Question de M. DASSAULT Serge (Essonne - UMP) publiée le 15/01/2010

Question posée en séance publique le 14/01/2010

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.

M. René-Pierre Signé. Ah, le RMIste du Sénat !

M. Serge Dassault. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de l'industrie.

Les délocalisations sont malheureusement de plus en plus nombreuses en France. Nos produits sont toujours plus durement concurrencés par ceux qui sont fabriqués dans les pays où les coûts de main-d'œuvre sont moins élevés et où l'on travaille plus.

M. Didier Boulaud. Ce n'est pas vrai !

M. Serge Dassault. Les entreprises vont avoir des difficultés croissantes pour trouver des clients si elles ne délocalisent pas, c'est-à-dire si elles ne sous-traitent pas leur production à l'étranger pour réduire leurs coûts. C'est déjà fréquemment le cas, hélas, en particulier dans la construction automobile.

Il en sera sans doute bientôt de même dans l'aéronautique puisque les Chinois viennent de lancer un avion de 120 places concurrençant directement l'Airbus 320, appareil qu'ils construisent déjà sous licence. Cela montre combien il est dangereux de construire sous licence en Chine.

M. Didier Boulaud. S'il ne faisait pas des avions si chers, il les vendrait !

M. Serge Dassault. Mais ces délocalisations ont le grave inconvénient de réduire le travail en France et d'accroître le chômage. Il faut donc tout faire pour les éviter.

À cette fin, il convient selon moi de réaliser deux opérations permettant d'abaisser nos coûts de production : travailler plus et diminuer les charges sur les salaires.

La première consisterait à s'orienter vers les 39 heures légales…

M. Didier Boulaud. Payées 35 ?

M. Serge Dassault. … en expliquant aux salariés que, faute d'aller dans ce sens, on risque de voir le chômage s'aggraver.

La seconde consisterait à réduire les charges sur les salaires…

M. Didier Boulaud. Il pourrait partager son compte en banque !

M. Serge Dassault. … et à les transférer sur d'autres paramètres pris en compte par les entreprises, car il n'est évidemment pas question de faire payer l'État.

De manière prioritaire, la sécurité sociale, qui n'a rien à voir avec les salaires, pourrait ainsi être mieux financée : par exemple à partir d'une fraction du chiffre d'affaires diminué des salaires versés ou d'une TVA sociale. Cela permettrait en outre d'augmenter plus facilement les salaires…

M. Didier Boulaud. Le salaire de qui ? Du patron ?

M. Serge Dassault. … sans conséquences sur les coûts de production, et donc d'augmenter le pouvoir d'achat. Cela éviterait aussi que l'État ait à dépenser des milliards d'euros pour des allégements de charges puisque ceux-ci n'auraient plus lieu d'être.

Ce sont les deux conditions fondamentales pour éviter, à mon sens, les délocalisations et maintenir à la fois notre compétitivité et le travail en France.

M. Didier Boulaud. Est-ce que cela va faire des Rafale moins chers ?

M. René-Pierre Signé. Il n'est pas compétitif !

M. Serge Dassault. C'est l'intérêt de tous : travailler plus et réduire les charges sur les salaires.

Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à vous saisir de ces propositions, en tout ou partie, en les mettant rapidement à l'étude, au moins pour les allégements de charges sur les salaires ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Plusieurs sénateurs de l'Union centriste applaudissent également.)

MM. Jean-Pierre Godefroy et Didier Boulaud. Et cela permettrait en plus de fabriquer des Rafale adaptés au marché !


Réponse du Ministère chargé de l'industrie publiée le 15/01/2010

Réponse apportée en séance publique le 14/01/2010

M. Christian Estrosi, ministre. Monsieur Dassault, un certain nombre de vos propositions répondent à des préoccupations du Gouvernement et méritent une réflexion. Je regrette d'ailleurs qu'elles aient été accueillies dans une partie de cet hémicycle par divers quolibets… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Gournac. Ils sont réduits à cela !

M. Christian Estrosi, ministre. … car j'estime que certains ne peuvent pas se comparer à quelqu'un qui a énormément contribué à l'innovation industrielle et à la création d'emplois, souvent hautement qualifiés, dans notre pays. Dès lors, ils devraient se dispenser de railleries un peu faciles. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'Union centriste.)

