Question de Mme LEPAGE Claudine (Français établis hors de France - SOC) publiée le 26/11/2009

Mme Claudine Lepage appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur les difficultés de recrutement de plus en plus grandes de certains lycées français à l'étranger. En effet, les expatriés sont appelés à disparaître, ils sont de moins en moins nombreux dans nos établissements.

Les personnels résidents des établissements d'enseignement français à l'étranger qui peu à peu les remplacent sont rémunérés par leur salaire français auquel s'ajoute l'ISVL (l'indemnité spécifique liée aux conditions de vie locale) fixée par arrêté interministériel et éventuellement un avantage familial. Le taux de l'ISVL est censé compenser les différences de niveau de vie entre la France et les pays où résident les enseignants en prenant en compte des particularités locales de coût de la vie, des facteurs à apprécier différemment selon les capitales ou zones géographiques où sont situées nos écoles.

Or l'ISVL diminue. Et elle diminue sans tenir compte des difficultés inhérentes à la vie dans certaines régions du monde : le coût du logement, une électricité très chère et défaillante qui nécessite l'équipement d'un groupe électrogène, l'insécurité notoire rendant impératives des dépenses de gardiennage, ou encore l'éloignement qui occasionne une dépense « transport » très onéreuse pour la famille quand il s'agit de rentrer au moins une fois par an en France.

Bref, un poste de résident à Nairobi, à Douala, à Kinshasa n'est plus attractif. A tel point qu'à Nairobi, où elle a récemment effectué un voyage, une dizaine de postes seront vacants ou susceptibles de l'être à la rentrée 2010.
Les conseils d'administration se voient confrontés à un problème insoluble : ils sont liés par le décret n° 2002-22 du 4 janvier 2002 relatif à la situation administrative et financière des personnels des établissements d'enseignement français à l'étranger qui stipule que les résidents sont rémunérés uniquement par l'AEFE. Les établissements sont donc dans l'impossibilité, même s'ils souhaitaient proposer à leurs enseignants une prime ou un billet d'avion par an par membre de la famille, de le faire, et cela signifierait de toutes façons une nouvelle augmentation des frais d'écolage. Là encore les familles supporteraient douloureusement cette nouvelle charge occasionnée par le désengagement de l'État.

Les établissements sont dans une situation inextricable et risquent de ne pouvoir pourvoir des postes dans des matières fondamentales dès la rentrée prochaine.

Elle lui demande quelles mesures il compte prendre pour que soit reconsidéré et augmenté le taux de l'ISVL afin que cette indemnité soit en conformité avec la réalité des conditions de vie des pays des professeurs qui y résident. Elle lui demande quelles mesures il compte prendre afin de redonner l'envie à nos enseignants de travailler dans nos écoles françaises de l'étranger. La survie d'un certain nombre d'écoles en dépend, de même que la qualité de l'enseignement. Car un vivier insuffisant d'enseignants dans nombre de pays serait la porte ouverte à un recrutement moins exigeant, au recours à un personnel insuffisamment formé et qui n'offrirait pas toutes les garanties d'un enseignement de qualité.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la coopération et de la francophonie publiée le 27/01/2010

Réponse apportée en séance publique le 26/01/2010

Mme Claudine Lepage. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés de recrutement de plus en plus grandes de certains lycées français à l'étranger.

En effet, les enseignants expatriés sont appelés à disparaître ; ils sont de moins en moins nombreux dans nos établissements. Les personnels résidents des établissements d'enseignement français à l'étranger qui les remplacent peu à peu sont rémunérés par leur salaire français, auquel s'ajoute l'ISVL, – l'indemnité spécifique liée aux conditions de vie locale –, fixée par arrêté interministériel, et, éventuellement, un avantage familial.

Le taux de l'ISVL est censé compenser les différences de niveau de vie entre la France et les pays où résident les enseignants, en prenant en compte des particularités locales en matière de coût de la vie. Ces facteurs s'apprécient différemment selon les capitales ou zones géographiques où sont situées nos écoles. Or l'ISVL diminue, sans qu'il soit tenu compte des difficultés inhérentes à la vie dans certaines régions du monde : le coût, parfois exorbitant, du logement, une électricité très chère mais à la distribution défaillante, qui nécessite l'achat d'un groupe électrogène, l'insécurité notoire rendant impératives des dépenses de gardiennage, ou encore l'éloignement, qui occasionne des dépenses de transport très élevées pour la famille quand il s'agit de rentrer au moins une fois par an en France.

Bref, un poste de résident à Nairobi, à Douala, à Kinshasa n'est plus attractif. À tel point qu'à Nairobi, où j'ai récemment effectué un voyage, une dizaine de postes seront vacants ou susceptibles de l'être à la rentrée de 2010.

