Question de M. DUFAUT Alain (Vaucluse - UMP) publiée le 15/01/2009

M. Alain Dufaut attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation préoccupante des avoués et des personnels de leurs études face à la réforme de leur profession.

De nombreux courriers de parlementaires étant restés sans réponse précise, il serait urgent qu'une bonne fois pour toutes les avoués connaissent avec précision les conséquences et les mesures d'accompagnement de cette réforme.

Lorsque le porte–parole du ministère indique que « cette réforme importante … ne lèsera personne », est-il conscient que les avoués dans le cadre d'un nouvel exercice professionnel (débutant) ne pourront escompter les mêmes revenus qu'aujourd'hui puisqu'ils n'auront pas de clientèle propre à exploiter et que leur outil de travail sera détruit ;

que les avoués ne pourront conserver leurs salariés dans le cadre d'une éventuelle activité d'avocat car, comme démontré et admis, les ratios en besoin de personnel pour le métier d'avocat sont de 0,5 secrétaire pour un avocat, au lieu de cinq à six secrétaires pour un avoué. Il y aura donc des chômeurs puisque l'État ne veut pas intégrer ces salariés dans les greffes qui en ont pourtant besoin.

que les avoués ne connaissent pas leur nouveau métier d'avocat et qu'il n'y a aucune place pour de nouveaux impétrants, sans clientèle, sans expérience et alors que le contentieux se réduit de manière draconienne et qu'en outre nos concitoyens justiciables doivent faire face à une crise économique qui les prive de capacités financières suffisantes à engager ou à poursuivre des procès ;

que les avoués vont subir un triple préjudice pour perte du droit de présentation (créance sur l'État remontant à 1816), préjudice professionnel et préjudice de fonction pour suppression de leur fonction et de leur métier, dont l'existence a été démontrée par une étude d'un ancien conseiller d'État dans un rapport remis le 14 octobre dernier aux services du ministère, alors que la Chancellerie n'indemniserait que le droit de présentation avec une réfaction illégitime et injustifiable entre 10 et 30 %, aboutissant à spolier les avoués de la majeure partie de leur préjudice ;

que les avoués seront obligés de prendre en charge le coût du licenciement de leur personnel, conséquence de la liquidation des offices du fait de la suppression de la fonction d'avoué près la Cour, alors que la Chancellerie refuse de confirmer officiellement la création d'un plan social ad hoc et voudrait que les avoués fassent l'avance des indemnités de licenciement, avec la crainte que le remboursement soit imputé sur l'indemnisation du droit de présentation… ;

que les avoués sont également dans l'obligation de prendre en charge les dépenses nécessaires à la liquidation des offices comme le coût du retour des dossiers auprès des justiciables : rapatriement des dossiers externalisés par transporteurs, mise sous pli, affranchissement, main d'œuvre,…, sans oublier le coût de la rupture anticipée de tous les contrats en cours, la remise en état des locaux loués etc … ?

Enfin, de quoi vivront les avoués durant le temps nécessaire à la liquidation des offices (environ un an) ?

Face à ces sept constats qui sont autant de questions vitales pour la profession, il est impératif d'apporter des réponses précises.

Et, si la réforme doit être faite, bien qu'aucune étude d'impact n'ait été réalisée en amont, alors il faudra que les avoués soient indemnisés pour l'ensemble des préjudices évoqués ci-dessus, et ce préalablement à la date à laquelle la réforme devrait entrer en vigueur, c'est-à-dire le 1er janvier 2010.

Il souhaiterait donc avoir des réponses précises sur les points évoqués et connaître le détail des légitimes compensations et indemnités que la profession est en droit de revendiquer si la réforme va à son terme.

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Erratum : JO du 26/03/2009 p.771


Réponse du Ministère de la Justice publiée le 19/03/2009

La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la décision prise par le Gouvernement d'unifier les professions d'avocat et d'avoué vise essentiellement à simplifier l'accès à la justice en appel, mais aussi à assurer le respect de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, qui doit être transposée avant la fin de l'année 2009. Le Parlement sera appelé à se prononcer sur ce projet, qui pourrait prendre effet le 1er janvier 2010. Dans cette perspective, une concertation a été engagée avec les avoués et leurs représentants et avec les représentants de leurs salariés afin qu'il soit tenu le plus grand compte de leurs observations dans sa mise en oeuvre. Dans un premier temps, un haut magistrat spécialement missionné, M. Michel Mazard, avocat général à la Cour de cassation, a rencontré, pendant plusieurs mois, les représentants des avoués et de leurs salariés dans la France entière, pour les écouter. Cette concertation était un préalable indispensable à la discussion qui vient de s'engager avec la profession sur les mesures concrètes qu'il convient d'envisager. Une première réunion d'information, le 5 février 8009, a permis à M. François Seners, le directeur du cabinet, d'exposer au président de la Chambre nationale des avoués, Me François Grandsard, les grands axes des conditions de mise en oeuvre de l'ensemble du dispositif législatif et réglementaire nécessaire à la réforme. Une nouvelle réunion s'est tenue au cabinet avec les représentants des salariés. Il est procédé à une évaluation approfondie de l'ensemble des conséquences de la réforme, tant pour les avoués et pour leurs salariés que pour les cours d'appel et les justiciables. Les avoués seront indemnisés pour la perte de la charge qu'ils ont acquise et qu'ils ne pourront plus céder. Le montant de cette indemnisation doit encore donner lieu à des échanges de vues afin qu'il soit équitable. Il convient notamment de prendre en compte la diversité des situations qui se présentent afin d'adapter le montant de cette compensation financière à la mesure des difficultés de chacun des avoués. Ceux-ci pourront devenir automatiquement avocats s'ils le souhaitent et pourront ainsi continuer à faire bénéficier leurs clients de leurs compétences et de leur expérience des procédures judiciaires. Pour ceux qui ne le souhaiteraient pas, les voies d'accès aux autres professions judiciaires et juridiques et celles permettant d'intégrer la magistrature, seront améliorées. Il a été évoqué avec la Chambre nationale des avoués la possibilité d'instituer une période transitoire, de nature à faciliter leur transition professionnelle. Le principe n'en n'est pas arrêté, ce sujet étant ouvert à la réflexion et à la concertation. Le fonctionnement des cours d'appel ne devant pas être affecté par l'extension à tous les avocats de leur ressort de la faculté de s'adresser à elles, il a été décidé de rendre obligatoire l'introduction de l'instance par voie électronique devant cette juridiction. Les expérimentations actuellement conduites seront généralisées ; un avant-projet de décret en ce sens a été adressé pour avis aux représentants des avoués et des avocats. Tout sera également mis en oeuvre pour que les 1 862 collaborateurs des avoués trouvent leur place dans cette nouvelle organisation ou bénéficient d'une aide personnalisée pour une reconversion professionnelle. Il sera procédé très prochainement à l'installation d'une commission tripartite composée de représentants de l'État, des employeurs et des salariés, chargée de préparer une convention relative aux mesures qui permettront de faciliter cette reconversion pour ceux des salariés des offices dont le licenciement ne pourra être évité. Un accompagnement personnalisé de chacun d'eux sera effectif dans chacune des cours d'appel.

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