Question de M. PINTON Louis (Indre - UMP) publiée le 05/02/2009

M. Louis Pinton attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur l'impossibilité à laquelle se heurtent certaines personnes de régler leurs achats en espèces. En effet, les modes de paiement électronique sur lesquels s'appuient la vie économique et l'activité commerciale (cartes bancaires, « Monéo », etc...) tendent à se généraliser et à s'imposer sans toujours offrir d'alternative au consommateur. Pour des raisons d'ordre divers, certains particuliers sont dans l'incapacité de détenir une carte bancaire ou tout autre moyen de paiement dématérialisé et disposent exclusivement d'espèces pour régler les frais de leur vie quotidienne. Qu'ils soient frappés d'interdit bancaire, placés sous tutelle ou curatelle ou encore bénéficiaires du RMI et se voient à ce titre refuser l'ouverture d'un compte en banque, et donc la délivrance d'une carte bleue, ces usagers sont considérablement gênés. Or, aux termes de l'article R.162-2 du code monétaire et financier : « Le fait de refuser de recevoir des pièces de monnaie ou des billets de banque ayant cours légal en France selon la valeur pour laquelle ils ont cours est réprimé conformément à l'article R. 642-3 du code pénal ». Pourtant, de plus en plus de prestataires de services imposent le règlement par carte bancaire ou du type « Monéo » : pompes à essence en libre service, horodateurs, et jusqu'à certaines caisses de supermarchés. Ce phénomène a beau prendre de l'ampleur, les entreprises fautives sont rarement dénoncées, et les sanctions pénales dont elles sont passibles ne sont pas appliquées. La situation de précarité et de vulnérabilité des personnes concernées ne les incitent guère à alerter la justice et les quelques tribunaux saisis ont une appréciation divergente de la loi. En conséquence, il lui demande quelles mesures concrètes elle entend mettre en œuvre afin de remédier à un état de fait abusif, contraire au droit et pénalisant pour les catégories les plus défavorisées de consommateurs.

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Réponse du Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi publiée le 26/11/2009

Le code monétaire et financier (Comofi) et le code pénal prévoient que le refus d'accepter des pièces de monnaie ou des billets de banque ayant cours légal en France selon la valeur pour laquelle ils ont cours est puni de l'amende prévue pour les contraventions de 2e classe (article R. 162-2 du Comofi et R. 642-3 du Code pénal). L'article L. 112-5 du Comofi prévoit toutefois, en cas de paiement en billets et pièces, qu'il appartient au débiteur de faire l'appoint. En outre le règlement (CE) n° 974/98 du Conseil du 3 mai 1998 concernant l'introduction de l'euro et qui est d'application directe en France, prévoit, en son article 11, que « nul n'est tenu d'accepter plus de cinquante pièces lors d'un seul paiement ». Depuis quelques mois, la France participe aux travaux de réflexion organisés par la Banque centrale européenne et la Commission européenne sur le cours légal de l'euro. Ces travaux visent notamment à établir un état des lieux sur la façon dont les Etats membres de la zone euro protègent le cours légal de l'euro et analyser si des mesures complémentaires sont nécessaires au niveau européen. La jurisprudence a admis plusieurs fois que refuser des espèces pouvait être légitimement commandé par des motifs d'ordre public ou pour des raisons techniques. C'est ainsi qu'elle a reconnu, à plusieurs reprises, que des commerçants ou des dispositifs pouvaient refuser le paiement direct en espèces pour des motifs d'ordre public (sécurité, protection contre des actes de vandalisme, horaires de nuit). Plusieurs décisions de la chambre criminelle de la Cour de Cassation ont indiqué que « des impératifs techniques peuvent commander l'emploi de certains moyens de paiement parmi ceux ayant cours légal sans pour autant que l'impossibilité d'utiliser certaines pièces ou billets puisse être considérée comme constituant le refus sanctionné par l'article R. 642-3 du nouveau code pénal » ou « que le développement d'une criminalité organisée spécialisée dans le pillage des horodateurs » pouvait rendre nécessaire l'abandon du paiement en espèces (Cour de Cassation-chambre criminelle 11 juin 1992, 19 janvier 1994, 1er février 2000). Un arrêt du 26 avril 2006 précise que « l'instauration d'un système de règlement exclusivement au moyen d'une carte prépayée, qui répond à l'objectif d'intérêt public de sécuriser les horodateurs contre le vol, n'apparaît pas imposer aux usagers d'autre contrainte que celle d'en faire l'acquisition auprès des buralistes, laquelle s'opère par tout moyen de paiement, incluant les pièces de monnaie et les billets de banque ayant cours légal ; cette seule circonstance ne pouvant être considérée comme imposant des sujétions apparaissant disproportionnées par rapport au but légitime en vue duquel cette mesure a été prise par l'autorité publique ». L'accès des personnes en difficulté ou fragiles aux services bancaires et aux moyens de paiement modernes a fait l'objet d'engagements dans le cadre du comité consultatif du secteur financier (CCSF) et d'interventions des pouvoirs publics. Ainsi, depuis 2005, selon les engagements pris devant le CCSF, les banques ont proposé des gammes de moyens de paiement alternatifs au chèque à leurs clients dépourvus de chéquier pour un montant modéré, leur permettant de régler leurs dépenses courantes sans difficulté. Le contenu de ces gammes est variable d'un établissement à l'autre mais comprend toujours des virements, des prélèvements, des titres interbancaires de paiement ainsi qu'une carte de paiement à autorisation systématique. Pour les personnes dépourvues d'un compte de dépôt, qui ne peuvent obtenir l'ouverture d'un compte auprès de l'établissement de leur choix, elles peuvent saisir la Banque de France qui désignera un établissement bancaire qui leur ouvrira un compte et offrira des services bancaires de base associés dans les conditions prévues aux articles D. 312-5 et D. 312-6 du Comofi. Depuis le 1er janvier 2009, en application de l'article 145 de la loi de modernisation de l'économie, la procédure est simplifiée et les délais réduits : les formalités auprès de la Banque de France peuvent être réalisées pour une personne physique, avec son accord, par l'établissement de crédit qui vient de refuser l'ouverture du compte. Par ailleurs, la Banque de France dispose d'un délai d'un jour ouvré à compter de la réception des pièces requises pour la désignation de l'établissement devant ouvrir un compte. La loi de modernisation complète le dispositif en prévoyant l'adoption par l'association française des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (AFECEI) d'une charte destinée à renforcer l'effectivité de la procédure du droit au compte. Cette charte a été homologuée par arrêté ministériel du 18 décembre 2008 (Journal officiel du 26 décembre 2008). Cette charte comporte des compléments aux dispositions légales et réglementaires qui visent à faciliter d'un point de vue pratique l'accueil des bénéficiaires de la procédure et le traitement rapide de leur demande de désignation d'un établissement bancaire teneur de compte. Cette charte a été diffusée à l'ensemble des établissements de crédit qui doivent l'appliquer depuis le 1er janvier 2009. Le contrôle de son respect sera effectué par la Commission bancaire, conformément à la procédure prévue à l'article L. 613-15 du code monétaire et financier. La fédération bancaire française (FBF) a par ailleurs rappelé à ses adhérents ce dispositif relatif au droit au compte et la nécessaire information des réseaux pour une bonne application en agence. La FBF a mis en ligne cette charte sur ses sites internet (www.fbf.fr et www.lesclesdelabanque.com) en complément d'un mini guide d'information pratique à destination du grand public.

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