Par ailleurs, les conseils d'administration des établissements se voient confrontés à une difficulté d'interprétation du décret n° 2002-22 du 4 janvier 2002 relatif à la situation administrative et financière des personnels des établissements d'enseignement français à l'étranger, aux termes duquel les résidents sont rémunérés uniquement par l'AEFE, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

S'ils font une lecture stricte de ce décret, les établissements sont placés dans l'impossibilité, même s'ils le souhaitent, de proposer à leurs enseignants une prime et/ou un billet d'avion par an. Certains conseils d'administration adoptent une lecture plus souple de ce texte, ce qui entraîne alors une nouvelle augmentation des frais d'écolage pour financer prime et billets d'avion, afin d'essayer de garder ou de recruter des enseignants résidents.

Une fois encore, ce sont les familles qui supportent péniblement cette nouvelle charge, occasionnée par le désengagement de l'État. Les établissements sont dans une situation inextricable, et certains d'entre eux risquent de ne pas être en mesure de pourvoir des postes dans des matières fondamentales dès la rentrée prochaine.

Quelles dispositions comptez-vous prendre, monsieur le ministre, pour que le taux de l'ISVL soit conforme à la réalité des conditions de vie dans les pays de résidence des professeurs ? Quelles mesures prévoyez-vous afin de redonner l'envie à nos enseignants de travailler dans nos écoles françaises à l'étranger ? La survie d'un certain nombre d'entre elles en dépend, de même que la qualité de l'enseignement. En effet, une insuffisance du vivier d'enseignants titulaires de l'éducation nationale dans nombre de pays ouvrirait la voie à un recrutement moins exigeant, au recours à un personnel insuffisamment formé et qui n'offrirait pas toutes les garanties d'un enseignement de qualité.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Madame la sénatrice, la situation des personnels titulaires, expatriés et résidents, dans les établissements français du réseau de l'AEFE à l'étranger a connu une évolution importante ces dernières années.

D'un point de vue quantitatif, le nombre global des personnels titulaires a augmenté, passant de 5 941 à 6 420. Cependant, la répartition entre expatriés et résidents a changé. En effet, l'effectif des personnels expatriés est passé de 1 661 en 2002 à 1 200 aujourd'hui, tandis que, dans le même temps, celui des personnels résidents augmentait de 4 279 à 5 220.

Parallèlement, il a été demandé aux établissements, donc aux familles, de participer dans une mesure plus importante à la rémunération des personnels résidents. Dans un souci de rationalisation budgétaire, nous avons souhaité que les administrations et les opérateurs, tels que l'AEFE, augmentent la part d'autofinancement des établissements. Cette évolution s'est opérée en tenant compte de la spécificité des zones géographiques et des situations des établissements concernés. Les difficultés d'ordre géopolitique ou climatique et le manque de personnel local qualifié ont été pris en compte dans la politique de redéploiement des postes.

En ce qui concerne la rémunération, les personnels titulaires – expatriés et résidents – perçoivent un traitement en fonction de leur statut, grade et échelon. Ils peuvent également bénéficier d'heures supplémentaires et d'indemnités diverses.

Les personnels expatriés perçoivent en plus une indemnité d'expatriation dont le taux est arrêté par le ministère des affaires étrangères et européennes et le ministère du budget. Ils sont également susceptibles de bénéficier de majorations familiales.

Les personnels résidents perçoivent quant à eux une indemnité spécifique liée aux conditions de vie locale, l'ISVL. Ils peuvent aussi bénéficier d'un avantage familial qui doit couvrir a minima les droits de scolarité demandés. L'ISVL correspond à un pourcentage de l'indemnité d'expatriation. Elle diffère selon les zones et les pays, en fonction de critères tels que les effets de change, le coût de la vie et la situation géopolitique du pays. Son taux est réévalué à plusieurs reprises dans l'année.

Telles sont les informations que je peux vous donner, madame la sénatrice, concernant les conditions financières des personnels résidents et expatriés.

Vous m'avez également interrogé sur le nombre de postes de résidents qui seraient non pourvus. Je tiens à vous rassurer sur ce point : il est faible au regard du nombre global de postes au sein du réseau. En effet, à la rentrée de 2009, seuls 41 postes n'ont pas été pourvus, pour plus de 5 000 emplois.

En effet, garantir la qualité de l'enseignement exige de maintenir un nombre suffisant de titulaires. Aussi l'AEFE propose-t-elle des mesures en direction, d'une part, des personnels, et, d'autre part, des établissements.

S'agissant des personnels, l'AEFE procède à des réajustements tenant compte des difficultés constatées ou exprimées localement. Ces réajustements sont ensuite soumis à la tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère du budget, qui signent l'arrêté fixant le niveau de l'ISVL.

Ces réajustements peuvent s'avérer insuffisants dans certains pays connaissant une inflation importante, en particulier en matière de loyers et de coût des transports. Aussi les personnels concernés peuvent-ils disposer de facilitations telles que la mise à disposition de logements à prix réduit. C'est notamment le cas dans certains pays d'Afrique où l'attractivité des postes est faible.

Concernant les établissements, les services de l'agence ont pour mission de repérer et de gérer ceux ayant des difficultés à recruter. Si la situation l'exige, l'AEFE peut mettre gracieusement à leur disposition des personnels résidents.

Comme vous pouvez le constater, madame la sénatrice, le Gouvernement est très attentif à la qualité de l'enseignement français à l'étranger.

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