Question de M. RENAR Ivan (Nord - CRC) publiée le 20/11/2008
M. Ivan Renar attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur l'avenir de l'Agence France-Presse dont le statut est menacé. En effet, le représentant de l'État au conseil d'administration a clairement remis en question ce statut, invitant par ailleurs le président directeur général de l'Agence à ouvrir le capital.
Voté par le Parlement en 1957, ce statut a pourtant permis la création de la seule agence de presse mondiale non anglo-saxonne, qui forte de ses deux mille salariés, diffuse des informations partout dans le monde en six langues, et ce en continu. Ce statut garantit surtout l'indispensable indépendance rédactionnelle de l'Agence. Alors que l'information est plus que jamais stratégique dans l'ensemble de nos sociétés, l'AFP est incontestablement un des plus remarquables fleurons planétaires au service du droit de savoir des citoyens. Faut-il rappeler que l'information n'est pas une marchandise? Dans le contexte actuel de concurrence acharnée, il est indispensable de conforter l'AFP dans sa position de troisième agence mondiale et de renforcer son rayonnement international.
C'est pourquoi il lui demande de lui indiquer les dispositions qu'elle entend prendre afin de préserver le statut de l'AFP et d'accompagner son développement qui passe aussi par la réussite de son passage au numérique.
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Réponse du Secrétariat d'État chargé des sports publiée le 14/01/2009
Réponse apportée en séance publique le 13/01/2009
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, auteur de la question n° 347, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.
M. Ivan Renar. Comment ne pas s'inquiéter de l'avenir de l'Agence France-Presse, la seule agence d'information mondiale non anglo-saxonne, dont le statut unique est aujourd'hui menacé ?
Le Gouvernement demande en effet au président-directeur général de cette agence, récemment réélu à son poste, d'ouvrir son capital, ce qui passe par la remise en cause de son statut actuel.
Le statut en vigueur depuis 1957 prévoit que l'Agence France-Presse ne peut passer sous le contrôle d'aucun groupe économique, politique ou idéologique.
Après la Libération, la France a souhaité se doter d'une agence pour s'assurer d'une source indépendante d'information. Il s'agissait de donner aux médias français un réseau international, pour informer le monde autrement. Alors que l'information est plus que jamais stratégique dans nos sociétés, l'AFP est incontestablement l'un des plus remarquables fleurons planétaires dans ce domaine, au service du droit de savoir des citoyens.
Faut-il rappeler que l'information n'est pas une marchandise ?
Cette décision d'ouvrir le capital, si elle était maintenue, constituerait une atteinte grave au rôle du législateur, puisque le statut a été voté en 1957 par le Parlement français. Les pères fondateurs de ce texte avaient eu la sagesse de ne pas doter l'Agence France-Presse d'actionnaires, afin de la faire échapper aux lois « sans conscience ni miséricorde » du marché.
Ce statut particulier a permis, depuis plus d'un demi-siècle, le succès et l'indépendance rédactionnelle de cette agence, présente en continu pour informer, par des textes, des photos, des vidéos et en six langues, des centaines de journaux, de télévisions, de radios, de sites internet, d'institutions, de dirigeants, de décideurs.
L'AFP démontre en permanence son efficacité et sa pertinence. La preuve en est que la productivité de son personnel a progressé de 65 % ces quinze dernières années. C'est aussi par une dépêche de l'AFP que le chef de l'État a appris la libération d'Ingrid Betancourt.
Dans ces conditions, pourquoi vouloir changer une affaire qui marche et faire un premier pas vers une privatisation qui ne dit pas son nom ?
Alors que la contribution de l'État n'a pas été revalorisée en 2008, le nouveau contrat d'objectifs et de moyens vient enfin d'être signé : il prévoit une évolution régulière des abonnements de l'État et 20 millions d'euros d'investissements. C'est une bonne chose, d'autant que les profondes mutions technologiques nécessitent la modernisation numérique de l'AFP, que nous encourageons.
Or le statut de l'AFP, loin d'être un obstacle, constitue un atout pour son développement. C'est pourquoi la déstabilisation de ce qui a été construit année après année dans le domaine stratégique de l'information, qui est un bien public, n'est pas admissible.
Il est important par ailleurs de répondre aux légitimes inquiétudes des 2 000 salariés. Pourquoi remettre en question le statut de l'AFP ? Pourquoi vouloir ouvrir le capital qu'elle n'a pas et compromettre ainsi son indépendance ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. L'Agence France-Presse est dotée d'un statut particulier défini par la loi du 10 janvier 1957. Elle est, aux termes de l'article 1er de cette loi, « un organisme autonome doté de la personnalité civile et dont le fonctionnement est assuré suivant les règles commerciales ».
