Question de M. BIWER Claude (Meuse - UC) publiée le 28/01/2010
M. Claude Biwer attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur les préoccupations exprimées par de nombreux producteurs de lait à l'égard de l'accord sur le prix du lait pour la campagne 2010, lequel fixe le prix de la tonne de lait à 285 euros.
Il lui rappelle ses précédentes interventions sur ce sujet au cours desquelles il a mis l'accent sur la très grande faiblesse du prix payé aux producteurs de lait alors que, dans le même temps, les consommateurs ne constatent aucune baisse des prix du lait, ni des produits laitiers.
Il le prie, en conséquence, de bien vouloir lui préciser les intiatives qu'il compte prendre en direction des industriels et de la grande distribution afin que le prix payé aux producteurs de lait compense, effectivement, leurs coûts de revient et rémunère correctement le travail qu'occasionne cette production, ce qui ne saurait être le cas avec le prix qui leur est payé actuellement.
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Réponse du Ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche publiée le 24/03/2010
Réponse apportée en séance publique le 23/03/2010
M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur un mécontentement sourd, latent, mais persistant, qui atteint une très grande partie des producteurs de lait de notre pays, mais aussi l'ensemble des producteurs agricoles, qui connaissent de nombreuses difficultés.
Pour le lait, un accord pour le premier trimestre 2010, signé entre une organisation de producteurs et des transformateurs, a fixé en moyenne à 285 euros la tonne le prix du lait pour la présente année.
Cela correspond à peu de chose près au prix pratiqué au cours du second semestre 2009 mais ne règle absolument pas les difficultés rencontrées par les 90 000 producteurs de lait : il s'agit, en effet, d'un prix moyen et il n'est pas rare que le véritable prix payé à certains producteurs soit plus proche de 245 euros la tonne.
Cet accord sur le prix du lait ne satisfait donc que fort peu de monde.
Il ne satisfait pas les producteurs de lait, et ces derniers l'ont encore fait savoir récemment, monsieur le ministre, lors de l'inauguration du Salon de l'agriculture et peut-être aussi le week-end dernier. En effet, un prix du lait compris entre 24 et 28 centimes le litre ne permet nullement de compenser les coûts d'exploitation : rappelons que les producteurs ont subi une baisse de 54 % de leurs revenus en 2009.
Cet accord ne satisfait pas davantage les transformateurs, les industriels et les coopératives, car ces derniers prétendent qu'ils ne peuvent pas payer plus cher le litre de lait sans compromettre la compétitivité de leurs entreprises.
Quant aux consommateurs, ils constatent tous les jours qu'ils doivent payer le litre de lait en moyenne de 0,90 à 1,15 euro, soit quatre fois le prix versé au producteur. Ils constatent également que le prix des produits transformés le beurre, les yaourts, les fromages n'a pas baissé malgré la chute spectaculaire des prix à la production.
Ils mettent en cause, sans doute à juste titre, la grande distribution, qui ne répercute pas la baisse des prix ou le fait très insuffisamment, ce que confirme un rapport publié par M. Éric Besson.
Et les grandes surfaces accusent les transformateurs d'avoir profité de la baisse du prix du lait à la production pour reconstituer leurs marges !
On ne sait pas qui dit vrai, mais ce qui me paraît certain, c'est que les producteurs et les consommateurs, aux deux bouts de la chaîne laitière, sont tous les deux perdants.
Monsieur le ministre, ma question est très simple : quelles mesures comptez-vous prendre prochainement à l'échelon national et à l'échelon communautaire, notamment en direction des industriels et de la grande distribution, afin que le lait soit payé aux producteurs à son juste prix, un prix compensant effectivement les coûts de revient de ces derniers et leur permettant de vivre décemment, ce qui ne saurait être le cas avec le prix payé actuellement ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, vous avez raison, le prix du lait a connu une baisse très importante en 2009, comparativement à 2008, de l'ordre de 20 %. Le prix de base du lait en 2009 a été de 262 euros à 280 euros la tonne.
Face à cet effondrement des cours du lait, je me suis efforcé d'intervenir le plus rapidement possible pour faire remonter les prix et permettre aux producteurs de couvrir les coûts de revient, et cela demeure ma préoccupation à long terme.
À la suite d'une bataille diplomatique intense et sur l'insistance de la France, la Commission européenne a débloqué en octobre 300 millions d'euros pour faire remonter le cours du lait.
Je précise que s'il est remonté au premier trimestre 2010, c'est uniquement parce que la France a exigé le déblocage des instruments d'intervention européens. Le prix du lait s'est situé au premier trimestre 2010 entre 285 euros et 290 euros les mille litres et il devrait au deuxième trimestre connaître une hausse de 5 % à 11 % par rapport au deuxième trimestre 2009.
Nous ne sommes donc pas restés les bras croisés, nous sommes intervenus avec force pour faire remonter les prix du lait.
Mon principal objectif est très simple : garantir aux producteurs un revenu stable et décent à long terme et ne pas les laisser seuls face à la volatilité des cours des marchés agricoles, qui est une réalité aujourd'hui.
Nous devons pour ce faire continuer à avancer dans deux directions. La première, c'est le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, que le Sénat examinera à partir du 17 mai prochain. Nous proposons de mettre en place des contrats entre les producteurs et les industriels, déterminant un volume et un prix sur une durée de quatre à cinq ans, permettant à chaque producteur de lait de calculer le montant de ses revenus sur plusieurs années, alors qu'il réalise aujourd'hui des investissements de l'ordre de 300 000 à 400 000 euros sans connaître le montant de ses revenus dans les prochains mois.
La seconde direction dans laquelle nous voulons avancer et qui répond à votre préoccupation, c'est plus de transparence sur les prix et sur les marges. Nous souhaitons donner plus de pouvoirs à l'Observatoire des prix et des marges pour tirer les conclusions des observations qu'il formulera. En effet, il n'est pas question que les deux perdants de la chaîne alimentaire soient systématiquement le producteur au début et le consommateur à la fin.
Enfin, l'autre volet tout à fait essentiel, c'est la régulation européenne car, à l'évidence, si nous devons de nouveau faire face à un effondrement des cours du lait, même s'il y a des contrats, même s'il y a l'observatoire, il faut que l'Union européenne puisse de nouveau intervenir massivement et plus rapidement sur les marchés pour donner un filet de sécurité à tous les producteurs de lait en France comme dans les autres pays européens.
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je sais les efforts que vous consentez de longue date pour faire avancer ce dossier important. Néanmoins, il n'avance peut-être pas aussi vite que le souhaiteraient les agriculteurs et cela a des répercussions sur l'ensemble du monde rural, car lorsque les agriculteurs n'investissent plus, d'autres difficultés apparaissent et c'est toute la chaîne rurale qui est touchée.
Nous serons évidemment à vos côtés lors de l'examen du projet de loi de modernisation de l'agriculture pour faire en sorte que les contrats entre les producteurs et les industriels ouvrent des perspectives nouvelles.
Quoi qu'il en soit, je souhaite vivement que vous puissiez appuyer cette démarche de manière que nous puissions revoir un peu de ciel bleu.
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