Question de M. RENAR Ivan (Nord - CRC-SPG) publiée le 26/05/2010
Question posée en séance publique le 25/05/2010
Concerne le thème : Pouvoir et médias
M. Ivan Renar. Monsieur le ministre, les fusions et concentrations ne cessent de se multiplier dans l'audiovisuel et la presse écrite. L'indépendance et la liberté des médias sont d'autant plus en danger que ceux-ci sont contrôlés par des groupes privés liés au pouvoir. Dès lors, on peut comprendre la défiance de plus en plus forte de nos concitoyens. L'adoption de mesures pour mettre un terme à la confusion des pouvoirs médiatiques, économiques, politiques et financiers est donc une impérieuse nécessité civique et citoyenne.
Car, loin de garantir le pluralisme et l'indépendance des médias, la loi a aggravé la situation. C'est le cas avec la nomination et la révocation des présidents de France Télévisions, de Radio France et de l'audiovisuel extérieur par le Président de la République. Cette mise sous tutelle de l'audiovisuel public remet en effet en cause le principe, fondamental en démocratie, de la séparation des pouvoirs. Les chaînes privées sont dirigées par les amis du chef de l'État et l'audiovisuel public le sera dorénavant par des responsables qu'il a lui-même choisis !
Quant à la télévision numérique terrestre, présentée comme un gage de pluralisme avec ses dix-huit chaînes gratuites, elle est l'objet des convoitises de TF1 et de M6, qui rachètent plusieurs d'entre elles pour s'emparer de leur publicité.
Malgré les mesures issues des états généraux de la presse écrite, la situation de celle-ci reste alarmante. On assiste à l'émergence de nouveaux empires et à une vague de fusions-acquisitions contraire à la diversité des titres de presse nationaux ou régionaux, faisant reculer dangereusement le pluralisme.
De leur côté, les moteurs de recherche, Google en particulier, « cannibalisent » le marché publicitaire.
Si les groupes financiers et industriels, obnubilés par la rentabilité, s'intéressent notamment à la presse écrite, activité hautement déficitaire, c'est parce que ces « faiseurs de roi » ont besoin des médias comme moyens de contrôle, de pression, d'influence sur l'opinion publique.
Si vous voulez que nos concitoyens retrouvent confiance envers leurs médias, monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour renforcer la législation afin de combattre efficacement les rapports incestueux entre médias, monde politique et pouvoir de l'argent ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 26/05/2010
Réponse apportée en séance publique le 25/05/2010
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur le sénateur Ivan Renar, la question de la concentration et du pluralisme dans les médias a récemment été débattue dans cet hémicycle, à l'occasion de l'examen d'une proposition de loi présentée par le groupe socialiste et visant à réguler la concentration dans le secteur des médias.
La qualité et l'intérêt de votre question me conduisent à rappeler un certain nombre de points.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a renforcé les garanties dans le domaine que vous abordez. L'article 4 comporte un nouvel alinéa, selon lequel « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ».
Surtout, l'article 34 prévoit désormais que « la loi fixe les règles concernant [
] la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ». Cette modification a d'ailleurs été introduite à l'initiative du Sénat.
À ce cadre juridique s'ajoutent de nombreux outils de régulation propres à chaque type de média qui permettent aujourd'hui de veiller au respect de l'indépendance des médias.
Je tiens aussi à préciser que la loi de 1986 interdit à une personne ou à un groupement de personnes de procéder à des opérations qui lui donneraient la propriété, le contrôle direct ou indirect, ou l'édition en location-gérance de quotidiens imprimés d'information politique et générale dont la diffusion totale excéderait 30% de la diffusion en France de toutes les publications de cette nature. Cette disposition repose sur trois principes : un seuil de diffusion unique, applicable à l'ensemble de la presse imprimée quotidienne d'information politique et générale, qu'elle soit nationale, régionale ou locale ; une interdiction de franchissement du seuil opposable aux seules acquisitions de titres existants et non à la création de nouvelles publications ; un seuil de diffusion fixé de façon à éviter des concentrations excessives et de préserver le pluralisme sans entraver pour autant la constitution de groupes suffisamment puissants pour affronter la concurrence.
Enfin, en ce qui concerne les nominations à France Télévisions, je rappelle que c'est l'État qui est actionnaire, que c'est la loi qui a défini les nouvelles règles tout en prévoyant un certain nombre de mécanismes de contrôle et qu'elle met fin à un système dont l'hypocrisie était patente.
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour la réplique.
M. Ivan Renar. Monsieur le ministre, je ne peux pas dire que votre réponse m'ait donné entière satisfaction.
Premièrement, il serait souhaitable de renouer avec le programme du Conseil national de la Résistance largement mis en uvre par le général de Gaulle, je vous le rappelle , qui avait eu la sagesse de libérer l'information de la toute-puissance des monopoles économiques et financiers en prenant soin de la soustraire à la pensée ou à l'idéologie unique. Vous le savez, il n'est pas de démocratie et de liberté sans séparation nette et claire des pouvoirs.
Deuxièmement, la vigilance démocratique impose la mise en place de véritables verrous anti-concentration, plus efficaces, afin que le formatage des idées ne l'emporte pas sur le nécessaire débat contradictoire et que les intérêts privés ne priment pas l'intérêt général.
Troisièmement, enfin, je crois qu'il est déterminant de former des citoyens éclairés. L'éducation à l'image et l'appréhension critique de l'information doivent devenir une priorité de l'éducation nationale. Il serait bon que vous puissiez en parler avec votre collègue M. Luc Chatel, monsieur le ministre.
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