Question de M. LE MENN Jacky (Ille-et-Vilaine - SOC) publiée le 22/04/2010
M. Jacky Le Menn appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur les dangers que fait peser sur la liberté des femmes afghanes la politique de la main tendue aux talibans du président Hamid Karzaï.
Les dernières élections présidentielles et provinciales ont démontré toute la maturité du peuple afghan qui s'est sincèrement et passionnément engagé dans le débat politique, allant voter malgré le risque physique qu'un tel acte représentait. Cette actualité était la phase visible d'un impressionnant cheminement vers la démocratie dans lequel la promotion de la femme occupe une place centrale, illustré notamment par le puissant mouvement de soutien au développement de l'école publique, particulièrement mobilisé dans ce pays sur l'éducation des jeunes filles. Cette avancée bénéficie en France d'un appui militant auprès de nombreuses associations qui ne ménagent pas leur peine pour réunir des dons, collecter des livres, matériels et fournitures afin que les conditions en Afghanistan soient dignes de cette société qui ne demande qu'à naître à la démocratie.
Dans cette architecture fragile qui s'esquisse ainsi, le texte fondamental de la Constitution de l'Afghanistan tient la clé de voûte dans son article 22 chapitre II : « toute sorte de discrimination et de distinction entre citoyens d'Afghanistan est interdite. Les citoyens afghans, hommes et femmes, ont des droits et des devoirs égaux au regard de la Loi. »
La main tendue aux talibans à l'occasion de leur entrée dans une Loya Jirga qui se tiendra dans les prochaines semaines emporte le risque d'une disparition de cet article 22, ou de sa réforme, pour lui enlever toute sa signification, ce qui serait proprement inacceptable. Il y a danger même s'il est acquis que le mouvement taliban est lui-même traversé de contradictions, et que la mouvance d'Al-Qaida n'y est pas majoritaire. Il y a danger parce que les situations de guerre créent des déséquilibres qui servent toujours les intérêts des plus déterminés et des plus extrémistes.
Ici la communauté internationale n'est pas sans moyen d'agir. Outre sa présence sur le terrain dans toute sa représentativité, on peut évoquer la gestion des fonds d'aide à la reconstruction et au développement. Elle est en mesure de peser pour la séparation des pouvoirs, la responsabilité de l'exécutif devant la représentation nationale, et le renforcement de la société civile. Mais il revient à la France, conformément à ses traditions historiques, de veiller au devenir des femmes afghanes.
Dans ces conditions, il lui demande de lui indiquer les initiatives et les démarches entreprises par la France pour que la Loya Jirga qui se tiendra incessamment prenne en compte la déclaration des droits fondamentaux des femmes afghanes, garantisse leurs droits et veille à leur participation au Gouvernement de l'Afghanistan.
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Réponse du Ministère des affaires étrangères et européennes publiée le 15/07/2010
La France a toujours suivi avec la plus grande attention les questions relatives aux droits des femmes, à leur promotion et à leur protection. L'engagement de la communauté internationale en Afghanistan, depuis 2001, a permis une meilleure prise en compte des droits de l'homme et de la condition féminine. Ces progrès sont certes encore très insuffisants, mais ils sont réels au regard ce qu'était la situation du pays avant la chute des Taleban. Les modalités d'une solution politique à la crise que connaît l'Afghanistan doivent être activement recherchées. Notre pays a soutenu l'engagement pris par le Gouvernement afghan, à la Conférence de Londres en janvier 2010, de réunir rapidement les conditions de la conduite d'un processus de réconciliation nationale et de réintégration des combattants, inclusif, transparent et équitable. Un tel processus, nécessaire, ne doit cependant pas aboutir à un accord qui remettrait en cause tout ou partie des progrès et avancées démocratiques réalisés depuis près de neuf ans, notamment ceux relatifs au respect des droits de l'homme et des droits des femmes. D'ores et déjà extrêmement attentive quant à la manière dont ce processus de réconciliation nationale se prépare, la France sera intransigeante sur les garanties devant l'entourer. Ainsi qu'énoncé dans le communiqué final de la Conférence de Londres, les lignes rouges établies par les autorités afghanes elles-mêmes s'imposent : renoncement préalable à la violence et au terrorisme, rupture des liens avec al-Qaïda et engagement à respecter la Constitution afghane de 2004, qui garantit un certain nombre de droits fondamentaux pour la protection et la promotion de la condition féminine, parmi lesquels l'égalité entre hommes et femmes et le droit à l'éducation. La Jirga de paix, qui s'est tenue à Kaboul du 2 au 4 juin, a formellement validé le lancement d'un processus de dialogue politique national appelé à s'étaler dans le temps. La résolution publiée par la Jirga rappelle les conditions et lignes rouges auxquelles nous sommes particulièrement attachés. En lien avec nos partenaires européens, nous veillons à relever systématiquement les manquements relatifs aux droits des femmes dans le cadre de l'examen périodique universel (EPU) au Conseil des droits de l'homme. Nous sommes actuellement mobilisés pour que les droits des femmes y fassent l'objet d'une attention plus marquée, avec la possible création d'un poste de rapporteur spécial, qui serait chargé de travailler spécifiquement sur les discriminations dans les textes de loi et dans la pratique. Au-delà de la défense sur le plan politique des droits des femmes en Afghanistan, notre pays y contribue également de manière concrète sur le terrain. Nous avons ainsi financé, en 2009, les actions de la Commission indépendante afghane des droits de l'homme présidée par Mme Sima Samar, et avons signé, le 19 mars 2010, une convention partenariale avec le Fonds de développement des Nations unies pour la femme (UNIFEM) pour la mise en oeuvre d'un programme sur trois ans visant à favoriser l'accès des femmes à la justice. Enfin, à l'invitation du Président de la République, une délégation d'une quinzaine de femmes afghanes, représentatives des différentes composantes sociales de leur pays, se rendra très prochainement en France. Cet événement visera à apporter un éclairage sur leur situation actuelle et à promouvoir la défense de leurs droits. La France continuera d'oeuvrer à l'amélioration de la condition des femmes en Afghanistan et, plus encore, de veiller avec la plus grande attention à ce que la réconciliation et la paix n'y soient pas conclues au détriment des droits des Afghanes et des Afghans.
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