Question de M. COLLOMBAT Pierre-Yves (Var - SOC) publiée le 02/04/2009

M. Pierre-Yves Collombat appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur l'évolution et l'usage des crédits du conservatoire de la forêt méditerranéenne depuis sa création.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009, le 3 décembre 2008, la question avait été posée au ministre de l'agriculture et de la pêche qui avait promis de faire parvenir une réponse par écrit. Celle-ci ne lui est toujours pas parvenue à ce jour, malgré un courrier de rappel du 4 février 2009. Il espère donc que le M. le ministre de l'agriculture et de la pêche voudra bien se déplacer au Palais du Luxembourg malgré son emploi du temps chargé, afin de lui apporter sa réponse.

- page 786


Réponse du Ministère de l'agriculture et de la pêche publiée le 13/05/2009

Réponse apportée en séance publique le 12/05/2009

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la question n° 507, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, ma question porte sur l'évolution des crédits alloués au Conservatoire de la forêt méditerranéenne, le CFM, et sur l'usage qui en est fait.

Je vous avais déjà interrogé à ce sujet lors de la discussion budgétaire, comme je l'avais fait avec vos prédécesseurs. Jusqu'à présent, je n'ai obtenu qu'une réponse rhétorique. J'espère donc qu'il en ira différemment ce matin.

Pour son premier exercice, en 1987, le CFM disposait d'un budget de 100 millions de francs, alimenté par des ressources propres : une taxe nouvelle sur les briquets et une hausse de la fiscalité sur les tabacs. Ces 100 millions de francs de 1987 représentent 22,8 millions d'euros en 2009, soit presque trois fois plus que les 8 millions d'euros budgétisés cette année. En conclusion, les deux tiers de ces fonds servent à autre chose qu'à la préservation de la forêt méditerranéenne.

Il s'agit là d'un premier détournement.

Second détournement : l'essentiel des ressources résiduelles a été affecté à un autre objet que celui qui était assigné au CFM lors de sa création, à savoir financer, en partenariat avec les collectivités locales, dans quinze départements du sud de la France, les travaux de défense des forêts contre l'incendie, DFCI, – pistes, pare-feux, coupures agricoles, etc. –, leur entretien, et préfinancer l'exécution d'office du débroussaillement obligatoire, qui relève de la responsabilité des maires.

Comme l'observait déjà la Cour des comptes dans son rapport de l'année 2000, ces ressources servent aujourd'hui à financer tout autre chose : le carburant de la surveillance aérienne, des patrouilles et des guets, l'achat de véhicules ou des constructions. Entre 2003 et 2007, pour 90 %, ces crédits ont financé des missions à la charge de l'État et, pour 10 %, des opérations concernant directement les collectivités.

Or la plupart des communes forestières, qui sont des communes rurales, n'ont les moyens ni de préfinancer le débroussaillement d'office ni de faire face aux obligations découlant des plans de protection des risques d'incendies de forêts, les PPRIF, qui leur sont imposés.

Lors de la discussion budgétaire, j'avais évoqué l'exemple de la commune varoise de Collobrières, que je connais bien, située au cœur du massif des Maures, et qui compte un peu plus de 1 700 habitants. À Collobrières, le simple entretien des pare-feu et des pistes de DFCI coûterait 300 000 euros par an, soit 15,5 % du budget de fonctionnement de la commune. Je vous laisse deviner le coût des investissements imposés par les PPRIF aux 17 communes varoises concernées par cette obligation !

J'ai donc deux questions à vous poser, monsieur le ministre.

Premièrement, estimez-vous légal ce détournement massif de deux tiers des ressources attribuées en propre au CFM lors de sa création vers d'autres missions que la protection de la forêt méditerranéenne ?

Deuxièmement, s'agissant des crédits résiduels, qui relèvent de votre responsabilité directe, envisagez-vous de les réorienter, conformément à la vocation du CFM, vers le financement d'opérations menées en partenariat avec les communes, notamment pour leur permettre de faire face aux obligations découlant des PPRIF qui leur sont imposés ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, je vous remercie d'aborder de nouveau ce sujet.

Comme vous l'avez rappelé, le CFM a été créé en 1987. Dans la mesure où je ne suis en fonctions que depuis deux ans, il serait sans doute injuste de me rendre seul fautif d'une évolution budgétaire que vous avez qualifiée de détournement et aux termes de laquelle les fonds initialement prévus ont été consacrés à d'autres actions que celles en faveur desquelles ils étaient destinés. Depuis 1987, de nombreux gouvernements, de droite et de gauche, se sont succédé, et chacun doit sans doute assumer une part de responsabilité dans cette situation. Néanmoins, je prends note de vos propos, qui m'offrent l'occasion de revenir sur un certain nombre de points.

À la suite de votre première interpellation du 3 décembre dernier, je vous avais écrit en mars, comme je m'y étais engagé, pour vous apporter quelques précisions, que je suis heureux de compléter aujourd'hui.

À cette occasion, je vous ai confirmé que, en dépit de la diminution globale des crédits qui lui sont consacrés, la dotation réservée en 2009 aux actions de DFCI en zone méditerranéenne a été maintenue à un niveau à peu près équivalent à ce qu'elle était en 2008, soit 8,9 millions d'euros contre 9,1 millions d'euros.



