Question de M. CARLE Jean-Claude (Haute-Savoie - UMP) publiée le 21/05/2010

Question posée en séance publique le 20/05/2010

M. Jean-Claude Carle. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez toujours montré votre attachement à la filière de l'apprentissage.

M. Charles Revet. C'est très important !

M. Jean-Claude Carle. Tout récemment encore, les ateliers de l'apprentissage et de l'alternance, installés au début de l'année à la suite du rapport d'Henri Proglio, en témoignent.

Nous ne pouvons que saluer votre volonté de faire de l'apprentissage la filière de l'excellence et de la réussite, alors que la formation en alternance est encore trop considérée comme celle où conduisent les échecs successifs. Elle est trop souvent perçue comme un stigmate de l'échec.

M. Jean-Louis Carrère. C'est un choix par défaut !

M. Jean-Claude Carle. À mon sens, trois causes principales expliquent cette situation.

Tout d'abord, il s'agit d'un problème culturel propre à notre pays, celui de la hiérarchisation des intelligences et, par corollaire, de la hiérarchisation des voies de formation.

Ensuite, il faut noter le désamour pour l'entreprise et l'entrepreneur, notamment au sein du système éducatif. Or cette attitude est aux antipodes de celle de nos voisins allemands, par exemple ! (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)

Enfin, nous devons faire face au sentiment, largement répandu au sein de l'éducation nationale, qu'elle doit avoir le monopole du savoir et de sa transmission.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les bras nous en tombent !

M. Jean-Claude Carle. Certes, des changements sont apparus, notamment grâce aux lois de décentralisation, à la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école de 2005, dite « loi Fillon », à la loi sur la réforme de la formation professionnelle de 2009, à laquelle vous avez attaché votre nom, monsieur le secrétaire d'État, et qui fait désormais entrer la formation professionnelle dans le cadre de compétences partagées.

L'apprentissage résiste à la crise. Il n'est qu'à voir l'augmentation du nombre de contrats en 2009, de l'ordre de 5 %. Qu'il me soit permis de saluer le sens des responsabilités dont font preuve, dans le contexte difficile que nous connaissons, un certain nombre d'acteurs socio-économiques, tout particulièrement ceux qui dirigent les petites et très petites entreprises. Ils ont compris qu'il s'agissait d'un véritable investissement et que cette voie était celle qui apportait dans le même temps une réponse aux projets des jeunes, aux besoins de l'économie et à la diversité de nos territoires.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est pour cela que l'on ferme des filières !

M. Jean-Claude Carle. Avec les ateliers de l'apprentissage et de l'alternance, vous avez manifesté votre intention d'ouvrir des pistes nouvelles d'évolution. Il faut maintenant concrétiser, serais-je tenté de dire. Cela suppose quelques réformes, notamment celle de la collecte et de la répartition de la taxe d'apprentissage, afin que les sommes en question aillent de préférence à ceux qui font de l'apprentissage.

M. le président. Votre question !

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous préciser les suites que vous comptez réserver aux ateliers de l'apprentissage et de l'alternance et la démarche que vous entendez adopter afin que cette voie soit véritablement celle de la réussite ? Car, pour moi, un apprenti en marche fait plus avancer la France qu'un intellectuel ou un pédagogue assis ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cette remarque, elle, est un sommet de l'intelligence !

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de l'emploi publiée le 21/05/2010

Réponse apportée en séance publique le 20/05/2010

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Monsieur le sénateur, parmi les parlementaires, vous êtes sûrement l'un des plus fins connaisseurs des questions de formation professionnelle et l'un des meilleurs défenseurs de l'alternance et de l'apprentissage.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est surtout un fin connaisseur de l'intelligence !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Votre question le prouve encore une fois.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que tous les intellectuels assis du Sénat s'en aillent !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Ce n'est d'ailleurs pas une surprise puisque le Sénat est, des deux assemblées, celle qui s'est la première attachée à défendre l'apprentissage, et je sais que le président Gérard Larcher entend faire en sorte que cet engagement se poursuive. La Haute Assemblée accueille d'ailleurs chaque année – vous y participez, monsieur Carle – les Rencontres de l'apprentissage, qui contribuent à valoriser l'image des apprentis.

Quels sont les avantages d'une formation par l'apprentissage ?

D'abord, dans sept à huit cas sur dix, l'apprenti trouve un emploi dès la fin de sa formation. En d'autres termes, ses chances de trouver un emploi en CDI sont de 20 % à 40 % plus grandes que s'il avait suivi la même formation sans alternance.

Ensuite, l'apprentissage est une formation concrète, qui permet à nos jeunes d'être directement dans la vie pratique, d'entrer dans l'univers des entreprises et de faire leurs preuves, ce à quoi ils aspirent de plus en plus fortement.

Enfin, et c'est loin d'être négligeable, parce qu'il est rémunéré, l'apprentissage permet à des familles modestes de financer les études de leurs enfants.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui, ceux qui n'ont pas de moyens ne peuvent prétendre faire des études !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. En outre, l'apprentissage est un moteur très puissant de promotion sociale. Il permet aujourd'hui d'atteindre des formations de niveau master.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On est retourné au xixe siècle !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. C'est pourquoi le Président de la République et le Premier ministre ont souhaité que nous puissions franchir une étape supplémentaire et atteindre, à l'instar de l'Allemagne, l'objectif d'un jeune sur cinq formé par le biais de l'alternance.

Que faut-il changer pour y parvenir ?

Tout d'abord, il faut agir sur l'orientation. Les jeunes ne sont pas encouragés par les conseillers d'orientation-psychologues à faire le choix de l'alternance et de l'apprentissage.

M. Alain Gournac. C'est vrai !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est faux !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Cela n'est pas acceptable. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.) L'alternance et l'apprentissage doivent faire l'objet d'actions de promotion et d'information systématiques dans le cadre de l'éducation nationale.

Ensuite, il convient de simplifier les procédures à la fois pour les entreprises et pour les jeunes. Ainsi, ce matin, le Gouvernement a lancé un site Internet dédié à l'alternance, qui vise à rassembler toutes les offres d'apprentissage.

Par ailleurs, il s'agit de valoriser le statut des apprentis. Un apprenti n'est pas un étudiant de « seconde zone ». Il doit bénéficier des mêmes avantages que les autres étudiants, des mêmes réductions, des mêmes possibilités en matière de déplacements ou d'accès à certains logements.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'État !

M. Jean-Louis Carrère. Gérez votre temps, à défaut de gérer la France !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Enfin, il est indispensable de promouvoir l'alternance dans de nouveaux domaines, notamment du secteur tertiaire, comme les services ou le tourisme.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l'alternance est une voie d'excellence et nous comptons sur vous pour nous aider à la défendre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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