Question de M. YUNG Richard (Français établis hors de France - SOC) publiée le 27/03/2008
M. Richard Yung attire l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative sur les discussions en cours au sein de l'Organisation mondiale de la santé en vue d'élaborer une stratégie et un plan d'action mondiaux sur les activités de recherche essentielles pour lutter contre les maladies qui touchent d'une manière disproportionnée les pays en développement. Un groupe de travail intergouvernemental sur la santé publique, l'innovation et la propriété intellectuelle (IGWG) devrait prochainement présenter des recommandations à l'Assemblée mondiale de la santé. Or, l'une de ses conclusions serait que l'accès aux technologies médicales serait sérieusement freiné par les droits de propriété industrielle. Si le groupe de travail proposait d'étendre au domaine de la technologie médicale les modalités prévues par l'accord de Doha pour les médicaments, ce secteur stratégique se verrait appliquer le système des licences obligatoires. La lutte pour un meilleur accès aux soins dans les pays en développement et la recherche sur les maladies qui frappent ces pays font partie des engagements et des causes que défendent la France et l'Europe dans toutes les organisations internationales. Cependant, l'extension des licences obligatoires à d'autres domaines de la santé, tels que celui de la technologie médicale, mérite un débat plus scientifique et plus approfondi. Il serait notamment opportun d'analyser les raisons pour lesquelles les technologies de santé pénètrent lentement et imparfaitement dans les pays en développement et quels liens existent entre la recherche médicale, les droits de propriété intellectuelle et la diffusion dans les politiques de santé. C'est pourquoi il lui demande quelles sont les instructions données sur ce dossier à la délégation française à l'OMS et si la France entend saisir l'occasion de sa prochaine présidence de l'Union européenne pour proposer une position commune à nos partenaires.
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Réponse du Secrétariat d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associatve publiée le 16/04/2008
Réponse apportée en séance publique le 15/04/2008
M. Richard Yung. Monsieur le secrétaire d'État, ma question porte sur les discussions qui se déroulent actuellement au sein de l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, et qui visent à élaborer une stratégie mondiale sur les recherches pour lutter contre les maladies touchant d'une manière disproportionnée les pays en voie de développement et déterminer les obstacles à la pénétration des progrès de la médecine dans ces pays.
Le groupe de travail intergouvernemental sur la santé publique, l'innovation et la propriété intellectuelle, l'IGWG, qui a été constitué à cette fin, devrait présenter des recommandations à l'assemblée générale de l'OMS, qui se tiendra le mois prochain. Selon lui, l'un des principaux freins à la pénétration des technologies médicales dans les pays en voie de développement serait les droits de propriété industrielle et les coûts qui y sont afférents.
Cette instance en conclut qu'il serait opportun d'étendre au domaine de la technologie médicale qui représente 8 milliards à 10 milliards d'euros rien que pour la France les modalités, négociées dans le cadre de l'accord de Doha, qui s'appliquent aux médicaments pour certaines maladies et pour certains pays. Cela concerne donc le régime des licences obligatoires sur un certain nombre de médicaments.
Si tel était le cas, le secteur important de la technologie médicale radiologie, scanners, instrumentations, informatique médicale, lunetterie, etc. se verrait appliquer le système des licences obligatoires. Ce n'est pas sans poser problème, puisque cela affecterait très certainement le secteur de la recherche médicale.
La lutte pour un meilleur accès aux soins dans les pays en développement et la recherche sur les maladies qui frappent particulièrement ces pays font partie des engagements et des causes que défendent la France et l'Europe dans toutes les organisations internationales. Tout le monde y est favorable. Il semble toutefois que, dans ses conclusions, le groupe de travail se soit focalisé sur la question des droits de propriété intellectuelle, sans tenir compte du fait que, dans ces pays, le frein à l'accès au progrès médical est le fait de nombreuses autres raisons, comme le manque d'infrastructures, d'hôpitaux, de personnels formés, ou la corruption.
Pour ma part, je considère qu'un groupe de travail créé par l'OMS n'est pas l'organe adéquat pour discuter de questions si importantes.
À cet égard, l'une des missions de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, l'OMPI, est de mener des réflexions et d'élaborer les traités en matière de propriété intellectuelle.
Ma question est relative aux instructions données par la France à ses représentants tant au groupe de travail qu'à l'assemblée générale de l'OMS et à Bruxelles, puisque, en amont, les États membres arrêtent une position, puis ils donnent des instructions à la Commission.
