Question de M. PINTON Louis (Indre - UMP) publiée le 29/10/2009
M. Louis Pinton attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat sur les difficultés que vont rencontrer les propriétaires contraints de satisfaire, en 2014, aux obligations issues pour eux des articles L.214-3-1, L.214-4 et L.214-17 du code de l'environnement et relatives aux ouvrages situés sur les cours d'eau traversant leur propriété. Les propriétaires ou exploitants devront effectuer des travaux très onéreux afin de se mettre en conformité avec les règles définies par l'autorité administrative, et ce au nom de l'intérêt général. Or, il est mentionné au III de l'article L. 214-17 du même code que « les obligations résultant du I du présent article n'ouvrent droit à indemnité que si elles font peser une charge spéciale et exorbitante sur le propriétaire ou l'exploitant ». Il lui demande donc de bien vouloir lui préciser ce que recouvre concrètement la notion de « charge spéciale et exorbitante » et, dans le cas où celle-ci serait avérée, de lui indiquer qui supportera la charge financière des indemnités dues aux propriétaires ou exploitants. Par la même occasion, il lui demande si, à son sens, cette législation ne remet pas en cause le droit de propriété.
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Réponse du Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat publiée le 28/10/2010
L'article L. 214-3-1 du code de l'environnement instaure, depuis l'entrée en vigueur de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 décembre 2006, une obligation de déclarer à l'autorité administrative l'arrêt définitif d'une activité soumise à la police de l'eau. Il prescrit en outre aux propriétaires ou exploitants de proposer une remise en état du site dans le respect des intérêts de la gestion équilibrée de la ressource en eau. Si des obstacles à la continuité écologique des cours d'eau n'ont plus d'usage identifié, ils doivent être supprimés ou suffisamment modifiés pour que leurs impacts soient neutralisés pour permettre une gestion équilibrée de l'eau. L'absence d'une telle disposition légale avant 2006 et l'acceptation de cette pratique d'abandon d'ouvrages pendant des siècles sans entretien, ni gestion ont conduit à une situation problématique, les cours d'eau métropolitains étant aujourd'hui sectionnés par 60 000 seuils et barrages, dont à peine 10 % ont un usage. L'article L. 214-4 du code de l'environnement qui prévoit la possibilité de modifier, voire de supprimer sans indemnité des autorisations, a été instauré par la loi sur l'eau de 1992. Il n'est, cependant, que la version améliorée de l'article L. 215-10 du même code qui prévoit cette possibilité depuis la fin du 19e siècle. L'échéance de 2014 ne concerne qu'un critère de modification ajouté par la LEMA pour les cas d'incompatibilité de l'exploitation des installations existantes avec la préservation des grands migrateurs sur les cours d'eau classés. Cette disposition ne fait que renforcer le troisième critère de modification déjà applicable, fondé sur la soumission des milieux aquatiques à des conditions hydrauliques critiques non compatibles avec leur préservation. Ainsi, depuis le 19e siècle, l'implantation de seuils et barrages dans le lit mineur des cours d'eau est soumise à une autorisation administrative modifiable et révocable. Le droit de propriété de ces ouvrages et le droit d'usage afférent, sont donc limités dans son exercice par celui du pouvoir de police de l'eau à des fins d'intérêt général, y compris s'agissant d'ouvrages fondés en titre. L'article L. 214-17 du code de l'environnement instaure une révision des classements de cours d'eau déjà existants, qui font déjà peser sur les propriétaires de barrages des obligations d'aménagement pour assurer la circulation des poissons. La révision prévue par la LEMA sur des critères mieux définis, conduira à des classements mieux justifiés. Mais pour une grande partie, les cours d'eau déjà classés pour la circulation des migrateurs, resteront classés à ce titre. Il est à noter que cette préoccupation de continuité de circulation des poissons amphihalins est née dès le 19e siècle lorsque, face à la constante disparition de cette ressource alimentaire, la loi de 1865 a imposé le principe d'obligation d'aménagement des ouvrages sur des premiers cours d'eau classés. Les