'investissements d'avenir, dans le cadre des 750 millions d'euros dédiés aux véhicules du futur. Il m'a donc demandé de vous apporter la réponse suivante.
Depuis la mise en place, en février 2009, du pacte automobile par le Président de la République, la situation de la filière automobile s'est, reconnaissons-le, grandement améliorée, notamment grâce à la mise en uvre de la prime à la casse. Le marché automobile a ainsi progressé de près de 11 % en 2009 par rapport à 2008 et a augmenté de 5,4 % durant le premier semestre de 2010 par rapport au premier semestre de 2009. Cette performance est d'autant plus importante que l'année 2009 a, elle-même, été une année record.
Contrairement aux craintes exprimées par certains il y a quelques mois, ce bilan montre que nous avons eu raison de ne pas mettre brutalement fin à la prime à la casse, comme ont pu le faire d'autres pays comme l'Allemagne, dont le marché souffre énormément en ce moment.
La production automobile sur notre territoire a pleinement bénéficié de ces mesures : pour les quatre premiers mois de cette année, elle est en progression de près de 40 % par rapport à la même période de 2009. Ces chiffres sont donc très satisfaisants.
C'est dans ce cadre que les deux producteurs automobiles ont fait savoir on peut le comprendre ! qu'ils envisageaient de rembourser par anticipation une partie des prêts accordés par l'État en mars 2009, au plus fort de la crise automobile.
Christian Estrosi a eu l'occasion d'indiquer que le Gouvernement était d'accord sur le principe d'un remboursement partiel par anticipation et que les discussions étaient ouvertes afin d'en préciser les modalités, si une telle demande était officiellement formulée.
En tout état de cause, pour répondre aux craintes légitimes que vous avez exprimées, je puis vous assurer que les engagements que PSA et Renault ont pris dans le cadre de ces prêts ne seront en aucun cas remis en cause. Nous y serons particulièrement attentifs, s'agissant notamment de l'amélioration des relations entre donneurs d'ordres et sous-traitants.
Des efforts ont déjà été réalisés avec la conclusion d'un code de performance et de bonnes pratiques et la mise en place de la plateforme de la filière automobile. Ces efforts doivent être poursuivis et amplifiés. Si tel n'était pas le cas, les entreprises pourront faire appel au médiateur de la sous-traitance qui vient d'être nommé en la personne de Jean-Claude Volot.
En effet, l'amélioration du contexte ne doit pas faire oublier les difficultés que rencontrent certaines entreprises, notamment dans le tissu des sous-traitants. L'exemple d'EAK est là pour nous le rappeler.
Je puis vous assurer, monsieur le sénateur, que la mobilisation du Gouvernement en faveur de la filière automobile ne se démentira pas.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Je tiens à vous remercier, monsieur le secrétaire d'État, de vos réponses. Mais, entre les paroles de Christian Estrosi et les actes
En effet, cet élan constaté dans les ventes d'automobiles pose un vrai problème s'il ne profite pas à nos territoires et aggrave le déficit du commerce extérieur.
Dans un tout autre domaine, mais dans le même esprit, je citerai un exemple tout récent. J'apprends en effet que La Poste, entreprise 100 % publique, vient d'acheter 3 000 scooters taïwanais, et non pas des scooters produits par le groupe PSA.
Vous rendez-vous compte, monsieur le secrétaire d'État, que l'entreprise Peugeot Motocycles va se trouver au bord du gouffre à cause de cette commande publique qui ne s'est pas concrétisée, pour quelques dizaines d'euros !
Nous devons nous préoccuper de nos territoires et de nos PME, surtout des équipementiers, qui connaissent de très graves difficultés. Sait-on assez que, quand on achète aujourd'hui une Clio, la probabilité est forte qu'elle ait été fabriquée à l'étranger ?
Voilà dix ou quinze ans, lorsque l'industrie automobile connaissait un regain d'activité, cela avait des répercussions sur l'ensemble de l'emploi. Aujourd'hui, même lorsque les grands constructeurs français gagnent en volume, cela ne profite pas toujours à l'emploi.
Je sais bien qu'il existe une différence entre PSA et Renault, mais je constate que la politique pratiquée par l'entreprise Renault, dont l'État détient une partie du capital, est aujourd'hui complètement aberrante. Ce constructeur ne se conduit pas comme une grande entreprise nationale ! Pis encore, son propre PDG déclare que Renault n'est plus une entreprise française ! Voilà qui est d'une gravité sans nom, même si ledit PDG a tenté de se reprendre ensuite dans la presse étrangère.
Monsieur le secrétaire d'État, la construction automobile est l'un des fleurons de l'industrie française, et de tels agissements ont des répercussions dans nos territoires, car ce sont des milliers de personnes qui se retrouvent au chômage. C'est ce qui nous préoccupe aujourd'hui !
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