Question de M. DAUNIS Marc (Alpes-Maritimes - SOC) publiée le 26/03/2009
M. Marc Daunis attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur les difficultés juridiques et financières causées par le risque d'éboulement et de chutes de pierres provenant du domaine communal ou de propriétaires privés riverains de voies routières. Il s'avère que les sociétés gestionnaires de voies privées, comme la Société nationale des chemins de fer ou les sociétés gestionnaires d'autoroutes mettent très régulièrement en cause, au titre du code civil, des pouvoirs de police et du code des collectivités territoriales, la responsabilité des communes. Les propriétaires riverains et les communes elles-mêmes se trouvent parfois dans l'incapacité financière d'exécuter les travaux qui par ailleurs bénéficient au seul tiers exploitant. Les conséquences financières s'avèrent la plupart du temps sans commune mesure avec les moyens dont disposent ces collectivités. Enfin, les élus locaux, surchargés par un travail de plus en plus complexe et soumis à l'érosion des moyens mis à leur disposition en raison du désengagement progressif des services déconcentrées de l'État dans l'aide à la gestion et à la prise de décision, craignent de plus en plus la multiplication des contentieux et l'éventuelle mise en cause de leur responsabilité pénale. Il souhaiterait connaître la position du Gouvernement à ce sujet et les mesures législatives et réglementaires qu'il compte mettre en œuvre en la matière.
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Réponse du Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales publiée le 04/11/2010
Les routes, dès lors qu'elles sont surplombées par des falaises ou des massifs rocheux, sont particulièrement exposées aux phénomènes naturels que sont les éboulements ou les chutes de pierres et de rochers. Les dommages et accidents causés aux véhicules par ces éboulements relèvent des dommages de travaux publics (CAA Paris, 20 février 1990, Sciluna). Lorsqu'une route est jugée exceptionnellement dangereuse, notamment en ce que sa conception ou sa situation exposent ses utilisateurs à des risques naturels d'une exceptionnelle gravité, la responsabilité de la collectivité territoriale propriétaire, à qui incombe la gestion et l'entretien de cet ouvrage, est engagée sur le terrain du risque, même en l'absence d'un défaut d'aménagement ou d'entretien normal (CE, 6 juillet 1973, M. Dalleau). La jurisprudence retient deux critères pour apprécier le caractère exceptionnellement dangereux d'un ouvrage routier : la continuité du risque et la fréquence des accidents survenus par le passé. Toutefois, dans sa décision du 5 juin 1992, Mme Cala, le Conseil d'État a précisé que la situation de dangerosité, qui se retrouve relativement fréquemment en certaines régions au relief accidenté, s'oppose à ce que les risques qui en découlent soient, malgré leur gravité, qualifiés d'exceptionnels. Il en résulte que les utilisateurs des routes de montagne doivent assumer une part de risque considérée comme « normale » (CAA Lyon, 30 janvier 1997, Théraube). En ce qui concerne les routes sur lesquelles se sont produites des chutes de pierres, mais qui ne peuvent être qualifiées pour autant d'exceptionnellement dangereuses, l'indemnisation des dommages causés par ces chutes n'est accordée que si la collectivité territoriale mise en cause ne peut démontrer qu'elle a assuré un entretien normal de la voie. Le juge vérifie notamment la présence d'ouvrages destinés à parer ou à prévenir les chutes de pierre, tels que mur de soutènement, grilles ou filets, ainsi que la signalisation (CE, 1er décembre 1982, M. Lebihan). Toutefois, le coût élevé et la difficulté technique de l'édification de ces ouvrages peuvent exonérer la collectivité territoriale de l'obligation de mettre en place ces protections (CE, 20 mars 1987, Cts Garzino), notamment si la portion de route exposée à des risques de chutes de pierre s'avère particulièrement longue (CAA Lyon, 30 janvier 1997, Théraube). En revanche, la faute de la collectivité territoriale est reconnue en cas d'insuffisance ou du mauvais état d'entretien des ouvrages de prévention des éboulements (CAA Lyon, 8 mars 1993, Département de la Savoie). La responsabilité de la commune peut également être recherchée au titre de la faute commise dans l'exercice de ses pouvoirs de police. En effet, le maire, chargé de la police municipale en vertu de l'article 2212-2 (5°) du code général des collectivités territoriales, a pour mission « de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux (...), les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches et autres accidents naturels... ». La méconnaissance de cette obligation est susceptible d'engager la responsabilité de la commune dès lors que le maire aurait commis, dans l'exercice de la police municipale, une faute caractérisée. Il importe de noter que la faute est écartée dès lors que le maire interdit la fréquentation de la zone dangereuse (CE, 25 novembre 1983, Mme Sice). La commune peut, en outre, voir sa responsabilité recherchée au titre de son patrimoine immobilier privé, en application de l'article 1384 du code civil. La responsabilité de la commune est alors identique à celle d'un propriétaire foncier, sous réserve que la cause du sinistre ne soit pas extérieure à l'immeuble. Dans ce cas, la souscription d'une police d'assurance peut également être envisagée. La responsabilité d'une commune peut également être engagée par les usagers de ses voies de communication, lorsqu'un usager est victime d'une chute de pierres, sur le fondement de la théorie des dommages de travaux publics. Ces accidents ne donnent lieu à l'indemnisation des dommages que si la collectivité mise en cause ne parvient pas à démontrer l'entretien normal de la voie. L'absence d'ouvrages destinés à parer ou à prévenir les chutes de pierres, tels que les murs de soutènement, grilles ou filets, ne suffit pas à établir le défaut d'entretien normal. Le coût élevé et la difficulté technique de l'édification de ces ouvrages peuvent, en effet, libérer l'administration de l'obligation de les mettre en place. La présence d'une signalisation appropriée fait partie des mesures d'entretien des voies de nature à exonérer le maître de l'ouvrage routier de sa responsabilité. Enfin, en ce qui concerne la responsabilité pour des chutes de pierres ou des glissements de terrain concernant des ouvrages publics n'appartenant pas à la commune (autoroutes ou voies ferrées), ce sont les propriétaires de ces infrastructures qui voient éventuellement leur responsabilité engagée en cas d'accident. De ce fait, il appartient au gestionnaire de l'ouvrage de mettre en oeuvre, en collaboration avec la commune, les mesures de précaution nécessaires. En cas d'accident causé par une chute de pierres, le maître de l'ouvrage ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant l'absence de mesure prise par le maire de la commune. Seules des circonstances assimilables à un événement de force majeure sont de nature à exonérer le propriétaire de sa responsabilité (CE, 26 novembre 1975, Société coopérative départementale d'HLM de l'Ain ; 4 juillet 1980, commune de Laissey). Il apparaît donc que ce type de contentieux reste largement encadré par la jurisprudence. À ce jour, il n'est pas envisagé d'introduire des dispositions législatives ou réglementaires particulières dans ce domaine.
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