Question de M. COLLOMBAT Pierre-Yves (Var - SOC) publiée le 25/02/2010
M. Pierre-Yves Collombat attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la situation de l'université du Sud Toulon-Var.
Depuis fin 2008, date du dépôt d'une plainte par un enseignant de l'Institut des administrations et des entreprises, pour trafic de diplômes, l'université du Sud Toulon-Var vit des heures difficiles. Bien que l'enquête policière soit toujours en cours, que l'inspection générale du ministère ait conclu à l'absence d'un tel trafic, que le Président de l'université de Toulon, selon le rapport de la chambre régionale des comptes, puisse se prévaloir d'une bonne gestion, celui-ci a été suspendu par vos soins le 19 octobre 2009 et un administrateur provisoire nommé le 23 octobre.
Son arrêté de nomination précise qu'il est « chargé d'organiser l'élection d'un nouveau président dès que les conditions de fonctionnement de l'université permettront que cette élection se déroule en toute régularité et sérénité ».
Comme le souligneront, trois mois plus tard, les trois derniers présidents honoraires de l'université dans un communiqué : «Après trois mois, la gestion administrative courante est assurée. Les conditions administratives de préparation du prochain contrat quadriennal sont mises en place ». D'où leur conclusion : « Il reste à l'Université de Toulon à retrouver un fonctionnement normal avec des responsables, président et vice-présidents, élus conformément à la loi, dans le respect des nouvelles dispositions sur l'autonomie des universités ».
Telle est aussi la conclusion de la motion adoptée par le conseil d'administration de l'université de Toulon, réuni le 20 janvier 2010, dont les considérants éclairent d'une étrange lumière votre conception de l'autonomie universitaire :
- délégation à un administrateur provisoire du soin de préparer et négocier avec ceux qui l'ont nommé, le contrat quadriennal engageant durablement l'avenir de l'université;
- substitution aux élus régulièrement choisis par leurs pairs de chargés de mission, nommés par l'administrateur provisoire (CA, vie scolaire, recherche), sans que le conseil d'administration en soit informé.
Depuis, la polémique entre le conseil d'administration et un administrateur provisoire apparemment peu enclin à rechercher l'apaisement des esprits ont repris dans la presse.
Sa question est donc simple : quand est-il envisagé de rendre à la communauté universitaire de Toulon-Var les pouvoirs réguliers qu'elle tient de la loi en organisant les élections générales qui le permettront et ainsi de rétablir le fonctionnement normal de l'université du Sud Toulon-Var.
- page 411
Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 05/05/2010
Réponse apportée en séance publique le 04/05/2010
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la question n° 833, adressée à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Pierre-Yves Collombat. Madame la ministre, cette fois, c'est bien à vous que la question s'adresse
(Sourires.)
Comme vous le savez, depuis fin 2008, date du dépôt d'une plainte par un enseignant de l'Institut d'administration des entreprises pour trafic de diplômes, l'université du Sud Toulon-Var vit des heures difficiles. Bien que l'enquête policière soit toujours en cours, que l'inspection générale de votre ministère ait conclu à l'absence d'un tel trafic, que la chambre régionale des comptes n'ait rien trouvé à redire à la gestion du président de cette université, ce dernier a été suspendu par vos soins et remplacé par un administrateur provisoire en octobre 2009.
L'arrêté de nomination de cet administrateur précise que celui-ci est « chargé d'organiser l'élection d'un nouveau président dès que les conditions de fonctionnement de l'université permettront que cette élection se déroule en toute régularité et sérénité ».
