Question de Mme CARTRON Françoise (Gironde - SOC) publiée le 04/06/2010
Question posée en séance publique le 03/06/2010
Mme Françoise Cartron. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
Trouver des « gisements d'efficience » : tel est l'objectif que vous vous êtes fixé, monsieur le ministre, si l'on en croit les documents internes à votre ministère qui ont été publiés lundi dernier.
Ce jargon managérial masque mal la violence du projet. En dépit de promesses répétées, il s'agit, en fait, d'appliquer brutalement la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux dans l'éducation nationale. C'est ainsi que 16 000 postes seraient supprimés en 2011 !
Quels sont donc ces fameux « gisements » ? Il s'agit d'augmenter le nombre d'élèves par classe, de supprimer la scolarisation des enfants âgés de 2 à 3 ans, de réduire les besoins en termes de remplacement, de fermer les petites écoles rurales, de supprimer les RASED, les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, de procéder à la « mise en extinction » je reprends vos propres termes, monsieur le ministre ! des psychologues scolaires, de systématiser le recours aux vacataires pour assurer les remplacements, de supprimer les assistants de langue
Je m'arrête là, car la liste est déjà trop longue !
En treize fiches, qui n'ont rien de pédagogique, vos services dressent le portrait d'une école démantelée, qui sera évidemment incapable d'assurer correctement ses missions, surtout envers les élèves les plus fragiles.
Pour accomplir cette besogne, vous n'hésitez pas à revenir sur des promesses formulées ici même : celles de votre prédécesseur, qui avait garanti, à la tribune de la Haute Assemblée, la préservation des postes RASED restants.
M. Guy Fischer. Il avait menti !
Mme Françoise Cartron. Vous reniez aussi vos ambitions éducatives : quel enseignement des langues allez-vous dispenser sans assistants étrangers ?
Concernant les enfants âgés de 2 à 3 ans, vous avez trouvé une méthode infaillible pour faire des économies : supprimer les élèves pour supprimer les professeurs ! Voilà une solution imparable ! Et ne nous dites pas qu'il ne s'agit là que de projets : la plupart d'entre eux sont déjà à l'œuvre dans nos départements !
M. Jacques Mahéas. C'est vrai !
Mme Françoise Cartron. Il s'agit non plus de la RGPP, la révision générale des politiques publiques, mais du DGSE, le démantèlement général du service public d'éducation ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. René-Pierre Signé. C'est la nouvelle formule !
Mme Françoise Cartron. Pourtant, le rapport de la Cour des comptes de mai dernier pointe un déficit de financement de l'école primaire par rapport à la moyenne des pays de l'OCDE, à hauteur de 15 %.
Quant aux territoires ruraux, ils seront abandonnés. Les petites écoles seront supprimées ou regroupées de force.
Mme Nathalie Goulet. C'est déjà fait !
Mme Françoise Cartron. Dans quelques jours, les futurs bacheliers vont plancher. Pour votre part, monsieur le ministre, pouvez-vous nous commenter la citation suivante : « La question centrale est donc celle de la qualité de la dépense publique. La logique de la rigueur l'occulte parce qu'elle conduit à ne plus s'interroger que sur les conséquences budgétaires à court terme des décisions que l'on prend. » ? Voilà ce que déclarait Nicolas Sarkozy en juin 2009, devant le Congrès de Versailles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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Réponse du Ministère de l'éducation nationale publiée le 04/06/2010
Réponse apportée en séance publique le 03/06/2010
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Madame le sénateur, j'ai déjà eu l'occasion tout à l'heure de rappeler l'importance des moyens votés par le Parlement en faveur de l'éducation nationale. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Je compléterai mon propos en précisant que l'école de la République accueille aujourd'hui 700 000 élèves de moins qu'au début des années quatre-vingt-dix,
M. Jacques Mahéas. Vous n'en voulez plus en maternelle !
M. Luc Chatel, ministre.
mais qu'elle compte pourtant 50 000 enseignants de plus ! Encore une fois, les moyens, nous les avons !
Toutefois, l'éducation nationale, premier budget de l'État, employeur de la moitié des fonctionnaires de notre pays,
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et alors ?
M. Luc Chatel, ministre.
ne saurait s'exonérer de l'effort de maîtrise de la dépense publique
M. Jacques Mahéas. Au détriment des élèves !
M. Luc Chatel, ministre.
que vous appelez tous, mesdames, messieurs les sénateurs, de vos vux. Cet effort, s'agissant en particulier du non-remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux, nous le menons avec discernement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous en manquez, c'est bien là le problème !
M. Luc Chatel, ministre. Faire preuve de discernement, c'est ne pas hésiter à créer des postes ou à ouvrir une structure lorsque se manifestent des besoins nouveaux. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. David Assouline. Ce n'est pas vrai !
M. Luc Chatel, ministre. Cette année, parce que la démographie l'exigeait, nous avons ainsi ouvert 500 classes supplémentaires !
La lutte contre l'insécurité à l'école devenant une priorité, nous avons créé les équipes mobiles de sécurité, et rattaché 500 personnels aux recteurs.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est comme ça que vous remplacez les enseignants ?
M. David Assouline. Et les psychologues ?
M. Luc Chatel, ministre. Parce que la politique d'accueil des enfants handicapés est, à nos yeux, une priorité,
M. Guy Fischer. Parlons-en !
M. Luc Chatel, ministre.
nous avons ouvert 200 unités pédagogiques d'intégration supplémentaires.
C'est donc avec discernement que nous menons la politique de non-remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Il y a deux manières de faire : soit l'on décide de façon autoritaire de supprimer un nombre donné de postes dans telle ou telle académie ou dans telle ou telle catégorie de personnel,
M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes très autoritaire !
M. Luc Chatel, ministre.
soit l'on part des besoins constatés sur le terrain, de la réalité des établissements (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG),
M. Jean-Louis Carrère. C'est comme avec les gendarmeries !
M. Luc Chatel, ministre.
des difficultés des élèves, pour répartir de façon différenciée les moyens que nous affectons à l'éducation nationale. C'est cette seconde méthode que j'ai choisie !
M. Jean-Louis Carrère. Non !
M. Luc Chatel, ministre. Nous nous donnons aujourd'hui les moyens de mener un projet éducatif de qualité. (Non ! sur les travées du groupe socialiste.) Simplement, nous devons mieux répartir ces moyens sur l'ensemble du territoire, comme le préconisent d'ailleurs tous les observateurs du système éducatif français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
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