Question de M. ADNOT Philippe (Aube - NI) publiée le 12/06/2009

Question posée en séance publique le 11/06/2009

M. Philippe Adnot. Ma question s'adressait à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, M. Brice Hortefeux, mais je suis honoré que Mme Amara me réponde.

Je veux attirer l'attention sur une décision malheureuse qui vient frapper une entreprise chère au département de l'Aube, la société Olympia.

Le 13 mai 2009 dernier, ce fabricant français de chaussettes a été condamné par la cour d'appel de Reims à verser 2,5 millions d'euros à quarante-sept salariés licenciés – soit en moyenne trente-deux mois d'indemnités par salarié – pour ne pas leur avoir proposé un reclassement en Roumanie, à 110 euros par mois !

Vous avez tous en mémoire l'offre scandaleuse qui avait été faite à ces salariés du sud de la France auxquels on avait osé proposer un reclassement à Bangalore, pour 60 euros par mois. Or, dans le cas présent, c'est le contraire : l'entreprise est condamnée pour ne pas avoir proposé le reclassement en Roumanie, alors même que la décision de ne pas le proposer avait été prise d'un commun accord entre le comité d'entreprise, les syndicats et la direction.

L'entreprise ne survivra pas à une telle condamnation et, de ce fait, ce sont deux cent quatre-vingts emplois qui sont en jeu.

Madame la secrétaire d'État, vous comprenez aisément le problème posé. Comment allez-vous tenter de le résoudre ?

Nous avons déposé une demande de sursis à exécution de la condamnation, afin que la Cour de cassation puisse se prononcer et, éventuellement, corriger cet arrêt, qui paraît injuste aux yeux des salariés et de la direction de l'entreprise, sachant que cette dernière est engagée dans la voie de la modernisation.

Seriez-vous d'accord, madame la secrétaire d'État, pour qu'une plus grande portée soit donnée à l'instruction n° 2006-01 du 23 janvier 2006, car, en l'état, elle n'a pas empêché la Cour d'appel de Reims de condamner l'entreprise ?

Seriez-vous d'accord pour compléter l'article L. 1233-4 du code du travail par une disposition prévoyant que l'employeur n'est pas obligé de proposer des offres de reclassement à l'étranger si le salaire y afférent est inférieur de 10 % au SMIC ?

M. Jean-Louis Carrère. C'est un peu long ! Il faut poser la question au conseil général !

M. Philippe Adnot. Madame la secrétaire d'État, en tout état cause, quelle mesure comptez-vous prendre rapidement pour que cette affaire ne débouche pas sur le licenciement de deux cent quatre-vingts personnes ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)


Réponse du Secrétariat d'État chargé de la politique de la ville publiée le 12/06/2009

Réponse apportée en séance publique le 11/06/2009

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. Hortefeux, qui n'a pas pu se libérer.

Votre question soulève une double difficulté, à la fois juridique et éthique.

Sur le plan juridique, aux termes du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié n'est possible que lorsque le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du même groupe.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. À défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Cette disposition oblige donc l'employeur à proposer aux salariés faisant l'objet d'un licenciement pour motif économique une solution de reclassement.

La jurisprudence n'est cependant pas totalement stabilisée et, bien souvent, des incertitudes juridiques demeurent.

Ensuite et surtout, la difficulté est d'ordre éthique. Il n'est en effet pas acceptable que, ici ou là, des entreprises devant procéder à des licenciements économiques proposent à leurs salariés un reclassement dans des conditions qui ne sont pas conformes à la dignité.

Voilà quelques semaines, nous avions les uns et les autres unanimement jugé inacceptable le comportement d'une entreprise qui avait proposé à neuf salariés un reclassement en Inde, avec un salaire mensuel de 69 euros, soit une somme près de vingt fois inférieure au SMIC !

Face à ces difficultés, le Gouvernement ne peut qu'accueillir avec intérêt les réflexions portées devant le Sénat, comme devant l'Assemblée nationale, par les parlementaires.

Monsieur Adnot, nous avons pris connaissance de la proposition de loi que vous avez déposée.

De même, nous examinons avec un grand intérêt la proposition de loi déposée par les députés François Sauvadet et Philippe Folliot, texte qui a fait l'objet, hier, d'un avis favorable de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale.

Pour conclure, j'ajoute que le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a indiqué qu'il souhaitait que les partenaires sociaux puissent être consultés en amont de l'examen en séance publique de ces propositions de loi.

Au moment où les organisations patronales et syndicales engagent, dans le cadre de l'agenda social pour 2009, un cycle de négociations sur l'emploi, cette consultation apparaît en effet tout particulièrement nécessaire pour qu'une éventuelle modification du code du travail sur cette question des modalités de reclassement fasse l'objet d'un réel consensus social. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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