Question de M. BOURQUIN Martial (Doubs - SOC) publiée le 21/01/2010
M. Martial Bourquin attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi sur la reconduction du dispositif AER (allocation équivalent retraite).
Ce dispositif qui s'adresse aux anciens salariés ayant validé 160 trimestres de cotisation mais n'ayant pas atteint l'âge légal pour faire valoir leurs droits à la retraite, a été supprimé le 31 décembre 2008 par la loi de finances pour 2009. Du fait d'une importante mobilisation, notamment dans le Doubs, ce dispositif a été reconduit par décret pour l'année 2009.
Or, encore aujourd'hui, la non-reconduction de cette allocation est discriminatoire pour de nombreux salariés qui ont fait l'objet de « départs dits volontaires » de la part d'entreprises qui leur ont présenté ce dispositif d'AER comme la garantie d'un revenu minimum d'environ 1 000 euros mensuels par personne jusqu'à l'âge de la retraite. Ces entreprises ont ainsi calculé les primes des départs volontaires en se fondant sur le montant des indemnisations ASSEDIC relayées par l'AER, le montant de la prime devant compenser la perte de salaire jusqu'aux 60 ans du salarié.
Les entreprises ont donc procédé pour ces personnels, à des licenciements sur des motifs factices et mensongers que les directions départementales et régionales du travail et de l'emploi, conscientes de ces pratiques, ont acceptés sans hésitation.
En conséquence, 45 000 anciens salariés potentiellement concernés par l'AER doivent ainsi se contenter de l'allocation spécifique de solidarité, soit 450 euros mensuels.
Le Gouvernement n'a pas souhaité reconduire ce dispositif pour 2010 sous prétexte de favoriser l'emploi des seniors. Or l'emploi des seniors, de l'avis de tous les indicateurs économiques, n'est pas prêt de s'améliorer. Ces anciens salariés, ayant travaillé dans des conditions souvent très difficiles, parfois abîmés par 40 ans de travail pénible, ne sont évidemment pas prioritaires pour retrouver un emploi, a fortiori dans un contexte de grave crise économique. Ils se retrouvent de fait dans une situation de grande précarité dont le Gouvernement n'a manifestement pas compris ni l'ampleur ni l'urgence.
Il paraît difficile d'attendre pour régler leur situation que les questions des retraites dans leur ensemble, de la pénibilité du travail en jachère depuis 2003 ou celle de l'emploi des seniors soient enfin tranchées. Des négociations avec les partenaires sociaux sont actuellement en cours pour envisager la prolongation du dispositif.
Il lui demande de bien vouloir lui faire savoir quelles démarches le Gouvernement a entreprises pour faire aboutir le plus rapidement possible la reconduction de l'AER et prendre en compte la grande précarité de ces salariés. Il lui demande également de bien vouloir lui indiquer si une enquête était en cours concernant les conditions de validation des plans de départs dits volontaires des salariés concernés.
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Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce extérieur publiée le 24/03/2010
Réponse apportée en séance publique le 23/03/2010
M. Martial Bourquin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà maintenant plus d'un an et demi, j'ai alerté le Gouvernement sur la situation dramatique des bénéficiaires de l'allocation équivalent retraite, l'AER, supprimée par le Gouvernement en 2008 et rétablie sous la pression en 2009, dans des conditions d'incertitude très difficiles pour les allocataires, lesquels ont pu perdre jusqu'à 600 euros par mois.
Le 15 février dernier, Laurent Wauquiez a annoncé, sans autre précision, la reconduction exceptionnelle de l'allocation équivalent retraite. On compte aujourd'hui 45 000 bénéficiaires de l'AER, dont les familles sont aujourd'hui dépendantes des conditions de mise en uvre de cette allocation. Les agents de Pôle emploi, dont la charge de travail est déjà très lourde, devront aider dans l'urgence ces personnes à monter leur dossier, sans savoir si la mesure sera rétroactive et sans connaître véritablement les conditions d'obtention de l'AER. Vous en conviendrez avec moi, madame la secrétaire d'État, rien n'est clair !
Depuis plus d'un an et demi, de très nombreuses familles vivent avec cette épée de Damoclès au-dessus de leur tête. C'est bien le Gouvernement qui tient le glaive dans cette affaire. Je vous demande donc instamment, madame la secrétaire d'État, de tranquilliser ces familles et d'apporter un peu de sérénité aux agents de Pôle emploi.