Trois mois plus tard, les trois derniers présidents honoraires de l'université affirmaient dans un communiqué : « La gestion administrative courante est assurée. Les conditions administratives de préparation du prochain contrat quadriennal sont mises en place. » Ils en tiraient alors la conclusion suivante : « Il reste à l'université de Toulon à retrouver un fonctionnement normal, avec des responsables, présidents et vice-présidents, élus conformément à la loi, dans le respect des nouvelles dispositions sur l'autonomie des universités. »
C'est aussi la conclusion de la motion adoptée par le conseil d'administration de l'université de Toulon au début de janvier 2010, dont les considérants éclairent d'une lumière quelque peu étrange votre conception de l'autonomie universitaire : délégation à un administrateur provisoire du soin de préparer et négocier, avec ceux qui l'ont nommé, le contrat quadriennal engageant durablement l'avenir de l'université ; substitution aux élus régulièrement choisis par leurs pairs de chargés de mission nommés par ledit administrateur provisoire, sans que le conseil d'administration en soit informé.
Depuis, la polémique entre le conseil d'administration et un administrateur provisoire apparemment peu porté à la recherche de l'apaisement a repris dans la presse.
Dernier épisode : début mars, l'administrateur « provisoire » déclarait publiquement qu'il n'y avait pas de trafic de diplômes mais que c'était « une affaire d'immigration, un trafic de visas », et que des « inscriptions en master incompréhensibles » avaient facilité l'accès de certaines personnes au territoire français. Selon lui, l'affaire se déplacerait donc du terrain universitaire au terrain administratif.
Je souhaiterais dès lors vous poser deux questions, madame la ministre.
Après avoir évoqué une présomption de trafic de diplômes, puis des « dysfonctionnements consécutifs à l'engagement de poursuites disciplinaires » je ne sais pas très bien ce que cela recouvre précisément , on parle maintenant d'un « trafic de visas » : ne croyez-vous pas que cette succession de chefs d'accusation donne un peu une impression d'improvisation ?
Surtout, quand envisagez-vous d'organiser des élections générales, afin de rendre à la communauté universitaire de Toulon les pouvoirs réguliers qu'elle tient de la loi et de rétablir le fonctionnement normal de l'université du Sud Toulon-Var ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Collombat, vous avez souhaité m'interroger sur la situation que connaît l'université du Sud Toulon-Var.
Sachez que, dans cette affaire, ma seule intention est de protéger cette université. Je veux qu'elle retrouve la sérénité nécessaire à son bon fonctionnement, dans l'intérêt des enseignants-chercheurs, des étudiants, des personnels de l'université et, j'allais dire, de tout son territoire.
Dès que j'ai eu connaissance de soupçons de fraude sur les conditions d'accueil des étudiants étrangers à l'université de Toulon, j'ai immédiatement diligenté une enquête de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, l'IGAENR.
Parallèlement, les tribunaux judiciaires ont été saisis dès janvier 2009 de plaintes pour corruption émanant de membres de la communauté universitaire toulonnaise. Cette procédure judiciaire suit son cours et n'appellera pas de commentaires de ma part.
En juin 2009, un premier rapport de l'IGAENR a mis en lumière de très graves irrégularités dans les procédures d'inscription des étudiants chinois de l'université de Toulon. Ainsi, par exemple, des étudiants ayant échoué en première année ou en deuxième année dans d'autres universités avaient obtenu leur inscription en master 2 à Toulon.
La responsabilité de l'équipe dirigeante de l'université était mise en cause dans ce rapport. C'est pourquoi le recteur a engagé une procédure disciplinaire à l'encontre du président et de deux vice-présidents. La décision de la juridiction disciplinaire sera rendue d'ici à la fin du mois.
Après le lancement de ces procédures disciplinaires et judiciaires, il est apparu que des pressions et des intimidations avaient été exercées à l'encontre de certains personnels de l'université qui auraient entravé le travail d'enquête de l'IGAENR. Elles ont été constatées par un rapport complémentaire de l'inspection que j'ai commandé, et qui a donné lieu à deux nouvelles décisions de ma part : premièrement, la suspension temporaire du président et de deux vice-présidents de leurs fonctions, afin que les procédures puissent suivre normalement leur cours ; deuxièmement, une nouvelle saisine du procureur de la République, cette fois-ci par mon ministère, pour délit d'entrave à la mission d'inspection, conformément à l'article L. 241-3 du code de l'éducation.
