Question de M. VERA Bernard (Essonne - CRC-SPG) publiée le 23/06/2010

Question posée en séance publique le 22/06/2010

Concerne le thème : La crise financière européenne

M. Bernard Vera. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la crise financière de l'été 2007 a fait la démonstration que plusieurs décennies de libéralisation des secteurs financiers et de privatisation des établissements de crédit avaient entraîné des problèmes majeurs de fonctionnement et de dérégulation de l'ensemble du secteur.

Durant vingt-cinq années, le nombre des produits dérivés a augmenté tandis que les réseaux bancaires ont multiplié les services payants, réduit l'accès au crédit des personnes les plus vulnérables et des plus petites entreprises, accru le coût global de la ressource bancaire pour l'ensemble des activités sociales et économiques.

Le bilan de cette libéralisation, même si le secteur financier de notre pays semble avoir mieux résisté à la tourmente de 2008, est donc globalement négatif.

Ainsi, vingt-cinq années de libéralisation et de privatisation ont conduit à la stagnation de l'emploi dans le secteur concerné. Elles ont été marquées par le développement du surendettement des ménages les plus modestes, et la nation a été privée de nombre d'outils nécessaires à la relance économique.

S'il fallait apporter une preuve de ce processus, sans doute conviendrait-il de rappeler que le plan de sauvetage des banques de 2008 n'a été assorti d'aucune contrepartie et que les établissements bancaires ont d'abord et avant tout pensé à leur redressement financier plutôt qu'au financement de la relance de l'activité économique, rationnant le crédit aux petites et moyennes entreprises et aux particuliers.

Le plan d'aide à la Grèce n'a été que la répétition de ce plan d'aide aux banques. En réalité, il a consisté à endetter le pays pour sauver les banques, sans aucune contrepartie, là encore.

Aussi, madame la secrétaire d'État, nous vous demandons d'envisager, dans les meilleurs délais, les conditions dans lesquelles la France pourrait se doter de nouveau d'un secteur bancaire et assurantiel public, élargissant ce qui reste aujourd'hui sous maîtrise publique en ce domaine, à savoir la Banque postale, la Caisse des dépôts et consignations, ou encore OSEO. Quand le Gouvernement va-t-il faire en sorte que le secteur bancaire et financier soit placé sous maîtrise publique, avec des fins évidentes d'utilité sociale et économique ?


Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce extérieur publiée le 23/06/2010

Réponse apportée en séance publique le 22/06/2010

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Christine Lagarde, actuellement retenue à l'Élysée. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Pour ma part, je me réjouis de la tenue du présent débat. Il permet, sur des sujets en apparence techniques mais en réalité très politiques, de réaliser ensemble un travail de pédagogie et d'explicitation.

Pour en venir à votre propos, monsieur Vera, vous avez pointé deux éléments finalement assez justes. D'une part, la dérégulation à l'échelle mondiale, dont nous avons pu constater certains effets au moment de la crise, a malheureusement eu des conséquences tout à fait déplorables. D'autre part, notre secteur financier national a bien résisté.

En revanche, vous avez formulé un certain nombre d'allégations qui ne me paraissent pas réellement fondées.

Lorsque le plan « de sauvetage des banques », pour reprendre les termes que vous avez employés, a été mis en place, il s'agissait à l'époque de redonner du souffle au crédit, secteur alors en pénurie, et, partant, à l'économie française, au bénéfice des entreprises et des ménages. La contrepartie de ce plan, à savoir la rémunération de l'État par les banques, a rapporté autour de 1,4 milliard d'euros.

De plus, les mesures élaborées pour accompagner les engagements pris par les banques – je pense notamment à l'instauration du médiateur du crédit – ont permis aux entreprises de ne pas être asphyxiées.

Par ailleurs, pour ce qui concerne la Grèce, ainsi que l'ensemble des dispositifs européens dont nous aurons l'occasion de reparler, je voudrais souligner combien, là encore, la France a pris nombre d'initiatives pour garantir la solidité de nos systèmes financier et bancaire et celle de l'euro, et donc pour assurer la préservation de l'emploi et de l'activité.

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour la réplique.

M. Bernard Vera. Madame la secrétaire d'État, force est de le constater : vous n'avez pas répondu à ma question !

Je me permets par conséquent d'insister : selon les estimations de la Cour des comptes rendues publiques à la fin du mois de mai dernier, entre 2008 et 2009, l'État aurait perdu près de 6 milliards d'euros en ne prenant pas part au capital des banques. La commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale estime, quant à elle, à plus de 13 milliards d'euros la perte due au remboursement des avances de l'État au prix atteint par les actions de ces mêmes banques au moment de la crise.

La réalité des chiffres ne fait donc pas apparaître sous un jour très reluisant la manière dont notre pays a géré la crise financière ! Argent perdu, emplois sacrifiés, crédit contracté : tous ces éléments suffisent amplement pour légitimer la maîtrise publique des secteurs bancaire et financier. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

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