Mes questions seront extrêmement précises. Quand comptez-vous publier le décret de prolongation de l'AER ? Pouvez-vous me confirmer que cette prolongation se fera dans les mêmes conditions qu'en 2009 et que le nombre de trimestres concernés sera identique ? Avez-vous l'intention de prolonger ce dispositif jusqu'à la fin de l'année 2011 ? Avez-vous diligenté une enquête pour comprendre les raisons pour lesquelles autant de personnes, croyant de toute bonne foi pouvoir bénéficier de l'AER, ont adhéré, en 2008, à des plans de départ volontaire ?
Vous le savez, la manifestation qui se déroulera cet après-midi réunira la plupart des 45 000 personnes que je viens d'évoquer, lesquelles ne savent pas si elles pourront, demain, recevoir une retraite décente des services sociaux.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, au nom de mon collègue Laurent Wauquiez, je vous rappelle que, conformément à votre souhait, le Président de la République a annoncé, dans le cadre de la conférence de l'agenda social, la prorogation en 2010 de l'allocation équivalent retraite, qui garantit aux demandeurs d'emploi un niveau de ressources minimum, revalorisé chaque année, jusqu'au moment de la liquidation de leur retraite.
Cette allocation, versée sous conditions de ressources, se substitue à un revenu de remplacement allocation de solidarité spécifique ou RSA ou peut être versée après expiration d'une allocation de chômage. Elle peut également compléter une allocation de chômage d'un faible montant, et est alors dénommée « AER de complément ».
Au cours de l'année dernière, marquée par une période exceptionnelle de crise, le Gouvernement avait décidé, en accord avec les partenaires sociaux, de prolonger cette allocation pour 2009. L'incidence de la crise mondiale continuant malheureusement à peser sur le marché de l'emploi, le Gouvernement a souhaité reconduire cette allocation pour l'année 2010. Cette mesure de justice sociale permet également d'apporter une réponse aux demandeurs d'emploi en fin de droits à l'assurance chômage.
Un décret est actuellement en cours de signature pour prolonger de manière exceptionnelle jusqu'au 31 décembre 2010 la possibilité accordée aux demandeurs d'emploi de bénéficier de cette allocation.
Ainsi, de nouvelles ouvertures de droits pourront être attribuées dès lors que la demande sera déposée avant le 31 décembre 2010 et que le demandeur d'emploi remplira les critères d'attributions suivants : être demandeur d'emploi, être âgé de moins de soixante ans, disposer de ressources inférieures à un plafond déterminé, justifier d'une durée d'assurance vieillesse au moins égale à 161 trimestres.
M. Laurent Wauquiez a demandé au directeur général de Pôle emploi de prendre les mesures nécessaires pour que les personnes concernées puissent bénéficier très rapidement de cette allocation.
Dans le même temps, le Gouvernement est toujours très déterminé quant à l'emploi des seniors, qui ne doivent plus être considérés comme la variable d'ajustement de nos politiques de l'emploi. Vous le savez, des mesures ont été prises pour favoriser leur maintien dans l'emploi, avec notamment l'obligation pour toutes les branches et les entreprises de plus de 300 salariés de négocier des accords sur l'emploi des seniors.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Selon moi, celles et ceux qui ont travaillé toute une vie ne doivent pas perdre leur allocation sous prétexte que les seniors font désormais l'objet d'une politique d'emploi ! Ces personnes sont souvent victimes de plans sociaux qui ne disent pas leur nom, et sont parfois contraintes de quitter leur entreprise.
La suppression de l'AER ne pouvait être envisagée que dans le cadre de la mise en uvre d'une politique en faveur des seniors. Mais on a mis la charrue devant les bufs : en supprimant l'AER, on fait porter le fardeau à celles et ceux qui subissent une politique visant à les exclure de l'entreprise.
Je le rappelle, ces personnes se sont vu préciser, parfois de façon écrite, qu'elles toucheraient l'allocation équivalent retraite.
Votre intervention, madame la secrétaire d'État, ne répond qu'en partie à mes préoccupations, puisque vous n'avez pas abordé la question de la rétroactivité. Celles et ceux qui n'ont pas reçu cette allocation au cours des derniers mois doivent pouvoir bénéficier d'une mesure rétroactive. Il est également essentiel que le décret soit publié le plus rapidement possible afin que les agents de Pôle emploi puissent travailler en toute sérénité. En effet, les 45 000 personnes concernées, compte tenu de la grande précarité dans laquelle elles se trouvent, se tournent fort justement vers cet organisme. La publication de ce décret est donc urgente.
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