M. Didier Boulaud. Il faut surtout dire merci à papa, qui avait de l'imagination ! Mais c'est nous qui payons les avions, et ils sont chers !

M. Christian Estrosi, ministre. La réalité, c'est que la lutte contre les délocalisations fait partie du combat quotidien mené par le Gouvernement et par l'ensemble de cette majorité.

À cet égard, je veux rappeler un certain nombre de mesures.

La suppression de la taxe professionnelle représentera dès le 1er janvier 2010 près de 12 milliards d'euros de charges fiscales en moins pour les industries françaises.

Un sénateur du groupe socialiste. Sur le dos des collectivités !

M. Christian Estrosi, ministre. Dois-je parler du crédit d'impôt recherche, grâce auquel, chaque fois qu'une industrie ou un laboratoire engage 100 euros, il se voit rembourser 30 euros par l'État ? C'est le crédit d'impôt recherche le plus attractif au monde !

Dois-je rappeler que l'allégement ou la suppression des charges sociales et fiscales sur les heures supplémentaires ont permis, en 2007, d'enregistrer 152 millions d'heures supplémentaires de plus dans notre pays et, à la fin 2008, 188 millions ?

M. Didier Boulaud. Et on voit combien cela a contribué à la création d'emplois !

M. Guy Fischer. Oui, combien d'emplois créés ?

M. Christian Estrosi, ministre. Le combat du Gouvernement consiste à ne pas augmenter la fiscalité et, en même temps, contrairement à des pratiques passées, à réduire la dépense publique.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Combien d'emplois ?

M. Christian Estrosi, ministre. Nous continuerons avec toute notre énergie à aller dans cette direction parce que nous devons soutenir la création de richesses et d'emplois.

Aux mesures que j'ai énumérées s'ajoute la création du Fonds stratégique d'investissement pour aider à la recapitalisation d'un certain nombre de nos entreprises et du Fonds de modernisation des équipementiers automobiles.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils s'en vont ailleurs !

M. Guy Fischer. Et ils suppriment des emplois !

M. Christian Estrosi, ministre. La France un des seuls pays à avoir mis en place des fonds souverains pour accompagner nos PME dans la recapitalisation et la modernisation de leur outil de travail.

Et puis, Monsieur Dassault, je veux relever que nous sommes entrés dans une période où nous enregistrons de plus en plus de relocalisations. (M. René-Pierre Signé s'exclame.)

Je prendrai l'exemple, dans votre département, l'Essonne, de 3S Photonics, une petite start-up qui a pris la place d'Alcatel, laquelle n'a pas toujours mené la bonne politique…

M. Jean-Pierre Godefroy. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Christian Estrosi, ministre. … en matière de maintien d'emplois dans notre pays. Ils en sont aujourd'hui à 200 emplois en recherche et développement et ils font revenir 200 emplois qui étaient implantés à Taïwan.

M. David Assouline. Vingt secondes de plus !

M. Guy Fischer. Ce n'est pas normal !

M. Christian Estrosi, ministre. Pourquoi ? Parce que l'on est en train de se rendre compte que la qualité de la main-d'œuvre à l'extérieur des frontières européennes, le coût de la fabrication des outils de travail et des transports finissent par ne plus rendre compétitifs les produits des entreprises délocalisées.

Je terminerai en disant que le volontarisme politique doit jouer aussi.

M. David Assouline. Trente-cinq secondes de plus !

M. Christian Estrosi, ministre. J'ai reçu le directeur général de Renault à la demande du Président de la République, qui recevra lui-même Carlos Ghosn samedi prochain.

M. David Assouline. Quarante secondes de plus !

M. Christian Estrosi, ministre. Oui, la France doit aussi se battre pour que les produits industriels français vendus en France soient produits dans notre pays.

M. David Assouline. Une minute de plus !

M. Christian Estrosi, ministre. Voilà pourquoi nous ne laisserons pas non plus délocaliser la fabrication de la Clio 4 à l'étranger. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je demande à chacun de bien vouloir s'efforcer de respecter le temps de parole.

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