Question de M. BOULAUD Didier (Nièvre - SOC) publiée le 15/01/2010
Question posée en séance publique le 14/01/2010
M. Didier Boulaud. Monsieur le président, étant le premier orateur du groupe socialiste, je me permettrai d'abord de dire que celui-ci partage pleinement l'émotion légitime suscitée par le drame haïtien et s'associe bien évidemment aux propos qui ont été tenus à l'instant.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, trois soldats français viennent de perdre la vie ces derniers jours au cours de violents combats en Afghanistan. Je tiens à adresser nos condoléances attristées à leurs familles et à leurs proches, et aussi à rendre hommage aux soldats français engagés en Afghanistan, qui sont désormais plus de 4 000, pour leur courage, leur dévouement et leur abnégation.
En 2008, nos concitoyens ont compris, après le drame de la Kapisa, qui a fait dix morts dans les rangs de l'armée française, que notre pays était vraiment engagé dans une guerre.
À ce jour, trente-neuf soldats français ont trouvé la mort depuis le début de notre engagement, en 2001.
L'année 2009 a été la plus meurtrière pour les forces de la coalition, et il y a fort à craindre que 2010 ne soit pire encore compte tenu de la montée en puissance de l'insurrection talibane.
Ma question comporte plusieurs volets, monsieur le ministre.
Premièrement, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur l'opération qui était menée lorsque les soldats français ont été tués ? Ce ne sont pas en effet les quelques entrefilets parus dans la presse qui peuvent fournir un quelconque éclairage sur ce qui s'est réellement passé.
Deuxièmement, face à l'aggravation de la situation et à l'augmentation du nombre de tués, certains pays de la coalition envisagent le retrait de leurs troupes. Le Canada l'a décidé pour 2011 et d'autres États, comme les Pays-Bas, s'interrogent au moment où les Américains ont décidé d'envoyer 30 000 hommes en renfort et demandent à leurs alliés ou à l'OTAN d'accroître leurs effectifs.
En 2007, alors qu'il n'était encore que candidat à l'élection présidentielle, M. Sarkozy déclarait, péremptoire : « La présence à long terme des troupes françaises à cet endroit du monde ne me semble pas décisive. » Il s'engageait, dans la foulée, à poursuivre la politique de rapatriement de nos forces armées entamée par Jacques Chirac. Or, depuis qu'il a été élu, nos effectifs n'ont cessé d'augmenter
Monsieur le ministre, les informations qui filtrent désormais nous conduisent à penser que nous avons perdu notre réelle liberté d'appréciation de la situation et que nous nous trouvons en position supplétive des Américains dans la décision, notamment depuis le très hasardeux retour de la France dans le commandement de l'OTAN.
Qu'en est-il vraiment ? Pouvez-vous nous donner de réelles assurances quant à l'autonomie d'action et de décision de nos états-majors ? Qui décide vraiment de l'engagement de nos militaires ?
Enfin, quelle décision prendra réellement la France, lors de la conférence de Londres fin janvier, quant à la demande pressante d'envoi de renforts formulée par les États-Unis ? Cette décision apparaît chaque jour un peu plus floue ; on entend même parler d'une contribution française de 1 500 militaires supplémentaires.
Le Gouvernement français, qui s'est tant vanté lors de sa présidence de l'Union européenne de son action en matière de défense européenne, a-t-il entrepris des démarches auprès de nos partenaires pour apporter une réponse commune de l'Union à la demande américaine ?
Surtout, le Parlement français aura-t-il enfin son mot à dire, comme c'est le cas dans tous les pays démocratiques de la coalition, si une augmentation de nos effectifs en Afghanistan était acceptée par le Président de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Réponse du Ministère des affaires étrangères et européennes publiée le 15/01/2010
Réponse apportée en séance publique le 14/01/2010
M. Bernard Kouchner, ministre. Monsieur Boulaud, je vous répondrai à partir des informations communiquées par mon collègue Hervé Morin, ministre de la défense, qui n'a pas pu être aujourd'hui présent dans cet hémicycle.
M. René-Pierre Signé. Il est sans doute à Kaboul !
M. Bernard Kouchner, ministre. Au cours de la semaine écoulée, les forces armées françaises ont été endeuillées par la perte de trois militaires, un officier et deux sous-officiers, ce qui porte à trente-neuf, ainsi que vous l'avez indiqué, le nombre de soldats tués depuis le début de notre engagement, en 2001.
Entre le 11 et le 13 janvier, trois militaires français, du 42e régiment d'artillerie de la première brigade motorisée et du 507e régiment du train, ont perdu la vie en Afghanistan.
Les forces armées françaises n'avaient pas perdu d'hommes depuis octobre 2009. Le lourd tribut payé ces derniers mois est principalement imputable à des engins explosifs improvisés, posés le long de la route.
Ces militaires sont décédés alors qu'ils accomplissaient leur mission aux côtés de nos partenaires afghans pour les aider à mettre en place une armée efficace, capable de restaurer la sécurité et la stabilité de leur pays.
Je vous rappelle que cette action de formation comporte deux volets : l'opération EPIDOTE, c'est-à-dire la formation initiale, et les OMLT, ou Operational Mentoring and Liaison Team, c'est-à-dire les unités opérationnelles.
L'effort de la France, qui s'inscrit dans la stratégie développée par la force internationale d'assistance et de sécurité, la FIAS, est concentré en Kapisa et en Surobi, où sont déployées nos unités opérationnelles de formation auprès de la troisième brigade du 201e corps de l'armée nationale afghane.
Pour répondre à l'évolution des menaces, les armées françaises adaptent en permanence la protection des forces déployées sur les théâtres d'opération. Pour faire face aux attaques menées au moyen d'engins explosifs improvisés, des systèmes de détection et de neutralisation ont été mis en place. Il faut en inventer de nouveaux en permanence.
La protection individuelle a, de ce point de vue, été renforcée. Un effort important a été fait, pour un montant d'environ 200 millions d'euros sur cette période.
Ces pertes viennent nous rappeler que notre mission en Afghanistan reste difficile et qu'il est fondamental de continuer à former l'armée afghane afin de lui permettre d'assurer la sécurité du pays : c'est là une condition essentielle.
La nouvelle stratégie concertée de la communauté internationale, monsieur Boulaud, sera exposée à Londres, le 28 janvier. Nous pourrons alors examiner les possibilités qui s'offrent à nous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. La majorité dort : ses membres n'applaudissent presque plus !
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