Question de M. ABOUT Nicolas (Yvelines - UC) publiée le 09/04/2010
Question posée en séance publique le 08/04/2010
M. Nicolas About. Monsieur le Premier ministre, réduire nos déficits, résorber notre dette publique sont des impérieuses nécessités. Impératif économique, c'est également une nécessité démocratique, pour que nos successeurs disposent de marges de manœuvre financières.
M. René-Pierre Signé. Il commence à parler de succession !
M. Nicolas About. Peut-être pourriez-vous vous taire, mon cher collègue ! (Sourires. Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Il faut savoir écouter les autres et les respecter quand ils s'expriment !
Mais c'est aussi et surtout une exigence morale vis-à-vis des générations futures.
Modifier la Constitution, comme nous le souhaitons, pour que la loi de programmation des finances publiques fixe un niveau limite d'endettement fonctionnel constitue une démarche positive, mais ne suffit pas. Il faut poursuivre dans le concret.
Le Gouvernement peut-il s'engager à poursuivre ses efforts de réduction des dépenses de l'État, mais à le faire à une hauteur suffisante, peut-être proche de 15 milliards d'euros par an sur les trois années à venir ?
Pour préserver nos recettes, mais aussi par souci de justice fiscale, envisagez-vous de moduler le bouclier fiscal lors de la prochaine loi de finances ? (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Pierre-Yves Collombat. Au moins, il pose la question !
M. Nicolas About. En effet, si rien n'est fait, demain, l'effort contributif que les Français devront fournir pour redresser notre situation sera consenti par tous, sauf par nos concitoyens les plus aisés, protégés par le bouclier fiscal.
M. René-Pierre Signé. Voilà la succession !
M. Nicolas About. Le taux moyen d'imposition pour les 1 % de Français disposant des plus hauts revenus est de 20 %, un taux très éloigné du taux théorique qui devrait s'appliquer. Cela s'explique par le jeu de trop nombreuses niches fiscales, dont l'efficacité économique n'est pas toujours démontrée.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah !
M. Nicolas About. Le Gouvernement est-il prêt à répondre favorablement à notre demande de réduction du poids de toutes ces niches fiscales ?
Ces deux signaux envoyés aux Français ne correspondent pas à l'idée que nous nous faisons de la justice fiscale. Il ne faut pas nécessairement beaucoup plus d'impôt, mais il faut parvenir à un impôt plus juste. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Paul Raoult. Le bouclier fiscal, vous l'avez voté !
M. Nicolas About. Monsieur le Premier ministre, parce que, pour les centristes que nous sommes, réformer la France ne peut se concevoir sans la rendre plus juste (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.), quelles réformes le Gouvernement compte-t-il engager afin de poursuivre la réduction de nos dépenses tout en améliorant les recettes publiques et la justice de notre fiscalité ?
M. Paul Raoult. Il est trop tard !
M. Nicolas About. Quant à la politesse de nos collègues, vous n'y pouvez malheureusement rien ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
Réponse du Premier ministre publiée le 09/04/2010
Réponse apportée en séance publique le 08/04/2010
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président About, depuis trois ans, la politique économique du Gouvernement tend à réduire l'écart de compétitivité de l'économie française par rapport aux autres économies de la zone euro, essentiellement l'Allemagne, qui est notre principal partenaire. Nous avons choisi un destin commun, une monnaie commune, et il faut en assumer toutes les conséquences.
M. Gérard Longuet. Exact !
M. François Fillon, Premier ministre. Nous ne pouvons pas laisser se creuser l'écart de compétitivité entre nos deux économies. Or celui-ci s'est creusé au cours des quinze dernières années.
M. Paul Raoult. Surtout depuis sept ans !
M. François Fillon, Premier ministre. Il s'est creusé parce que nous n'avons pas suffisamment réformé pendant que les différents gouvernements allemands qui se sont succédé engageaient, quant à eux, des réformes structurelles. Je pense en particulier au gouvernement socialiste de M. Schröder.
M. Paul Raoult. Ce n'est pas ce qu'il a fait de mieux ! D'ailleurs, il a perdu les élections !
M. Roland Courteau. Après, il a perdu les élections !
M. François Fillon, Premier ministre. Dans cet esprit, le Gouvernement et la majorité ont spectaculairement réformé le crédit d'impôt recherche et supprimé la taxe professionnelle. Le Parlement a par ailleurs décidé d'investir 35 milliards d'euros dans des secteurs stratégiques de l'économie française, et ce pour booster la croissance de notre pays.
M. Pierre-Yves Collombat. Le chômage !
M. François Fillon, Premier ministre. Ces décisions, combinées au plan de relance, ont conduit à des résultats. (M. Roland Courteau est dubitatif.) Ainsi, en 2009, nous avons fait mieux que l'Allemagne, puisque la récession a été deux fois moindre dans notre pays que chez notre voisin. En 2010, nous ferons au moins aussi bien que l'Allemagne, et sans doute un peu mieux en termes de croissance.
