Question de Mme TERRADE Odette (Val-de-Marne - CRC-SPG) publiée le 28/04/2010
Question posée en séance publique le 27/04/2010
Concerne le thème : Le logement
Mme Odette Terrade. Monsieur le secrétaire d'État, depuis que vous êtes au pouvoir, vous n'avez eu de cesse d'annoncer monts et merveilles pour le logement. Loin du mirage d'une France de propriétaires, toutes vos politiques ultralibérales ne font, en réalité, qu'accroître les difficultés d'accès au logement, avec une baisse continue de l'intervention publique dans ce secteur.
Rien n'est fait pour assurer le fameux droit au logement opposable, le DALO. Et, bien au contraire, l'augmentation des loyers, conjuguée à la fin de la trêve hivernale, annonce une reprise exponentielle des expulsions locatives, qui, par centaines, touchent des familles reconnues prioritaires par les commissions de médiation instaurées dans le cadre du DALO.
Ainsi, chaque année, plus de 100 000 décisions de justice d'expulsion locatives sont prononcées et plus de 10 000 expulsions réalisées avec l'aide de la puissance publique.
Dans un contexte économique dégradé où l'Institut national de la statistique et des études économiques, l'INSEE, prévoit 1 million de chômeurs supplémentaires en fin de droits cette année, le Gouvernement ne peut pas considérer ces milliers de locataires en difficulté comme de mauvais payeurs. Ils sont bien, au contraire, les victimes d'une crise financière et économique dont ils ne sont en rien responsables.
Pour cette raison et parlant de « dysfonctionnement de l'État », le comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable vient d'adopter une motion demandant aux pouvoirs publics de mettre fin aux expulsions de personnes reconnues prioritaires pour un relogement.
Au lieu de prendre les mesures préventives et les mesures d'accompagnement nécessaires et urgentes, le Gouvernement, comme unique réponse à ce drame social et humain, a mis en place un numéro téléphonique dénommé « SOS loyers impayés » et organisé la création d'un dispositif d'assurance au bénéfice des propriétaires, le dispositif de garantie des risques locatifs.
Vous posant ainsi en défenseur exclusif du droit de propriété, vous donnez quitus à tous les abus des bailleurs privés, sans prévoir la moindre contrepartie pour les locataires, qui subissent non seulement les loyers les plus chers de notre histoire la Confédération nationale du logement prévoit une hausse de 2 % cette année , mais doivent aussi affronter l'érosion de leur pouvoir d'achat.
En écho aux demandes unanimes des associations, nous vous demandons donc, monsieur le secrétaire d'État, le gel des loyers et un moratoire immédiat sur les expulsions locatives, qui sont une pratique barbare d'un autre temps ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Réponse du Secrétariat d'État au logement et à l'urbanisme publiée le 28/04/2010
Réponse apportée en séance publique le 27/04/2010
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Madame le sénateur, je le réaffirme devant vous aujourd'hui, je suis défavorable au moratoire sur les expulsions.
D'abord, je crois au droit de propriété, droit fondamental, constitutionnel, reconnu par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et je veux le défendre. Mais surtout, je considère que le moratoire est contreproductif. En effet, si le message adressé aux propriétaires privés consiste à leur expliquer qu'ils ne pourront plus récupérer leur logement en cas d'impayés ou en cas de dégradation très forte de celui-ci, nombre d'entre eux ne voudront plus louer à personne. Je ne crois pas que cet effet contreproductif soit souhaitable !
En revanche, nous pouvons faire beaucoup plus en matière de prévention des expulsions.
Qu'avons-nous fait dans ce domaine ?
Premier élément de prévention, nous avons mis en place des commissions départementales réunissant l'ensemble des partenaires, dans l'idée non pas de créer des commissions supplémentaires, mais de tenir compte du vrai risque auquel nous faisons face aujourd'hui. Ce risque est lié au fait que les décisions d'expulsion locative sont, pour la plupart, prises très tardivement, lorsque plusieurs milliers d'euros de dettes sont accumulés. Ce n'est qu'au bout d'un an, dix-huit mois, voire deux ans d'impayés que les services sociaux interviennent !
Nous souhaitons que ces interventions puissent avoir lieu dès le premier mois d'impayé. C'est la raison pour laquelle nous avons mis en place ces commissions départementales et le numéro vert « SOS loyers impayés ».
Second élément de prévention, la garantie des risques locatifs, que vous décriez, et qui a été mise en place, je vous le rappelle, à la demande des partenaires sociaux. Cet outil va nous permettre de prévenir les expulsions puisque les partenaires sociaux ont souhaité que, dès le premier mois d'impayé, non seulement l'assurance puisse intervenir, afin de garantir au propriétaire que son loyer lui sera payé, mais également que les services sociaux d'une structure associative soient alertés pour qu'ils puissent, eux aussi, intervenir le plus tôt possible.
Voilà notre politique. Elle est humaine et je pense qu'elle sera beaucoup plus efficace qu'un moratoire.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour la réplique.
Mme Odette Terrade. Bien évidemment, vos réponses, monsieur le secrétaire d'État, ne peuvent nous satisfaire.
Vous invoquez le droit de propriété, bien ! Mais que faites-vous du droit des locataires, lesquels ne sont d'ailleurs pas tous logés dans le secteur privé ? Votre majorité ne se donne pas les moyens de mettre en uvre le droit au logement pour tous, partout, qui est pourtant un principe constitutionnel. Considérer le logement comme une simple marchandise ne peut que se solder par des dérives.
Faut-il vous rappeler que le Président de la République, en 2007, avait soutenu la mise en uvre des subprimes, avec le succès que l'on connaît depuis ?
La crise que nous traversons devrait vous contraindre à revoir votre copie. Le logement ne doit pas rester une manne de spéculation en dehors de toute exigence sociale. Alors que la construction de un million de logements pourrait permettre de créer deux millions d'emplois dans le bâtiment sur un an, il est urgent de déclarer le logement grande cause nationale.
Pour ce faire, nous, au groupe CRC-SPG, nous nous prononçons pour un véritable service public du logement, adossé à un pôle public financier afin de garantir ce droit élémentaire au logement pour tous, qui devrait être effectif au XXI e siècle.
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