Question de M. MICHEL Jean-Pierre (Haute-Saône - SOC) publiée le 29/04/2010
M. Jean-Pierre Michel attire l'attention de Mme la ministre de la santé et des sports sur une éventuelle autorisation de vente par Internet de médicaments délivrés sans ordonnance et non remboursables. Ce projet, s'il aboutissait, mettrait en conformité la France avec l'arrêt DocMorris de 2003 qui permet d'acquérir certains médicaments par le biais de sites de vente en ligne. Ce dernier suscite de nombreuses réserves et inquiétudes de la part des pharmaciens mais aussi des usagers. En effet, la vente par le biais d'Internet peut entraîner des dérives et/ou des contrefaçons. Aujourd'hui, nombre de médicaments vendus pour lutter contre l'obésité ou les troubles de l'érection sont des produits au mieux sans réelle efficacité, au pire dangereux car contenant parfois des substances nocives (en particulier lorsqu'ils sont fabriqués en Chine ou en Afrique). Face aux dérives déjà recensées, pourra-t-on être certain de la fiabilité du doliprane ou de l'efferalgan vendu en ligne ? En outre, un médicament, même délivré sans ordonnance, doit être utilisé à bon escient en tenant compte d'éventuelles interactions médicamenteuses. Or, la vente par Internet supprime les mises en garde utiles habituellement fournies par le pharmacien. Enfin, les usagers vont-ils attendre 24 h ou 48 h une boîte d'aspirine pour soulager un mal de tête ou une douleur dentaire, ce qui pose la question de l'utilité réelle de cette autorisation ; dans tous les cas, celle-ci nécessite un encadrement très strict, réservant la création et la vente aux professionnels concernés et détenteurs, par exemple, d'un label ministériel (le consommateur pourra cependant acheter à meilleur prix sur des sites frauduleux). En conséquence, il lui demande ce qu'elle entend très concrètement proposer, si cette possibilité aboutit, pour garantir une sécurité sanitaire absolue aux usagers
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Réponse du Ministère de la santé et des sports publiée le 21/10/2010
Bien que le phénomène soit difficile à quantifier, la dématérialisation de la vente de médicaments est en très forte expansion, comme en témoignent l'augmentation constante du nombre de sites proposant des médicaments à la vente et la présence massive dans les messageries électroniques de courriers non sollicités (« spams ») incitant à la consommation de médicaments généralement soumis à prescription médicale. Cette pratique est susceptible de présenter des risques sérieux pour la santé publique, liés non seulement à un mésusage, mais aussi à la contrefaçon des médicaments. L'arrêt « Doc Morris » de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) du 11 décembre 2003 a précisé notamment qu'un État membre ne peut interdire la vente par correspondance, via un site Internet d'une pharmacie d'officine, de médicaments légalement autorisés et ne nécessitant pas une prescription médicale obligatoire. Le projet de directive sur les médicaments falsifiés, actuellement débattu au niveau européen, contiendra un encadrement de la vente de médicaments sur Internet par les officines. Cette directive nécessitera une modification législative et, à ce titre, fera l'objet d'un débat parlementaire. Toutefois, le seul encadrement juridique de la vente de médicaments en ligne sera insuffisant pour répondre entièrement au problème de santé publique posé par Internet. C'est pourquoi, la réflexion doit également porter sur les moyens de lutte contre l'offre illicite de médicaments sur Internet, notamment par le renforcement de la veille et de la détection des comportements illicites. C'est dans cette perspective que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a présenté le 14 février 2008 un plan d'action contre la cybercriminalité. Il a annoncé un renforcement des moyens de l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC). Une campagne d'information a été menée auprès des internautes, leur présentant la nouvelle plate-forme permettant de signaler les différents types de contenus illicites relevés sur le réseau mondial et les infractions liées à la santé publique. Ainsi, les allégations mensongères pour des produits « miracles » pourront être signalées par ce moyen. De plus, à l'issue du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), réunissant en octobre 2009 les pouvoirs publics et les dirigeants des industries de santé, le Président de la République a pris un ensemble de décisions concernant, notamment, la dynamisation de la collecte du renseignement et de la répression des trafics de contrefaçons de médicaments. Le Gouvernement a également annoncé le 16 décembre 2009 la signature d'une charte de lutte contre la contrefaçon sur Internet impliquant le LEEM (les entreprises du médicament) et plusieurs laboratoires pharmaceutiques. Enfin, afin de pouvoir lutter plus efficacement contre l'offre illicite, la France participe activement à des actions et des réflexions menées au niveau européen et international : au sein des instances communautaires, dans le cadre des discussions en cours sur le projet de directive européenne « Médicaments à usage humain : prévention de l'introduction dans la chaîne d'approvisionnement légale de médicaments falsifiés » ; au sein du Conseil de l'Europe, qui a formulé, en septembre 2007, des recommandations visant à améliorer la qualité et la sécurité des ventes de médicaments par correspondance, notamment par Internet. Le Conseil de l'Europe va également adopter, à l'automne 2010, une convention sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique ; au sein de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui a mis en place le groupe « IMPACT » (International Medical Products Anti-counterfeiting Taskforce), ayant pour objet de développer les échanges d'information et de mettre en oeuvre des mesures législatives et techniques pour combattre la contrefaçon de médicaments, notamment celles se développant via Internet ; dans le cadre de la deuxième opération internationale « Pangea », coordonnée par interpol et l'OMS (Groupe IMPACT), contre la vente illicite de médicaments sur Internet. Cette opération organisée en novembre 2009, impliquant 24 pays, a permis une série d'arrestations et la saisie de médicaments potentiellement dangereux. De telles actions visent au démantèlement des réseaux illicites. Parallèlement à ces travaux, il est essentiel d'informer les patients consommateurs et de les sensibiliser aux risques liés au mésusage et à la contrefaçon, ainsi qu'à l'achat sur Internet de médicaments hors des réseaux de distribution encadrés. C'est ainsi qu'en 2007, l'AFSSAPS et l'ordre des pharmaciens ont édité conjointement une brochure destinée à sensibiliser les pharmaciens à la lutte contre la contrefaçon et un dépliant poursuivant les mêmes objectifs à destination des patients.
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