Question de M. ADNOT Philippe (Aube - NI) publiée le 19/06/2008
M. Philippe Adnot attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur l'usage fait par certains professionnels de la défiscalisation du dispositif visé à l'article 885 O V bis du Code général des impôts qui permet, sous certaines conditions, aux personnes qui investissent dans une holding d'être exonérées à hauteur de 75% d'ISF dans la limite d'un plafond de 50 000€.
Il lui rappelle que, dans l'esprit du législateur, cette intermédiation visait à créer des clubs d'investissement en vue de rassembler des contribuables redevables de l'ISF pour leur permettre d'investir dans des PME éligibles. La motivation en était de favoriser des investissements de plus gros montants tout en permettant à la société cible de n'avoir qu'un seul nouvel associé ou actionnaire.
Or, il est au regret de constater que certains ont fait un usage détourné de ce dispositif en ayant recours à des schémas totalement étrangers, d'une part, à l'esprit de la loi, et, d'autre part, à l'effet qu'il en est attendu sur notre économie.
Il en est ainsi des montages qui consistent, non pas à utiliser la holding pour investir dans des PME existantes ou en création, mais à y recourir comme moyen de collecter des fonds en agglomérant un nombre important de souscripteurs qui ne se connaissent même pas, voire qui ont été démarchés, pour ensuite créer, à la demande, des kyrielles de SARL ad hoc, dans lesquelles 100% des fonds levés sont investis, et dont l'objet social est de louer des biens corporels ou incorporels à des PME (ces SARL versent, bien sûr des commissions de gestion à la holding). Il est bien précisé aux investisseurs qu'au terme du délai fiscal de conservation les actifs seront cédés par les SARL qui seront absorbées par la holding qui sera ensuite dissoute.
Il en est de même des montages où le capital des sociétés créées par la holding est uniquement investi pour acquérir des biens immobiliers à caractère patrimonial en vue d'un pur investissement de rendement.
Il souligne le fait que, par rapport à l'esprit de la loi et aux travaux parlementaires qui y ont présidé, ces montages sont proches de l'abus de droit qui consiste à poursuivre un objectif à des fins purement fiscales dans une visée contraire à celle du législateur (Conseil d'État, 2 février 2007 Persicot et Conseil d'État, 10 mars 2007 Pharmacie des Chalonges).
Si la holding avait, en effet, été gratifiée d'un régime identique à celui de l'investissement direct, à savoir le plus favorable, c'est parce que le législateur y voyait un investissement des plus risqués et l'envisageait comme un véhicule qui n'avait aucunement vocation à se substituer aux fonds d'investissement qui sont eux soumis à des obligations très strictes.
C'est pourquoi il demande à Madame la Ministre de lui indiquer si de tels montages ne sont pas qualifiables d'abus de droit.
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Réponse du Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi publiée le 17/07/2008
Les redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) qui souscrivent, directement ou par l'intermédiaire d'une société holding, au capital de petites et moyennes entreprises (PME) au sens du droit communautaire, ayant une activité opérationnelle et non cotées sur un marché réglementé français ou étranger, peuvent bénéficier à ce titre et dans certaines conditions d'une réduction de leur cotisation d'ISF égale à 75 % du montant des versements correspondants, dans la limite annuelle de 50 000 euros. En cas d'investissement indirect effectué par l'intermédiaire d'une société holding, la réduction d'ISF est calculée à proportion des versements effectués au titre de la souscription au capital de PME éligibles. Ce dispositif, codifié à l'article 885-0 Vbis du code général des impôts, a pour but, qu'il s'agisse d'un investissement direct ou d'un investissement intermédié, de financer durablement les PME en contribuant à l'augmentation de leurs fonds propres. Or, dans le cas particulier des montages évoqués par l'auteur de la question, il apparaît que les opérations ont été structurées à la seule fin de permettre aux souscripteurs de bénéficier de l'avantage fiscal prévu par l'article 885-0 V bis précité du code général des impôts, en leur faisant notamment prendre un risque limité économiquement à celui d'un prêteur de deniers et non pas un réel risque de participation au capital, qui est inhérent à la souscription au capital de PME non cotées. Ainsi, ces montages sont susceptibles d'être critiqués sur le terrain de l'abus de droit par fraude à la loi, conduisant in fine à une remise en cause de l'avantage fiscal consenti aux bénéficiaires. Il est rappelé à cet égard que, par une décision du 27 septembre 2006 (arrêt n° 260050, Janfin), le Conseil d'État a jugé que l'administration fiscale disposait d'un pouvoir général de répression des abus de droit, pouvoir qui s'exerce sans texte, c'est-à-dire même en dehors des cas et de la procédure spéciale prévus par l'article L. 64 du LPF. Ainsi, l'administration peut écarter comme ne lui étant pas opposables les actes passés par les contribuables qui, recherchant le bénéfice d'une application littérale de la loi à l'encontre des objectifs poursuivis par le législateur, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles. Cette possibilité pourrait trouver à s'appliquer dans les situations évoquées par l'auteur de la question. Enfin, lorsqu'il est créé, pour le besoin d'un montage, plusieurs structures juridiques destinataires des investissements, présentées comme des PME distinctes, et pourtant identiques par leur objets, pour le seul motif fiscal d'éviter le dépassement du plafond de 1,5 millions d'euros par PME destinataire des souscriptions, l'abus de droit peut aussi porter sur le contournement de la règle de plafonnement fixée avec l'accord de la Commission européenne.
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