Question de M. COURTEAU Roland (Aude - SOC) publiée le 01/05/2008

M. Roland Courteau expose à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche que la publicité en faveur des boissons alcoolisées est autorisée par la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991, dite « loi Evin », qui l'encadre strictement pour des motifs de santé publique.

Ainsi, cette publicité n'est-elle autorisée que sur un certain nombre de supports limitativement énumérés par une disposition maintenant codifiée à l'article L. 3323-2 du code de la santé publique.

Cette énumération qui comporte, notamment, la presse écrite, la radiodiffusion sonore, les affiches et enseignes, ou encore les messages, circulaires commerciales et brochures adressés par les producteurs et les négociants, ne prend pas en compte l'Internet et les réseaux numériques qui, lors de la discussion du vote de la loi du 10 janvier 1991 précitée, n'avaient pas encore pris leur essor.

La publicité sur les réseaux Internet a cependant été considérée jusqu'à aujourd'hui comme autorisée sur le fondement d'une interprétation que le Conseil d'État, dans un rapport publié en 1998 et intitulé « Internet et les réseaux numériques », a donnée du champ d'application de l'article L. 3323-2.

Or, cette position équilibrée vient d'être remise en question par deux décisions de justice successives : une ordonnance de référé rendue le 8 janvier 2008 par le tribunal de grande instance de Paris, et le jugement de la cour d'appel de Paris qui l'a confirmée quelques jours plus tard, le 23 février 2008.


Dans ces deux décisions, les juges ont décidé de s'en tenir à une lecture littérale du code de la santé publique, et constatant que l'Internet ne figurait pas expressément dans la liste limitative des supports autorisés par l'article L. 3323-2, en ont déduit que la publicité n'était pas autorisée sur les services de communication en ligne.

A l'heure où l'Internet prend une place croissante dans le développement de la publicité, cette approche jurisprudentielle pourrait avoir les conséquences les plus graves.

L'interdiction de toute forme de publicité pour les boissons alcoolisées et donc le vin sur Internet reviendrait à imposer la fermeture de tous les sites en ligne qui évoquent un cépage, une appellation, voire un territoire.

Ne pouvant s'appliquer qu'aux services de communication en ligne régis par la loi française, elle pénaliserait les producteurs français par rapport à des producteurs de pays tiers dont les sites, accessibles sur le réseau mondial de « la toile », ne seraient pas régis par des dispositions aussi contraignantes.

C'est la raison pour laquelle il lui indique avoir déposé au Sénat une proposition de loi, en date du 8 février 2008, tendant à procéder à la clarification législative qui s'impose, en confirmant par la loi une construction juridique qui ne reposait, jusqu'à présent, que sur un avis du Conseil d'État.

Il lui demande donc, s'il entend prendre toutes dispositions, visant à inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour des travaux parlementaires du Sénat.

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Transmise au Ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative


Réponse du Secrétariat d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associatve publiée le 21/05/2008

Réponse apportée en séance publique le 20/05/2008

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 232, adressée à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

M. Roland Courteau. Monsieur le secrétaire d'État, comme chacun le sait dans cette enceinte, la publicité en faveur des boissons alcoolisées est autorisée par la loi du 10 janvier 1991, dite loi « Evin », qui l'encadre strictement pour des motifs de santé publique.

Ainsi cette publicité n'est-elle autorisée que sur un certain nombre de supports limitativement énumérés par une disposition maintenant codifiée à l'article L. 3323-2 du code de la santé publique.

Cette énumération, qui comporte, notamment, la presse écrite, la radiodiffusion sonore, les affiches et enseignes, ou encore les messages, circulaires commerciales et brochures diffusées par les producteurs et les négociants, ne prend pas en compte Internet et les réseaux numériques qui, lors de la discussion de la loi précitée, n'avaient pas encore pris l'essor qu'ils connaissent actuellement.

