Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 18/12/2008

M. Yves Détraigne attire l'attention de M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique sur la situation difficile et paradoxale dans laquelle peuvent se retrouver certaines collectivités territoriales pour l'équilibre des budgets de leurs services publics industriels et commerciaux.

L'instruction budgétaire M4 oblige, en effet, les collectivités qui gèrent un service public industriel et commercial tel qu'un service d'assainissement ou un service de distribution d'eau potable, à constituer des dotations d'amortissement en vue de provisionner le remplacement des ouvrages et équipements affectés au service. Cela correspond à une opération d'ordre budgétaire qui se traduit par une dépense en section d'exploitation et une recette du même montant en section d'investissement.

Afin de pouvoir réaliser ces opérations d'ordre, qui sont strictement encadrées et obligatoires, les collectivités peuvent se trouver contraintes d'augmenter les redevances qui alimentent leur budget alors même qu'elles n'ont pas de dépenses nouvelles à couvrir. Elles accumulent ainsi, en section d'investissement, des réserves importantes alors qu'elles peuvent, dans le même temps, avoir des difficultés à équilibrer les opérations réelles de la section d'exploitation du même budget.

Dans la mesure où la section d'exploitation doit être équilibrée par le seul moyen de la redevance payée par l'usager et qu'il n'est pas possible juridiquement de faire des reprises sur les excédents de la section d'investissement afin d'équilibrer la section d'exploitation, certaines collectivités n'ont pas d'autre choix pour répondre aux impératifs de l'instruction budgétaire M4 que d'augmenter, chaque année, le montant de la redevance réclamée aux usagers alors même que le budget du service accumule les excédents.

Il souhaite donc l'alerter sur cette situation difficile à justifier dans le contexte économique et social actuel et lui demande de modifier l'instruction budgétaire et comptable M4 dans un sens plus réaliste, par exemple en autorisant, dans certains cas, les collectivités à différer la constitution de certaines dotations d'amortissement ou à reprendre en section de fonctionnement les excédents accumulés en section d'investissement.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la fonction publique publiée le 28/01/2009

Réponse apportée en séance publique le 27/01/2009

La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 370, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Yves Détraigne. Je souhaite appeler l'attention du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique que vous représentez, monsieur le secrétaire d'État, sur la situation difficile et paradoxale dans laquelle se retrouvent certaines collectivités territoriales pour équilibrer les budgets de leurs services publics industriels et commerciaux.

En effet, l'instruction budgétaire M4 contraint les collectivités qui gèrent un service public industriel et commercial, tel un service d'assainissement ou un service de distribution d'eau potable, à constituer des dotations d'amortissement en vue de provisionner le remplacement des ouvrages et équipements affectés au service. Sur le principe, cela n'est pas contestable, car il s'agit d'une opération d'ordre budgétaire qui se traduit par une dépense en section d'exploitation et une recette du même montant en section d'investissement.

Afin de pouvoir réaliser ces opérations d'ordre, qui sont strictement encadrées et obligatoires, les collectivités peuvent parfois être obligées d'augmenter les redevances qui alimentent leur budget, sans avoir de dépenses nouvelles à couvrir. Elles accumulent ainsi, en section d'investissement, des réserves importantes. Dans le même temps, il leur arrive d'avoir des difficultés à équilibrer les opérations réelles de la section d'exploitation du budget en question.

Dans la mesure où la section d'exploitation doit être équilibrée par le seul moyen de la redevance payée par l'usager – ainsi, les collectivités de plus de trois mille habitants ne peuvent pas verser de subvention du budget principal vers le budget d'un service public industriel et commercial –, donc dans la mesure où il n'est pas possible juridiquement de faire des reprises sur les excédents de la section d'investissement afin d'équilibrer la section d'exploitation, certaines collectivités, dont la mienne, n'ont pas d'autre choix, pour répondre aux impératifs de l'instruction budgétaire M 4, que d'augmenter, chaque année, le montant de la redevance réclamée aux usagers, alors même que le budget du service accumule des excédents et qu'aucun service supplémentaire n'est apporté.

Cette situation est, vous en conviendrez, difficile à justifier dans le contexte économique et social actuel. Je souhaiterais donc savoir si l'instruction budgétaire et comptable M 4 ne pourrait pas être modifiée dans un sens plus réaliste, en autorisant, par exemple, sous certaines conditions, les collectivités à différer la constitution de dotations d'amortissement ou à reprendre en section de fonctionnement les excédents accumulés en section d'investissement dont elles n'ont pas l'usage.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence d'Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui ne pouvait être présent ce matin.

Vous avez appelé son attention sur l'instruction comptable relative aux services publics industriels et commerciaux, les SPIC.

Ces derniers, qui interviennent dans un champ d'action ouvert à la concurrence, doivent logiquement tenir une comptabilité conforme aux principes fixés par le plan comptable général appliqué par les entreprises privées.

La réglementation budgétaire et comptable actuelle applicable aux SPIC est conforme à l'objet de ces services, aux principes de respect des règles de concurrence et de sincérité budgétaire et comptable.

Le financement de l'activité de ces SPIC est assuré par une redevance perçue auprès des usagers. Cela implique donc de déterminer le coût complet des services rendus à ces derniers, lequel inclut obligatoirement l'amortissement des équipements affectés à la réalisation des prestations qui sont la contrepartie de la redevance.

L'instruction budgétaire et comptable M 4 ne fait que reprendre cette obligation d'amortissement de tous les biens inscrits à l'actif des services publics industriels et commerciaux, à l'exception de ceux que leur nature exclut du champ de l'amortissement, à savoir essentiellement les terrains.

Méconnaître l'obligation d'amortir, ou encore différer la constatation des amortissements, serait donc source de distorsion de concurrence et d'insincérité des comptes des SPIC ; je sais que je m'adresse à un conseiller de chambre régionale des comptes.

Par ailleurs, la constatation des amortissements a un impact budgétaire. Elle crée une charge d'exploitation, mais également une recette d'investissement. Elle constitue donc une ressource provenant directement de l'exploitation du service. Elle permet, dans la majorité des cas, de financer soit de nouvelles dépenses d'investissement – acquisition ou renouvellement de biens –, soit le remboursement des emprunts contractés par le service.

La situation spécifique évoquée - suréquilibre de la section d'investissement dû à la constatation des amortissements -, qui vous touche tout particulièrement, monsieur le sénateur, implique que le SPIC en cause ait totalement autofinancé l'acquisition de ses biens, qu'il ne procède pas à de nouvelles dépenses d'investissement et qu'il ait peu de dettes.

Cette configuration est atypique et ne peut donc justifier, à elle seule, la création d'une autorisation générale de reprise d'un excédent d'investissement en section d'exploitation.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. La réponse que vous m'avez faite, monsieur le secrétaire d'État, est tout à fait orthodoxe sur le plan comptable. En matière budgétaire, vous qui êtes maire, vous savez la difficulté de faire passer auprès du contribuable le message selon lequel on va augmenter la redevance non par manque d'argent, mais au nom de normes comptables qui obligent à constituer des excédents en section d'investissement et empêchent ainsi d'équilibrer la section de fonctionnement.

Cela pose un vrai problème dans le contexte actuel : comment expliquer aux contribuables que l'augmentation de la redevance répond exclusivement à un souci de perfection sur le plan comptable ?

La difficulté est réelle et elle mériterait d'être étudiée, de même que l'on s'est penché sur la situation des petites communes qui avaient accumulé des excédents en investissement dont elles n'avaient pas l'usage.

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