M. Pierre-Yves Collombat. Les Allemands sont plus compétitifs et ils font moins bien que nous, c'est bizarre !
M. François Fillon, Premier ministre. Ces résultats, nous les avons obtenus au prix d'un endettement supplémentaire, qu'il ne faut pas le regretter (M. Paul Raoult s'exclame.). En effet, si nous n'avions pas pris ces mesures, la récession aurait été plus importante, entraînant des destructions d'emplois plus nombreuses et de moindres recettes fiscales.
M. René-Pierre Signé. Il y a toujours pire !
M. François Fillon, Premier ministre. En fin de compte, le déficit aurait sans doute été identique à ce qu'il est aujourd'hui, mais les conséquences sociales auraient été plus importantes.
Maintenant que nous sortons de cette crise, nous devons nous attaquer vigoureusement à la réduction du déficit.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. François Fillon, Premier ministre. À cette fin, le Gouvernement soumettra au Parlement un projet de loi triennale, dont l'objectif sera de réduire, à l'horizon de 2013, le déficit budgétaire à moins de 3 % du produit intérieur brut. Pour y parvenir, nous vous proposerons de geler strictement les dépenses de l'État.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui va payer ?
M. François Fillon, Premier ministre. C'est possible ! D'ailleurs, en 2009, la perspective d'un déficit égal à 8 %, puis à 7,9 % du PIB ne s'est pas vérifiée, puisqu'il a finalement été de 7,5 % ce qui montre que les dépenses ont été tenues !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut geler les profits !
M. François Fillon, Premier ministre. Par ailleurs, nous devons maîtriser les dépenses d'assurance maladie et faire passer leur progression en dessous de 3 %, objectif qui a été atteint au cours des deux dernières années. Il nous faudra aller au-delà.
M. René-Pierre Signé. Ce sont les pauvres qui paient !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les salariés vont encore payer !
M. François Fillon, Premier ministre. Nous allons engager la réforme des retraites.
Enfin, nous vous proposerons la suppression ou le plafonnement de niches fiscales et sociales. Le Gouvernement sera évidemment très attentif aux propositions que fera le Sénat, aux propositions qui émaneront du groupe de l'Union centriste et de l'ensemble des groupes, aux propositions que formulera la commission des finances.
Il y a deux façons pour agir : ou bien examiner la possibilité, pour chacune des niches, de sa suppression ; ou bien mettre en place une règle applicable à l'ensemble des niches fiscales et sociales.
Monsieur le président About, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais insister sur un point : nous sommes les premiers à sortir de la crise,
Mme Nicole Bricq. Ah bon ?
M. François Fillon, Premier ministre.
mais, en même temps, la croissance est extrêmement fragile. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. René-Pierre Signé. Nous sommes encore loin d'en être sortis !
M. François Fillon, Premier ministre. L'économie américaine et celle des pays émergents redémarrent fortement. Si nous voulons nous accrocher au train de la reprise (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.), il faut veiller à ne pas donner des coups de barre désordonnés.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. François Fillon, Premier ministre. Aussi, nous maintiendrons le cap de notre politique économique. Ensemble, nous avons fait le choix, que nous assumons, de ne pas recourir aux fonds de pension pour financer nos retraites.
M. René-Pierre Signé. Il faut des mesures efficaces !
M. François Fillon, Premier ministre. Dans le même temps, on ne peut pas avoir un système fiscal qui décourage les investissements dans notre pays (M. Robert del Picchia applaudit.), d'autant que nous évoluons dans une zone économique commune.
J'entends bien les remarques qui fusent de la gauche de l'hémicycle. Mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, je suis prêt à recevoir tous les conseils que vous voudrez bien me donner (M. Alain Gournac rit.), mais certainement pas les leçons. Je rappelle que c'est le parti socialiste, sous le gouvernement de Michel Rocard, qui a inventé le principe du bouclier en plafonnant la fiscalité à 70 % des revenus ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est mieux que 50 %
M. François Fillon, Premier ministre. C'est le gouvernement de Lionel Jospin qui a diminué la fiscalité applicable aux stock-options ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. François Fillon, Premier ministre. C'est le Gouvernement de Lionel Jospin qui a baissé les taux de l'impôt sur le revenu ! (Mêmes mouvements.)
M. Alain Gournac. Effectivement !
M. Paul Raoult. À l'époque, on créait un million d'emplois !
M. François Fillon, Premier ministre. Quant aux niches fiscales, nous en avons autant à notre actif que vous au vôtre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, respectons nos engagements, respectons notre parole et faisons preuve de cohérence dans la politique économique que nous conduisons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également. Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
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