Cependant, la publicité sur Internet a été considérée jusqu'à présent comme autorisée sur le fondement d'une interprétation que le Conseil d'État, dans un rapport publié en 1998 et intitulé Internet et les réseaux numériques, a donnée du champ d'application de l'article L. 3323-2 du code de la santé publique.

Pourtant, cette position équilibrée vient d'être remise en question par deux décisions de justice successives : une ordonnance de référé, rendue le 8 janvier 2008 par le tribunal de grande instance de Paris, ordonnance confirmée quelques jours plus tard, le 13 février 2008, par un arrêt de la cour d'appel de Paris.

Par ces deux décisions, les juges s'en sont tenus à une lecture littérale du code de la santé publique. Constatant qu'Internet ne figurait pas expressément dans la liste limitative des supports autorisés par l'article L. 3323-2 du code de la santé publique, ils en ont déduit que la publicité n'était pas autorisée sur les services de communication en ligne.

À l'heure où Internet prend une place croissante dans le développement de la publicité, cette approche jurisprudentielle n'est pas sans conséquences. Ainsi, l'interdiction sur ce support de toute forme de publicité pour les boissons alcooliques et, par conséquent, pour le vin reviendrait à imposer la fermeture de tous les sites en ligne qui évoquent un cépage, une appellation, voire un terroir.

Ne pouvant s'appliquer qu'aux services de communication en ligne régis par la loi française, cette interdiction pénaliserait les producteurs français par rapport aux producteurs de pays tiers dont les sites, accessibles sur le réseau mondial de la « toile », ne seraient pas soumis à des dispositions aussi contraignantes.

C'est la raison pour laquelle il m'a semblé nécessaire de déposer le 8 février dernier, avec plusieurs de mes collègues, une proposition de loi tendant à procéder à la clarification législative qui s'impose et à confirmer par voie législative une construction juridique qui ne reposait, jusqu'à présent, que sur une interprétation du Conseil d'État.

À toutes fins utiles, j'indique que le dispositif que nous proposons prend soin de préciser que cette présentation de la publicité doit respecter les autres dispositions du code de la santé publique, notamment l'article L. 3323-4, qui énumère les indications et références admises en matière publicitaire.

Par ailleurs, je rappelle que, dans leurs attendus, les juges avaient invité le législateur à clarifier la loi. Ainsi, d'une certaine manière, notre proposition de loi répond à cette invitation. Par cette initiative, une partie du chemin a été effectuée. Il reste à savoir, monsieur le secrétaire d'État, si le Gouvernement a l'intention de nous permettre d'aboutir en inscrivant cette proposition de loi à l'ordre du jour des travaux parlementaires et s'il entend prendre toute initiative dans ce sens.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu attirer l'attention de Mme Roselyne Bachelot-Narquin sur l'encadrement de la publicité en faveur de l'alcool.

Je vous rappelle que la loi Évin dresse la liste des supports autorisés pour la publicité en faveur de l'alcool, liste sur laquelle ne figure pas Internet. Cette interdiction de publicité sur Internet a été rappelée par le tribunal de grande instance de Paris, dont le jugement a été confirmé par la cour d'appel de Paris le 13 février 2008.

Cette dernière a souligné que le site concerné, qui appartient à la marque Heineken, était clairement destiné à faire de la publicité en faveur de la bière au moyen, notamment, de jeux, d'animations sonores ou de visuels attractifs. De tels agissements, inacceptables, sont contraires à la loi.

Bien que cette publicité ne fût pas envisagée par le code de la santé publique, jusqu'à cette condamnation, les producteurs d'alcool avaient choisi de considérer la publicité en faveur des boissons alcooliques sur Internet comme permise, sur le fondement d'un avis du Bureau de vérification de la publicité, dont la jurisprudence a rappelé qu'il n'avait pas de portée législative ou juridictionnelle.

