Question de M. BEL Jean-Pierre (Ariège - SOC) publiée le 06/11/2009

Question posée en séance publique le 05/11/2009

M. Jean-Pierre Bel. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Il faudrait vraiment être sourd et aveugle pour ne pas constater l'émotion considérable que soulèvent actuellement les grands projets du Gouvernement, émotion qui est partagée, au-delà de la seule opposition, par de nombreux élus de la majorité, dont des personnalités de premier plan : à l'instant, M. Arthuis l'a exprimée avec force.

Tous ces élus sont affligés par l'impréparation, l'absence d'anticipation et même de simulations qui président à la suppression de la taxe professionnelle, dont le produit représente tout de même 26 milliards d'euros. Tous savent que c'en sera fini de la libre administration des collectivités locales et de leur autonomie fiscale.

Mais cette émotion a aussi gagné les citoyens, qui ont bien compris que l'allégement de la fiscalité des entreprises, à hauteur de 11 milliards d'euros en 2010 et de 8 milliards d'euros les années suivantes, sera forcément compensé par une augmentation, sans doute de l'ordre de 30 %, des impôts pesant sur les ménages.

M. Roland Courteau. Évidemment !

M. Jean-Pierre Bel. C'est considérable !

Monsieur le Premier ministre, vous qui avez déclaré que la France était en faillite, pensez-vous vraiment que la situation catastrophique des comptes publics vous autorise à charger la barque du déficit de 11 milliards d'euros supplémentaires en 2010 ? Le déficit budgétaire s'élève déjà à 140 milliards d'euros en 2009, montant auquel il faut ajouter les 28 milliards d'euros de déficit de la sécurité sociale, et la dette publique du pays dépassera en 2010 84 % du PIB : comment pouvez-vous, dans ces conditions, justifier les 50 milliards d'euros de cadeaux fiscaux consentis depuis 2002 ?

Demain, c'est nous, mes chers collègues, qui devrons supporter les conséquences de cette asphyxie financière. Nous serons contraints de réduire drastiquement les services publics de proximité, pourtant si nécessaires à ceux qui vivent dans nos territoires, et d'augmenter les impôts locaux pesant sur les ménages.

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Bel.

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le Premier ministre, les problèmes que vous rencontrez avec votre majorité sont votre affaire, mais soyez attentifs aux appels au bon sens qui vous sont adressés. Par exemple, ne mettez pas la charrue devant les bœufs : commencez par définir les compétences des collectivités territoriales et par estimer le coût de leur exercice, avant de régler la question du financement !

Dites-nous si, en ces temps tumultueux, vous resterez « droit dans vos bottes » ou si vous laisserez le temps à la réflexion, à la concertation, en un mot au débat démocratique ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)


Réponse du Premier ministre publiée le 06/11/2009

Réponse apportée en séance publique le 05/11/2009

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le sénateur, pour juger de l'efficacité d'une politique économique, il faut la comparer à celle des autres pays développés ou aux politiques alternatives éventuelles.

Je constate qu'en 2009, dans un contexte de récession extrêmement sévère, les résultats de l'économie française seront les meilleurs de la zone euro.

M. René-Pierre Signé. Tu parles !

M. François Fillon, Premier ministre. Ainsi, la récession sera deux fois moins forte chez nous : l'Allemagne sera à moins 5 %, le Royaume-Uni à moins 4,9 %, l'Italie à moins 4 %.

M. René-Pierre Signé. Nous serons les moins mauvais !

M. François Fillon, Premier ministre. Pour 2010, l'Union européenne nous prédit une croissance supérieure à 1,2 %, soit le double de ce qu'elle prévoit pour la zone euro.

Ces résultats sont dus aux décisions que nous avons prises depuis le début de la crise pour sauver le système financier puis mettre en œuvre le plan de relance. (« Non ! » sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG), et surtout aux décisions structurelles que nous prenons depuis deux ans et demi pour améliorer la compétitivité de l'économie française. (Exclamations sur les mêmes travées.)

M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas vrai !

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur Bel, je croyais que vous souhaitiez parler de l'économie française, de sa compétitivité, de sa capacité à produire des richesses, mais vous ne parlez en fait que de l'organisation des collectivités locales. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Paul Raoult. Il ose dire cela au Sénat !

M. Didier Boulaud. Il oublie qu'il a été maire de Sablé-sur-Sarthe !

M. François Fillon, Premier ministre. Certes, il s'agit d'une question très importante, mais elle est subordonnée à celle de la création de richesse dans notre pays !

Quelles solutions proposez-vous ?

Depuis le début de la crise, vous avez d'abord suggéré de baisser la TVA.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous l'avez fait pour la restauration !

M. François Fillon, Premier ministre. Le seul pays qui s'est engagé dans cette voie s'en mord aujourd'hui les doigts, car il a les plus mauvais résultats économiques de l'Union européenne.

Par ailleurs, vous ne cessez de préconiser une augmentation de la fiscalité pesant sur les entreprises, alors que la compétitivité de celles-ci est précisément le grand problème de notre pays. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Charles Gautier. C'est faux !

M. François Fillon, Premier ministre. Si vous n'écoutez pas, nous ne pourrons pas dialoguer ! Dans ces conditions, ce n'est pas la peine de prôner la concertation ! Pour ma part, j'ai écouté M. Bel respectueusement, et j'ai entendu ses arguments. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Didier Boulaud. Répondez à la question !

M. François Fillon, Premier ministre. Je vais y répondre, si vous me laissez conduire mon raisonnement.

Prenons un exemple. Au début des années quatre-vingt, la part de l'industrie automobile française sur le marché mondial était de 10 % ; aujourd'hui, elle est tombée à 5 %.

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Vive la globalisation !

M. François Fillon, Premier ministre. Dans le même temps, la part de l'industrie automobile allemande est passée de 11 % à un peu plus de 10 %. Cela montre que nous avons un problème majeur de compétitivité,…

M. Paul Raoult. Le problème, c'est le ferroviaire !

M. François Fillon, Premier ministre. … en particulier face à notre voisin et principal concurrent, l'Allemagne. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les salaires sont plus élevés en Allemagne !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous avons donc le devoir d'améliorer la compétitivité de nos entreprises. Comment peut-on y parvenir ? En baissant les charges sociales ? Depuis des années, tous les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, l'ont fait !

M. Didier Boulaud. Vous n'avez rien fait depuis 2002 !

M. François Fillon, Premier ministre. La seule possibilité qui subsiste encore, aujourd'hui, est d'abaisser les cotisations retraite et chômage sur les bas salaires. Mais personne, naturellement, ne proposerait de retenir une telle solution !

M. Didier Boulaud. Vous avez été ministre du travail sous Chirac !

M. François Fillon, Premier ministre. Il est donc indispensable, si l'on veut favoriser la création de richesses dans notre pays, si l'on veut que les communes, que vous représentez ici, conservent une activité industrielle, de supprimer la taxe professionnelle. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Taxez plutôt les actionnaires !

M. François Fillon, Premier ministre. Telle est la politique que nous allons conduire. Nous en profiterons pour appliquer enfin cette fameuse péréquation réclamée de manière unanime depuis des années, mais que personne n'a encore jamais mise en œuvre !

M. Didier Boulaud. Il fallait vous réveiller en 2002 !

M. François Fillon, Premier ministre. Les collectivités territoriales, notamment les communes et les intercommunalités, bénéficieront finalement de cette réforme. La péréquation permettra de mettre enfin un terme aux injustices que ni vous ni nous n'avions su corriger par le passé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. René-Pierre Signé. On verra !

- page 9490

Page mise à jour le