Il est nécessaire de définir des instructions fermes. Assurant la présidence de l'Union européenne à partir du mois de juillet prochain, la France pourrait uvrer en ce sens.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, vous interrogez Mme Bachelot-Narquin sur les travaux actuellement en cours au sein de l'Organisation mondiale de la santé qui visent à définir une stratégie mondiale pour la santé publique, l'innovation et la propriété intellectuelle.
L'objet de cette stratégie est bien de faciliter l'accès aux médicaments des pays les plus pauvres.
Roselyne Bachelot-Narquin accorde une très grande attention au groupe de travail intergouvernemental qui présentera a priori ses conclusions à l'occasion de la prochaine assemblée mondiale de la santé des 19 et 20 mai prochains. Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative conduira la délégation française présente à cette assemblée et s'exprimera notamment sur ce sujet essentiel.
Les discussions du groupe intergouvernemental portent notamment sur la recherche et le développement, l'innovation, la propriété intellectuelle, les dispositifs de financement durables et les transferts de technologie. Il faut entendre par cette dernière expression les transferts de technologie de production, c'est-à-dire dans les domaines des médicaments, des vaccins et des produits de diagnostic.
La position européenne est en cours d'élaboration en vue de la prochaine session d'avril. Il est important de rappeler que la France participe à ces travaux au travers d'une coordination communautaire. Un consensus de l'Union européenne est une nécessité pour faire poids dans le processus ; l'Union s'exprime donc d'une seule voix.
Au niveau français, quatre ministères ceux de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, des affaires étrangères et européennes, de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et enfin de l'enseignement supérieur et de la recherche participent aux sessions de travail de l'OMS et se concertent afin d'élaborer la position française.
Le ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative a tendance à favoriser l'accès des pays en développement aux médicaments pour la protection de la santé publique tout en protégeant l'innovation. Il est urgent de continuer à mettre au point de nouveaux produits sûrs et peu coûteux contre des maladies transmissibles, telles que le sida, le paludisme et la tuberculose, et contre d'autres maladies ou pathologies, notamment les maladies non transmissibles comme le cancer, le diabète ou les maladies cardiovasculaires, qui affectent dans une mesure disproportionnée les pays en développement.
Forts de ce constat, au mois de novembre 2001, les États membres de l'OMC se sont accordés sur un texte, la déclaration ministérielle de Doha, qui reconnaît que l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, les ADPIC, ne doit pas entraver les efforts des pays en développement dans la conduite des politiques de santé publique.
En effet, dans certains cas, les brevets et les autres droits de propriété intellectuelle peuvent aussi constituer un frein à la baisse des coûts des médicaments dans les pays en développement, car ils limitent la concurrence entre fabricants. Ces pays, en vertu de l'accord sur les ADPIC, peuvent déroger au droit commun et recourir à ce que l'on nomme « les flexibilités » pour faire face à des situations exceptionnelles ou répondre à des impératifs d'intérêt public. Ils sont autorisés, à ce titre, à émettre des licences obligatoires, afin de faciliter la production de médicaments génériques sans l'accord du détenteur du brevet, dans le but d'obtenir des traitements moins coûteux.
La question qui se pose est celle de la possibilité d'une ouverture concernant l'interprétation des accords ADPIC, s'appliquant aujourd'hui en priorité aux trois pandémies, alors que les pays en développement font face à une croissance très importante de la prévalence des maladies non transmissibles.
Sur ce sujet, la France souhaite tenir une position souple et médiane entre l'accès des pays en développement aux médicaments et le respect des droits de la propriété intellectuelle nécessaire au dynamisme de la recherche.
De plus, concernant les points relatifs à la propriété intellectuelle, la France insistera une nouvelle fois sur le fait que la question de l'interprétation et de l'extension de la déclaration de Doha relève non pas du mandat ou des compétences du groupe intergouvernemental, mais de l'OMC et de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. La France soutient plutôt l'idée constructive d'un renforcement des moyens permettant à l'OMS de jouer son rôle.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le secrétaire d'État, ma question porte non pas sur le problème des médicaments, qui est déjà traité par le protocole additionnel de Doha, mais sur le possible risque d'extension du processus de Doha et des licences obligatoires à tout le secteur de l'industrie médicale. On change d'échelle. D'une politique relative à un certain nombre de médicaments, que nous avons tous soutenue, on passe à un domaine qui concerne des pans entiers de notre industrie médicale et, par conséquent, l'emploi.
C'est pourquoi il est important d'adopter rapidement une position claire vis-à-vis de la « dérive », si je puis utiliser ce terme, de ce groupe de travail pour que l'on ne se retrouve pas après dans une situation politiquement difficile. Comme vous l'avez indiqué à juste titre, il existe d'autres façons de traiter ce problème, qui est réel. Celle qui est actuellement mise en uvre n'est probablement pas la meilleure.
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