Question de Mme TASCA Catherine (Yvelines - SOC) publiée le 26/05/2010

Question posée en séance publique le 25/05/2010

Concerne le thème : Pouvoir et médias

Mme Catherine Tasca. Monsieur le ministre, la relation entre les médias et le pouvoir pèche aujourd'hui par trop de proximité. En deux ans, le Président Sarkozy a passé deux nœuds coulants au cou de l'audiovisuel public : d'abord, il accapare le pouvoir de nomination des PDG, aliénant leur indépendance et les chances du pluralisme ; ensuite, il compromet gravement le financement de France Télévisions en décidant « royalement » de supprimer en deux étapes la publicité.

Monsieur le ministre, persistez-vous à passer à la deuxième étape en 2011, alors que tout le monde, y compris dans votre majorité, s'interroge sur son opportunité ? Qui peut croire sérieusement que l'État sera, demain, en mesure de compenser par une dotation budgétaire accrue cette suppression des recettes publicitaires ? Vous n'y croyez pas vous-même !

Dans ces conditions, comment comptez-vous garantir les engagements pris à l'égard de la production originale ? Où en êtes-vous de la négociation avec Bruxelles s'agissant de l'attribution de nouvelles ressources ?

Enfin, alors même que le groupe France Télévisions s'efforce de bâtir son entreprise unique et de négocier une nouvelle convention collective, le Président de la République décide de changer l'équipe de direction. Une fois de plus, France Télévisions est privée de cette faculté de vivre la continuité que connaissent les grands groupes privés.

Le chef de l'État choisit de changer le cocher au milieu du gué, quel qu'en soit le coût pour l'entreprise. Faute de griefs clairement énoncés, on doit chercher l'explication ailleurs, à l'évidence dans la volonté permanente de Nicolas Sarkozy de mettre en place des personnalités à lui toutes dévouées et de satisfaire les appétits du secteur privé, comme c'est envisagé pour la régie publicitaire.

M. Bernard Fournier. Il ne s'agit absolument pas de cela !

Mme Catherine Tasca. Monsieur le ministre, confirmez-vous le départ, au terme de son mandat, de l'actuelle équipe dirigeante de France Télévisions ? Comment justifiez-vous ce changement, qui pèse depuis des mois sur le moral des personnels et met l'entreprise en suspens ? Surtout, quelles missions comptez-vous donner au futur nominé et en quoi différeront-elles de la mission assumée par l'équipe actuelle ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Didier Guillaume. Très bonnes questions !


Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 26/05/2010

Réponse apportée en séance publique le 25/05/2010

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Madame la sénatrice Catherine Tasca, que de questions en une seule !

Je voudrais tout d'abord rappeler que la nouvelle procédure de nomination du président de France Télévisions met fin à un système hypocrite et qu'elle est assortie de nombreuses garanties. En effet, la nomination par décret du Président de la République ne peut intervenir qu'après avis conforme du Conseil supérieur de l'audiovisuel et après avis des commissions parlementaires chargées des affaires culturelles dans chacune des deux assemblées.

Force est de constater qu'avec cette nouvelle procédure de nomination l'indépendance des sociétés nationales de programme concernées n'est pas entamée, comme l'a d'ailleurs confirmé le Conseil constitutionnel.

Elle a été une première fois mise en œuvre avec la nomination de M. Jean-Luc Hees à la présidence de Radio France. Vous y avez d'ailleurs été associés, comme le prévoit la loi. Cette nouvelle procédure a donc fait ses preuves puisqu'elle a abouti à la nomination d'un professionnel aux compétences reconnues.

La même sérénité et le même sérieux entoureront le choix de la personne appelée à assurer la prochaine présidence de France Télévisions. Je ne saurais me montrer plus précis, la réflexion étant encore en cours.

J'ajouterai cependant deux observations personnelles.

En premier lieu, je suis en accord avec le Président de la République sur notre ambition pour la prochaine présidence de France Télévisions. Je suis déterminé à ce qu'un professionnel accompli conduise France Télévisions à évoluer vers la télévision du xxie siècle que nous appelons tous de nos vœux, tout en défendant les valeurs fondamentales d'excellence du service public.

En second lieu, je tiens à vous garantir que les parlementaires, notamment vous, mesdames, messieurs les sénateurs, seront étroitement associés à cette future nomination, qui représente un choix fondateur pour l'avenir de l'audiovisuel public.

En ce qui concerne la publicité, je veux rappeler ce que prévoit la loi, une loi votée il y a un an à peine, en mars 2009. La suppression totale de la publicité sur France Télévisions interviendra au moment où la France sera entièrement couverte par la TNT, c'est-à-dire à la fin de l'année 2011. Le choix du moment de l'extinction de la diffusion analogique, en novembre 2011, pour supprimer la publicité en journée sur France Télévisions ne résulte pas du hasard.

Avant cette suppression, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur l'impact de la fin de la publicité en soirée. Ce rapport doit être rendu au plus tard le 1er mai 2011.

Par ailleurs, je rappelle, s'il en est besoin, que le financement de France Télévisions est aujourd'hui assuré. L'avenant au contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions, finalisé et actuellement en cours de signature, indique le niveau de ressources publiques jusqu'en 2012. Ce niveau prend en compte le renchérissement lié à la suppression de la publicité, y compris entre 6 heures et 20 heures.

Il n'y a pas d'urgence, pour l'instant, à revenir sur ce que le législateur a voté voilà seulement un an. Les financements nécessaires pour France Télévisions sont prévus ;…

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. … le cadre législatif et réglementaire est clair ; il prévoit une légitime phase d'évaluation.

En ce qui concerne la procédure engagée par Bruxelles, tout est encore en discussion. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour la réplique.

Mme Catherine Tasca. Monsieur le ministre, votre réponse montre que le Gouvernement ne change pas de cap. En vérité, nous non plus, et nous nous posons toujours les mêmes questions, car vos protestations de soutien à l'audiovisuel public ne sont pas convaincantes tant que durent les pressions incessantes de l'Élysée sur les rédactions et tant que les moyens financiers destinés à l'accomplissement de ses missions ne sont pas assurés.

M. Didier Guillaume. Eh oui !

Mme Catherine Tasca. Vous revenez de Cannes, monsieur le ministre, et vous avez pu constater que la plupart des films n'existent que grâce à la contribution des chaînes publiques. (M. le ministre acquiesce.) Or vous n'avez actuellement aucune clé budgétaire ou fiscale pour sécuriser le budget de France Télévisions, ni d'ailleurs celui des autres opérateurs publics ; je pense à Radio France, singulièrement à RFI.

Nous plaidons non pas pour une augmentation infinie des moyens,…

M. le président. Veuillez conclure, madame !

Mme Catherine Tasca. … mais pour une sécurisation de ce secteur.

Selon nous, l'audiovisuel public est un stabilisateur indispensable dans un paysage audiovisuel français en pleine mutation. C'est pourquoi nous n'approuvons pas la voie que la Président de la République a choisie pour une prétendue modernisation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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