Question de M. MAHÉAS Jacques (Seine-Saint-Denis - SOC) publiée le 10/07/2008

M. Jacques Mahéas attire l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative sur les abus constatés en matière de dépassements d'honoraires médicaux.
En avril 2007, l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) a publié un rapport intitulé « Les dépassements d'honoraires médicaux » (n°RM 2007-054P) et portant sur les dépassements d'honoraires pratiqués par les médecins généralistes et les spécialistes, en médecine de ville comme en établissement de santé. Ce rapport pointe qu'en 2005 les dépassements représentaient près de 2 milliards d'euros (sur les 18 milliards d'euros d'honoraires totaux), dont les deux tiers sont restés, après intervention des mutuelles complémentaires, à la charge du patient. Leur montant a doublé en valeur réelle entre 1990 et 2005. L'IGAS note à raison que l'ampleur de tels dépassements génère des inégalités d'accès aux soins et remet en cause le principe même de solidarité nationale mis en œuvre par l'assurance maladie.
Plus d'un an après ce rapport, la situation a encore empiré, comme le prouve une enquête du collectif interassociatif sur la santé (CISS) sur l'état des lieux de ces dépassements en France. Vingt-deux Caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) sur quatre-vingt-deux ont fourni au CISS des données sur les dépassements. Il en ressort un concentré aberrant de manquements à la légalité conventionnelle. Ainsi les médecins du secteur 1 sont très nombreux à pratiquer des dépassements, qui leur sont pourtant interdits, tandis que la dérive est généralisée dans le secteur 2.
En conséquence, il lui demande ce qu'elle compte entreprendre pour réguler une situation d'autant plus inadmissible qu'elle frappe en priorité les plus démunis, et restaurer, comme le stipule l'article R. 4127-53, des honoraires « déterminés avec tact et mesure ».

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Réponse du Ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative publiée le 27/11/2008

Les conventions définissant les relations entre les professionnels de santé libéraux et l'assurance maladie déterminent les situations dans lesquelles ces professionnels peuvent pratiquer des honoraires différents de ceux fixés par ces conventions. Ainsi, les médecins qui répondent à des conditions de titre et diplômes et qui ne se sont jamais installés auparavant dans le secteur d'exercice à tarif opposable peuvent être autorisés à pratiquer des honoraires différents. Par ailleurs, les médecins exerçant à tarif opposable peuvent facturer soit des dépassements exceptionnels, en cas de circonstances exceptionnelles de temps ou de lieu dues à une exigence particulière du malade non liée à un motif médical (DE), soit des dépassements autorisés plafonnés (DA), lorsque le patient ne s'inscrit pas dans le parcours de soins. Dans son rapport d'avril 2007, l'inspection générale des affaires sociales constatait que les « dépassements constituent un recul de la solidarité nationale ». D'après ce rapport, les dépassements représentent plus de 2 milliards d'euros par an, dont les deux tiers pèsent directement sur les ménages après intervention des organismes complémentaires. Ils enregistrent une croissance forte chaque année (+ 7 %), de sorte que le montant des dépassements a doublé en moins de quinze ans. Cette pratique est devenue majoritaire chez les médecins généralistes. Ainsi, alors que notre système de santé offre un niveau de prise en charge parmi les plus élevés des pays développés, avec un niveau de remboursement de 92 % des dépenses de santé, la pratique des dépassements, qui s'est banalisée au cours des dernières années, constitue aujourd'hui le principal risque financier auquel sont confrontés les usagers de notre système de santé. Ces dépassements d'honoraires génèrent, par leur montant croissant, des inégalités d'accès aux soins, pouvant conduire à des renoncements pour un nombre croissant de nos concitoyens. Cette situation est d'autant moins tolérable que les patients dont les revenus sont les plus modestes, principalement les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c), s'y trouvent parfois confrontés, malgré des dispositions législatives très protectrices. Les patients sont souvent dans l'ignorance des sommes qui leur seront demandées ou n'osent tout simplement pas le demander : ils ne peuvent donc pas s'assurer d'une prise en charge, notamment par leurs organismes complémentaires. Sur ce chantier important, la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative a donc voulu accroître la transparence pour les assurés : les médecins et les chirurgiens-dentistes ont désormais l'obligation de remettre à leur patient une information préalable et écrite lorsque les honoraires qu'ils facturent, incluant un dépassement, dépassent un seuil défini par arrêté et lorsque le professionnel prescrit un acte à réaliser lors d'une consultation ultérieurement. Dans cette situation, l'information préalable est obligatoirement fournie, même si les honoraires demandés avec le dépassement d'honoraires sont inférieurs au seuil fixé par arrêté. La ministre a signé le 11 octobre l'arrêté définissant ce seuil à 70 euros. Des sanctions financières, prévues par le code de la sécurité sociale, s'appliqueront si cette obligation n'est pas respectée. Des pénalités financières, égales au plus à deux fois le montant du dépassement pratiqué, s'appliqueront également si le professionnel de santé ne respecte pas le tact et la mesure. C'est l'objet d'un projet de décret en Conseil d'État qui sera publié prochainement. Par ailleurs, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2008 a rappelé l'obligation pour les professionnels de santé d'afficher leurs honoraires dans leurs salles d'attente. Un projet de décret en Conseil d'État, en cours de concertation, doit préciser les modalités d'application de cette mesure et également prévoir les sanctions qui s'appliqueront. Les médecins travaillent bien, et font un travail remarquable. Mais notre système de santé est complexe et les patients n'ont pas une information claire : cette information leur est due. À cet égard, le devoir d'information écrite préalable, l'amélioration des informations sur les professionnels de santé sur la plate-forme « Info Soins », animée par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), et l'obligation d'affichage constituent de véritables progrès pour les patients, qui pourront mieux s'orienter dans notre système de santé. Outre ces dispositions, d'autres mesures devraient prochainement contribuer à améliorer l'encadrement de la pratique des dépassements d'honoraires dans le projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires », qui sera prochainement examiné par le Parlement.

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