Le Conservatoire de la forêt méditerranéenne est un instrument financier particulier qui a été mis en place en 1987, lorsque le ministère de l'agriculture et de la pêche a dégagé des moyens financiers supplémentaires pour la prévention des incendies de forêts à la suite des très graves incendies de l'été 1986.

Le CFM est venu compléter la gamme des outils de financement dont disposait déjà le ministère en matière de prévention des incendies de forêts : les contrats de projets État-région, la convention cadre avec l'Office national des forêts ou les conventions annuelles avec les départements dotés d'unités de forestiers-sapeurs.

Les capacités d'expertise que nous avons accumulées à la suite de ces grands incendies sont également mises à contribution dans le cadre des actions de coopération menées à l'étranger, par exemple en Grèce, où je me suis rendu voilà deux ans, après les dramatiques incendies qui ont touché ce pays.

Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi organique de 2001 relative aux lois de finances, les crédits du CFM relevaient d'une ligne budgétaire spécifique du ministère. Depuis, la programmation de ces crédits est déléguée par le ministère au préfet de la zone de défense sud, qui est chargé de l'harmonisation et de la coordination des politiques de prévention et de lutte contre l'incendie dans les quinze départements méditerranéens. Monsieur Collombat, ces crédits, désormais inclus dans le budget opérationnel de programme déconcentré « Forêt », ont été, comme je vous l'avais indiqué, maintenus en 2009 à un niveau équivalent à celui de 2008.

Vous m'interrogez aujourd'hui sur l'utilisation de ces crédits. À cet égard, plusieurs points méritent d'être confirmés devant la Haute Assemblée.

Les priorités de la programmation annuelle du Conservatoire sont fixées après avis du Conseil d'orientation de la forêt méditerranéenne, qui est présidé par le préfet de la zone de défense sud et qui rassemble l'ensemble des intervenants dans la prévention des incendies de forêts, notamment les collectivités territoriales et les services des autres ministères.

Ces dépenses doivent toutefois être éligibles à la liste arrêtée par circulaire du 2 juillet 2007 : prévision et connaissance de l'aléa ; stratégie, coordination et harmonisation ; surveillance ; équipements de défense des forêts contre les incendies ; traitement des causes ; prévention des dommages ; information et formation ; recherche et expérimentation.

En matière d'équipements de défense des forêts contre les incendies, le Conservatoire de la forêt méditerranéenne participe aux investissements, mais le financement de l'entretien incombe aux maîtres d'ouvrage.

En ce qui concerne la prévention des dommages, le Conservatoire ne finance pas les travaux de prévention rendus obligatoires. Il apporte son expertise ou son concours aux préfets, mais son rôle s'exerce dans les limites des dispositions du code forestier, qui stipule que le maire est chargé du contrôle des débroussaillements obligatoires.

Enfin, les mesures de prévention décidées dans le cadre des plans de prévention des incendies de forêts concernant les zones urbanisées sont quant à elles éligibles au Fonds de prévention des risques naturels majeurs, géré par le ministère de l'écologie, qui est responsable de la mise en œuvre de ces plans.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments complémentaires que je pouvais vous apporter. J'espère qu'ils répondront, au moins partiellement, à vos interrogations et qu'ils vous rassureront quant à la mobilisation du ministère de l'agriculture et de la pêche en faveur de la prévention des incendies de forêts dans la zone méditerranéenne. Cette mobilisation demeure entière. Nous travaillons non pas de façon isolée, mais avec d'autres administrations, les collectivités locales, qui sont en première ligne sur le terrain, et de nombreuses associations, ainsi que les sapeurs-pompiers, volontaires ou professionnels.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, je vous concède bien volontiers que vous n'êtes pas responsable de tout. Néanmoins, vous êtes complice, et l'existence de circonstances atténuantes ne vaut pas absolution !

Cela étant, j'apprécie que vous soyez venu au Sénat ce matin, malgré votre emploi du temps chargé, pour répondre personnellement à ma question. Je salue cet effort, que tous vos collègues ne consentent pas…

Sur le fond, toutefois, votre réponse ne comportait pas d'élément nouveau. Vous avez rappelé ce qui se passait, or c'est précisément ce qui se passe qui me chagrine !

Les élus qui participent qui participent au Conseil d'orientation de la forêt méditerranéenne se plaignent d'être considérés comme des plantes vertes – forestières ! – et de ne pas avoir voix au chapitre. En réalité, le préfet de région fait ce qu'il veut, à savoir détourner les crédits – je maintiens le mot – au bénéfice de missions d'État qui ne sont pas celles en vue desquelles le Conservatoire de la forêt méditerranéenne avait été créé, voilà déjà longtemps, par Jacques Chirac. Il s'agit en effet d'un dossier transpolitique.

Monsieur le ministre, vous ne serez sans doute plus en fonctions dans quelque temps, mais j'insiste sur le fait que la forêt méditerranéenne exige une action sur le long terme. Il faut s'appuyer sur les communes, en les aidant à conduire des actions qui relèvent certes de leur responsabilité, mais qu'elles n'ont pas, aujourd'hui, les moyens de financer.

- page 4341

Page mise à jour le