obligations imposées par les classements révisés n'ouvrent droit à indemnité que si elles font peser sur le propriétaire ou l'exploitant de l'ouvrage une charge spéciale ou exorbitante, dans le prolongement de la jurisprudence du Conseil d'État reconnaissant, à la charge de l'État, une responsabilité sans faute du fait de l'application de la loi qui serait génératrice d'un préjudice (CE, 14 janvier 1938, SA des produits laitiers « La Fleurette »). Toutefois dans un tel cas, l'indemnisation n'est envisageable que lorsque celle-ci induit une charge « anormale et spéciale », c'est à dire dans des cas exceptionnels qui répondent aux conditions cumulées suivantes : la loi n'aurait pas pour objet la préservation de l'intérêt général, notamment la cessation d'une nuisance ou d'une activité répréhensible ou dangereuse ; la charge serait, à la fois, extrêmement importante et d'une gravité anormale (exorbitante), et particulière (spéciale), c'est-à-dire que son application ne toucherait qu'un très faible nombre de personnes ou d'entités données. Dans l'ensemble, les dispositions précitées ne constituent pas des obligations ou charges nouvelles pour les propriétaires d'ouvrages en lit mineur. Elles sont, par ailleurs, justifiées par l'intérêt général que représente l'atteinte du bon état écologique des cours d'eau imposé par la directive-cadre sur l'eau de 2000 (DCE) et la préservation de la biodiversité. Le respect de ces deux objectifs a un coût. En contrepartie, une amélioration notable de la qualité de l'eau et dufonctionnement naturel des écosystèmes aquatiques procurera de nombreux bénéfices gratuits, notamment pour la qualité de vie et la santé. Il est aujourd'hui indispensable que chaque usager de l'eau réduise l'impact de son activité sur cette ressource. En ce qui concerne les ouvrages barrant le lit mineur, le Gouvernement a lancé un plan national de restauration de la continuité écologique des cours d'eau. Une circulaire de mise en oeuvre, datée du 25 janvier 2010, a été envoyée aux préfets, afin d'organiser cette restauration de manière progressive et hiérarchisée selon des priorités liées aux classements des rivières, aux objectifs et aux programmes de mesure du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (MAGE), ainsi qu'aux gains attendus pour l'atteinte du bon état écologique de la directive-cadre sur l'eau. Les actions de restauration de la continuité écologique des cours d'eau sont éligibles aux aides des agences de l'eau. Les agences de l'eau ont en outre des critères de subvention très favorables aux petits propriétaires de barrages qui n'ont pas un usage économique ou dont la rentabilité est assez basse, comme les centrales hydroélectriques de très faible puissance. Les subventions peuvent aller jusqu'à 100 % lorsqu'il s'agit de démanteler les seuils inutiles. Ainsi, compte tenu de l'application générale de la loi à tous les propriétaires de seuils et barrages sur des cours d'eau classés, de son objectif de préservation d'un intérêt général et des possibilités de subvention sur fonds publics, l'existence d'une charge spéciale et exorbitante liée au respect des obligations qu'elle instaure ne devrait correspondre qu'à un nombre de situations très réduit. L'atteinte au droit de propriété ne saurait enfin être fondée s'agissant, en fait, de l'exercice d'un simple droit d'usage, accessoire du droit de propriété etencadré par une autorisation de police administrative dont la loi prévoit la possibilité de suppression sans expropriation et sans indemnités. Il est nécessaire, par ailleurs, de mettre fin à l'idée que les petits barrages n'ont pas d'impact et doivent être maintenus au seul prétexte qu'ils sont là depuis longtemps. Il est important de rappeler que le droit de posséder un barrage et son plan d'eau n'est pas perpétuel. Ce droit représente un coût et des contraintes souvent sous-estimés par les propriétaires (entretien régulier, gestion des vannages, sécurité, passes à poissons, maintien d'un débit minimum biologique, surveillance, etc.). Le bilan rationnel entre ce coût, l'utilité du barrage et l'avantage tiré de la restauration du fonctionnement naturel d'une rivière devrait, le plus souvent, conduire les propriétaires à renoncer aux barrages et plans d'eau qui n'ont pas d'usage économique.
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