Question de Mme BOUMEDIENE-THIERY Alima (Paris - SOC-R) publiée le 15/05/2009

Question posée en séance publique le 14/05/2009

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la justice.

Madame la ministre, la dernière mobilisation des syndicats des personnels pénitentiaires démontre le malaise des acteurs du monde carcéral.

M. Charles Gautier. Très juste !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Un accord a été obtenu au forceps, signé dans la douleur par les syndicats ; il ne répond que partiellement aux demandes légitimes des surveillants de prison.

Vous proposez la création de 177 emplois pour l'année 2010 ; mais qu'envisagez-vous pour aujourd'hui ?

Rien ! En tout cas, rien qui garantisse au personnel pénitentiaire de pouvoir exercer sa mission dans le respect de sa dignité et de celle des détenus.

Pis, vous avez l'audace d'imposer un moratoire sur les règles pénitentiaires européennes. Or ni les syndicats ni l'administration pénitentiaire ne vous l'ont demandé. Ce moratoire résulte de votre propre initiative !

C'est une décision irresponsable et dangereuse, en totale contradiction avec la dynamique engagée.

La contradiction devient même schizophrénie. En effet, voilà quelques semaines, le Sénat votait dans l'urgence, pour se conformer aux règles européennes, un projet de loi pénitentiaire. Or, ce texte ne sera examiné par l'Assemblée nationale qu'en octobre.

Le projet contient de nombreuses avancées. Il améliore la condition de tous ceux qui vivent et travaillent en prison. Il assure la dignité et la sécurité et répond aux problèmes de surpopulation grâce aux aménagements de peine.

Alors pourquoi repousser encore son examen ? Ces réformes sont fondamentales. Si on les gèle, la France s'expose à de nouvelles condamnations devant la Cour européenne des droits de l'homme.

La situation de nos prisons est explosive : la surpopulation atteint un niveau jamais connu auparavant et le nombre de suicides de détenus comme de surveillants connaît un accroissement inquiétant – plus de cinquante pour les quatre premiers mois de l'année – du fait des conditions de vie inhumaines et déplorables. Il est urgent que le Gouvernement prenne ses responsabilités.

Souvent, vous reprochez à la gauche son immobilisme sur cette question.

M. Charles Revet. Sur toutes les questions ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Mme Alima Boumediene-Thiery. Or, elle n'a jamais rempli les prisons par simple affichage politique.

M. Henri de Raincourt. Elle les a vidées !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Au contraire, c'est elle qui, après avoir supprimé la peine de mort et les quartiers de haute sécurité, a autorisé les parloirs libres et l'assistance aux détenus devant la commission de discipline.(Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Christian Cambon. Tout allait bien avec vous !

Mme Alima Boumediene-Thiery. C'est elle qui a créé les secteurs psychiatriques des hôpitaux et les services médico-psychologiques régionaux. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) C'est elle qui a transféré la médecine carcérale à l'Assistance publique. C'est encore elle qui, pour faciliter la réinsertion, a créé les SPIP, les services pénitentiaires d'insertion et de probation. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

C'est toujours elle qui a permis la modernisation du service public pénitentiaire, avec une réorganisation de l'École nationale d'administration pénitentiaire, l'ENAP, pour la formation professionnelle des personnels pénitentiaires.

M. Alain Gournac. Quelle est la question ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Sachez donc que la gauche n'a pas à rougir de sa politique pénitentiaire !

Voici donc ma question, madame la ministre.

Mme Catherine Procaccia. Ah ! Enfin !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Quand et comment entendez-vous mettre en place les règles pénitentiaires européennes et, pour ce faire, quelle concertation prévoyez-vous avec l'administration pénitentiaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC-SPG. –Mme Muguette Dini applaudit également..)


Réponse du Ministère de la Justice publiée le 15/05/2009

Réponse apportée en séance publique le 14/05/2009

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame le sénateur, vous parlez d'irresponsabilité, de schizophrénie et d'absence de dialogue. Pour ma part, je m'en tiens aux faits. (M. Paul Raoult s'exclame.)

Qu'a fait la gauche pour lutter contre la surpopulation carcérale et les conditions indignes qui existent en prison ? (Rien ! sur les travées de l'UMP.) Ces conditions ne datent ni de mai 2007 ni même d'il y a cinq ans ; elles sont nettement antérieures !

M. Christian Cambon. Très bien !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour ma part, je n'entre pas dans les polémiques et je ne donne pas dans la caricature. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Quant aux attaques personnelles, là aussi, cela suffit ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Vous avez eu sans doute de grands ministres, mais, en ce qui nous concerne, nous n'allons pas nous excuser d'améliorer les conditions de détention. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Pierre Michel. On vous demande ce que vous faites !

M. Alain Gournac. Ecoutez la réponse !

M. Yannick Bodin. Mais qu'est-ce que vous faites, vous ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. À cet égard, je rappellerai seulement quelques faits.