Si la loi du 10 janvier 1957 prévoit que l'Agence France-Presse est soumise aux règles du droit commercial, elle ne la qualifie pas pour autant de société de droit privé et l'Agence n'a, dans les faits, ni actionnaire ni capital.
L'AFP est donc pour l'essentiel tributaire de ses ressources commerciales, notamment de ses deux principaux clients, l'État et les médias.
Le modèle économique actuel de l'Agence France-Presse et les spécificités de son statut ne lui permettent pas de mobiliser les ressources nécessaires à son développement.
Pour continuer à collecter l'information pour l'ensemble des médias via un réseau international de bureaux et de correspondants et financer des investissements de plus en plus lourds dans les nouvelles technologies numériques, l'AFP doit impérativement pouvoir lever facilement les fonds nécessaires à son développement.
Il s'agit de l'aider à faire face aux mutations du marché, d'accompagner ses clients dans cette mutation et de conforter sa place au plus haut niveau international.
L'État a donc souhaité que M. Pierre Louette, en sa qualité de président de l'AFP, lui fasse part de propositions en vue d'une modernisation du statut et de la gouvernance de l'Agence.
Ces propositions, qui seront remises à la fin du premier trimestre de 2009, devront impérativement respecter deux principes.
En premier lieu, le modèle économique de l'AFP devra évoluer en vue de son adossement à un actionnariat public ou parapublic stable et pérenne, celui-ci étant seul à même de garantir à l'avenir le financement régulier de son développement.
En second lieu, l'indépendance de la rédaction sera impérativement protégée, car elle est le gage de la crédibilité de l'Agence, et donc de sa valeur.
Le soutien de l'État se matérialise par l'intermédiaire du contrat d'objectifs et de moyens, le COM, signé le 18 décembre en présence de Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, par le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, le ministère de la culture et de la communication et le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique, ainsi que par l'Agence France-Presse.
Pour la période 2009-2013, l'État s'engage à une évolution régulière de ses abonnements. Ainsi, la dotation budgétaire versée à l'AFP s'élèvera à 109,6 millions d'euros en 2009. Une augmentation moyenne annuelle de ses abonnements de 1,8 % est prévue pour la durée du contrat d'objectifs et de moyens, et sera revue chaque année selon l'inflation constatée.
De plus, l'État contribuera par une aide spécifique au projet 4XML, le nouvel outil de production et de distribution multimédia de l'Agence. Ce nouvel outil est indispensable à la fidélisation de ses clients et au développement de ses nouvelles offres. Il est prévu une dotation de 20 millions d'euros sur la durée du contrat d'objectifs et de moyens, soit 4 millions d'euros par an sur cinq ans, auxquels s'ajouteront 10 millions d'euros d'autofinancement prévus par l'Agence.
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le secrétaire d'État, votre réponse me semble trop prudente, et donc pas satisfaisante. Je me permets d'insister pour que vous transmettiez mes propos à Mme la ministre, qui assiste aujourd'hui à Nîmes à la cérémonie des vux du Président de la République au monde de la culture.
L'année 2009 risque d'être difficile pour l'AFP en raison de la récession économique. Plus que jamais, l'Agence doit préserver son originalité, liée à son statut actuel, et avoir les moyens de remplir ses missions d'intérêt général.
Dans le contexte de concurrence acharnée que nous connaissons, il est indispensable de conforter l'AFP dans son rang de troisième agence mondiale et de renforcer son rayonnement international, surtout dans une période où l'avenir de la presse écrite est plus que jamais précaire et où la télévision publique est malmenée au travers de ses financements et de son indépendance éditoriale et politique : je renvoie au débat sur l'audiovisuel public qui se déroule actuellement au Sénat.
Monsieur le secrétaire d'État, l'AFP ne doit ni être privatisée ni devenir une agence de l'État. J'insiste sur ce point. Le pluralisme donne de la force et du sens à notre démocratie. Les statuts de l'Agence sont particulièrement exigeants en matière d'éthique et de déontologie journalistique. Dans l'univers numérique et à l'ère de l'information de masse, notre société a de plus en plus besoin d'informations fiables, vérifiées, complètes et objectives.
L'information est un droit constitutionnel. C'est pourquoi j'espère que la sagesse l'emportera et que le Gouvernement renoncera à ses tentations d'ouvrir le capital de l'AFP et de remettre en cause son statut.
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