Nous sommes, monsieur le sénateur, face à une affaire très grave qui risque d'entacher la réputation de l'université de Toulon et qui peut susciter des interrogations quant à notre politique d'accueil des étudiants étrangers. Dans ces circonstances difficiles, j'ai nommé un administrateur provisoire, que j'ai chargé de rétablir le fonctionnement normal de l'université et de mener à bien les projets actuellement en cours. Il le fait dans un esprit de responsabilité et d'apaisement.
En ce moment même, comme vous l'avez souligné, monsieur Collombat, l'université est mobilisée dans la préparation de son prochain contrat quadriennal avec l'État. Je souhaite, tout comme vous, que l'université de Toulon retrouve le plus rapidement possible une organisation et une gouvernance à la fois efficace et transparente, pour que de nouvelles élections puissent avoir lieu.
Monsieur le sénateur, cette malheureuse affaire doit nous conduire à porter une plus grande attention aux conditions d'accueil des étudiants étrangers en France. C'est pourquoi Bernard Kouchner et moi-même avons demandé une mission complémentaire d'inspection sur les conditions d'accueil des étudiants chinois. Ce rapport nous sera remis dans les jours qui viennent. Dès réception de ces conclusions, je travaillerai avec tous les présidents d'universités afin qu'ils puissent prendre les mesures nécessaires pour assurer le respect de règles claires et rigoureuses pour l'accueil des étudiants étrangers dans leurs établissements. Ma mission est de protéger tous les étudiants, et vous pouvez compter sur moi pour continuer de l'assurer avec la plus grande vigilance.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Vous n'avez pas répondu à ma question, madame la ministre. Je ne vous ai pas interrogée sur les fautes réelles ou présumées des anciens responsables de l'université, ni sur les raisons qui vous ont conduite à suspendre ces derniers. Je n'ai d'ailleurs aucun accès particulier au dossier, et aucune envie de m'en mêler.
Je vous ai demandé, principalement, si vous comptiez organiser des élections et, accessoirement, ce que vous pensiez de la modification des chefs d'accusation.
Le calme est revenu, tout le monde en atteste, et c'est bien la moindre des choses après huit mois d'administration provisoire. Dès lors, pourquoi ne pas organiser des élections ? Que redoutez-vous ? Personne ne comprend vos réticences.
Mon but n'est pas d'apprécier l'opportunité de vos décisions. Les procédures disciplinaires, voire judiciaires auront lieu, très bien ! Que vous vous souciez de l'université, que vous vouliez réformer l'accueil des étudiants chinois ou autres, soit ! Là n'était pas ma question. Je vous ai simplement demandé pourquoi vous ne vouliez pas organiser des élections. Tout le monde les réclame. L'administrateur est-il capable, oui ou non, de rétablir l'ordre ? En attendant, la presse se fait régulièrement l'écho de nouvelles polémiques qui ne contribuent pas à redorer la réputation de l'université du Sud Toulon-Var.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur le sénateur, nous nous sommes manifestement mal compris. Je vous ai indiqué que je souhaitais que les procédures disciplinaires puissent se dérouler dans la sérénité. La juridiction disciplinaire rendra sa décision à la fin du mois.
Je vous rappelle qu'un rapport de l'Inspection générale de l'éducation nationale et de la recherche a constaté des pressions et des intimidations exercées sur les membres de la communauté universitaire, visant à empêcher ceux-ci de témoigner dans le cadre des procédures judiciaires.
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n'est pas mon problème !
Mme Valérie Pécresse, ministre. L'existence de ce problème, nuisible à la sérénité et au bon fonctionnement de l'université, ne permet pas, pour le moment, d'organiser de nouvelles élections. Attendons que les procédures disciplinaires soient arrivées à leur terme ! Les élections pourront se dérouler dans la transparence et dans le respect des règles.
M. Pierre-Yves Collombat. S'agit-il des règles disciplinaires ou judiciaires ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Il s'agit des règles disciplinaires.
- page 3041
Page mise à jour le