Pour améliorer les conditions de détention, il faut, d'une part, construire des places de prison et, d'autre part, aménager les peines, ce qui permet également de lutter contre la récidive et de faciliter la réinsertion des personnes détenues. Ce sont précisément ces objectifs que nous nous sommes fixés.

Or, qu'avez-vous fait au regard de ce que nous avons réalisé ?

Vous parliez de la modernisation du système pénitentiaire. Mais de quand date la dernière loi pénitentiaire ? Elle fut présentée par Albin Chalandon et votée en 1987 ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)

Je me réjouis d'entendre dans cet hémicycle que le projet de loi pénitentiaire, adopté en première lecture par la Haute Assemblée, présente de grandes avancées,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'est pas encore adopté, et vous le savez très bien ! Votre texte est en panne. Vous avez déjà reculé.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. … car cela n'avait pas été le cas lors du débat ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. –Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Christian Cambon. C'est vrai !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas grâce à vous !

M. Simon Sutour. On l'appellera « loi Lecerf » !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ce n'est que la deuxième loi en soixante ans !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et c'est la loi du Sénat, pas la vôtre !

M. le président. Laissez parler Mme le garde des sceaux, mes chers collègues !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il ne fallait surtout pas vous priver de faire une loi pénitentiaire pendant que vous étiez au gouvernement ! (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées de l'UMP.) Mais vous ne l'avez pas fait. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.) Ce sera, je le répète, la deuxième loi en soixante ans !

Albin Chalandon créa, dans le cadre de son programme de construction, 13 000 places de prison ; Édouard Balladur, quant à lui, en réalisa 4 000 (M. Yannick Bodin s'exclame.) et Jean-Pierre Raffarin, 13 200 ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Daniel Raoul. Ce n'est pas ce dernier qui va vous contredire !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Or, mis à part ces programmes de construction, que nous avons initiés, aucun autre n'a été engagé. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Il faut savoir accepter la vérité, même si elle vous fait mal et si vous la recevez comme une injure ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez reculé !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Eh oui, cette vérité est brutale ! Les Français, d'ailleurs, vous ont répondu : ils ne vous ont pas renouvelé leur confiance !

Croyez bien que nous en sommes désolés pour vous… (Sourires sur les travées de l'UMP.) Mais, en ce qui nous concerne, nous ne passons pas notre temps à nous excuser ; nous agissons pour améliorer les conditions de détention !

M. Jean-Pierre Godefroy. Dites plutôt merci au Sénat !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est une contre-vérité ! Vous avez déjà reculé !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Par conséquent, nous poursuivons les programmes de construction. Pour ce qui est des aménagements de peine, ceux-ci n'ont jamais été aussi nombreux. Nous en avons augmenté le nombre de plus de 50 % en moins de deux ans et demi.

M. Paul Raoult. Avec vous, c'est le « tout-répressif » !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Voilà les résultats du Gouvernement en matière de condition pénitentiaire !

Vous donnez des leçons de morale, mais quel est votre bilan en matière pénitentiaire ?

M. Christian Cambon. Zéro !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ils ne sont pas très probants.

M. Yannick Bodin. Et les vôtres ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La surpopulation carcérale a toujours existé. Vous dites que ce n'était pas le cas sous le gouvernement Jospin, mais c'est faux !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Elle n'a jamais été aussi importante que maintenant !

Peut-être, il est vrai, sévissait-elle moins à l'époque, mais, sous ce même gouvernement, la délinquance avait quant à elle explosé ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. –Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Charles Revet. Et voilà la vérité !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est un tissu de contre-vérités !

M. Jean-Pierre Godefroy. Vous vouliez supprimer l'incarcération individuelle !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas favorables à l'impunité et à l'insécurité. Nous voulons que les délinquants soient interpellés, …

M. Yannick Bodin. Plus de 500 000 gardes à vue !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. … que les récidivistes soient condamnés et que les condamnations prononcées soient réellement exécutées. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)

Nous voulons renforcer la sécurité et lutter contre la récidive, ce qui n'est pas votre cas. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Yannick Bodin. C'est un échec !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Bref, nous avons amélioré les conditions d'existence en milieu pénitentiaire par la construction de places de prison – plus de 9 000 en deux ans – et l'augmentation de plus de 50 % des aménagements de peine en moins de deux ans et demi.

S'agissant des règles pénitentiaires européennes, il n'y a pas pour l'instant de moratoire ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Faux !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La demande que vous évoquez émane des syndicats, qui souhaitent que l'on procède à une évaluation, de façon à mettre en œuvre les moyens nécessaires pour une généralisation des règles pénitentiaires européennes. Il ne s'agit pas d'une initiative du Gouvernement.

Je sais que le bilan que nous affichons vous dérange. Nous n'en continuons pas moins à agir. Vous pouvez, quant à vous, continuez à polémiquer. Les Français savent à quoi s'en tenir ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Jean-Pierre Fourcade. Bravo !

M. Charles Revet. Très bien !

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