Depuis cette décision, certains s'inquiètent que toute personne faisant la promotion de l'alcool sur Internet puisse être théoriquement condamnée. J'insiste sur le mot « théoriquement », car il n'est nullement établi qu'une action en justice puisse être engagée contre un site ne réalisant que de la vente en ligne. Pour poursuivre un site en justice, il faut y être habilité. Ainsi, l'action en justice contre Heineken a été menée par l'ANPAA, l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie.

L'ANPAA est une association responsable et il paraît peu probable qu'elle s'attaque au site de vente en ligne d'un vigneron indépendant ou au site de l'office de tourisme d'une région vinicole.

En outre, il n'est nullement certain qu'une telle action conduirait à la condamnation de l'exploitant du site. Dans l'affaire Heineken, il a ainsi été considéré que le site condamné n'était pas destiné directement à la vente. La marque Heineken dispose d'un autre site dédié à cette activité.

Il me semble logique de considérer que la position juridique puisse être différente pour les sites de vente en ligne. Non considérés comme des supports de publicité, ils pourraient être autorisés.

Néanmoins, cette interprétation n'étant pas juridiquement certaine, Mme la ministre de la santé peut donc comprendre la crainte, notamment de la part de la filière viticole, d'une condamnation d'un site de vente en ligne.

Face à cette incertitude, certains réclament la modernisation de la loi Évin afin de soumettre les sites de vente en ligne au même encadrement publicitaire que les commerces d'alcool « physiques ». Certains vont plus loin en demandant une large diffusion de la publicité en faveur de l'alcool sur Internet.

Je tiens à mettre formellement en garde les tenants d'une libéralisation de la publicité sur Internet, qui représente deux dangers. D'une part, une libéralisation non strictement encadrée de la publicité en faveur de l'alcool sur Internet profiterait d'abord aux grands groupes industriels producteurs d'alcool, qui disposent de moyens publicitaires très importants, plutôt qu'à la filière viticole. D'autre part, les jeunes, dont nous connaissons la vulnérabilité, et qui sont de grands utilisateurs d'Internet, seraient harcelés par l'ensemble des techniques de promotion telles que les pop-up, les spams et les liens sponsorisés. Alors que l'alcoolisation des jeunes est un phénomène croissant, il n'est pas concevable de laisser les publicités en faveur de l'alcool envahir ce média. Toute la littérature scientifique montre le fort impact de la publicité sur les comportements d'alcoolisation.

Il existe un large consensus sur la nécessité de protéger les plus jeunes des dangers de l'alcool. Toutefois, Mme Roselyne Bachelot-Narquin entend le souhait de ne pas laisser peser sur un important secteur économique un risque de contentieux, aussi relatif soit-il. C'est pourquoi elle va engager, en lien avec les ministères concernés, une réflexion sur cette question en y associant les acteurs sanitaires et économiques du secteur.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Monsieur le secrétaire d'État, si je comprends bien, votre réponse est négative !

Nous sommes éblouis, mais nous ne sommes pas éclairés ! (Sourires.)

M. René-Pierre Signé. Ah !

M. Roland Courteau. Au travers du dispositif que nous proposons, nous prenons soin de préciser que, formellement, la publicité sur Internet devra respecter les autres dispositions y afférentes du code de la santé publique, notamment celles qui concernent les indications et les références admises en matière publicitaire. Tel est d'ailleurs le cas pour les supports autorisés par la loi, à savoir la presse écrite – à l'exception des publications destinées à la jeunesse –, la radiodiffusion, les affiches, les circulaires, etc.

Selon vous, monsieur le secrétaire d'État, serait-il donc plus dangereux de consulter Internet que d'écouter la radio ou de lire la presse écrite ou les affiches ?

Dans le même temps, on peut supposer que les Français auront tout loisir de consulter les publicités émanant des sites Internet des producteurs espagnols, italiens, australiens ou chiliens, sur lesquels ne pèse aucune contrainte.

Je cherche une cohérence dans tout cela. Comprenne qui pourra, monsieur le secrétaire d'État.

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