Question de M. CAMBON Christian (Val-de-Marne - UMP) publiée le 20/03/2008

M. Christian Cambon attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur un problème auquel sont régulièrement confrontés les professionnels du commerce intermédiaire des produits frais, et plus particulièrement ceux du marché de Rungis. En effet, l'article L. 112-6 du code monétaire et financier stipule que les règlements qui excèdent la somme de 1 100 euros ou qui ont pour objet le paiement par fraction d'une dette supérieure à ce montant, doivent être effectués par chèque barré, virement ou carte de paiement. Il s'agit des règlements portant sur les loyers, les transports, les services, fournitures et travaux ou afférents à des acquisitions d'immeubles ou d'objets mobiliers ainsi que le paiement des produits de titres nominatifs et des primes ou cotisations d'assurance. Et il en est de même pour les transactions sur des animaux vivants ou sur les produits d'abattage.
Des représentants du syndicat de la volaille et du gibier / FENSCOPA avaient eu l'occasion lors d'une rencontre avec l'administration du ministère de l'économie et des finances, courant 2005, d'exposer les difficultés qu'ils rencontraient face aux nombreux incidents de paiement (chèques impayés, traites impayées, délais de paiement non respectés). Ils avaient alors expliqué que face à l'un de ces incidents, ils ne pouvaient plus accepter un titre de paiement sachant qu'il reviendrait impayé. Aussi, avaient-ils obtenu l'assurance verbale que le professionnel se trouvant en mesure de justifier à partir de documents bancaires, commerciaux ou juridiques, de l'identité précise du commerçant et des difficultés qu'il rencontrait pour recouvrer sa créance, pouvait exceptionnellement dépasser le plafond du paiement en espèces sans subir l'amende prévue au titre de l'article L. 112-7. Malheureusement, lors de ses contrôles l'administration a toujours objecté qu'à ce jour elle n'avait aucune instruction lui permettant de retirer de la base taxable des amendes les remboursements d'impayé. Dans la pratique, il s'agit de 10 à 20 cas par an. L'amende infligée est de 5 % du montant de la facture soit entre 500 000 et 1 millions d'euros.
Or, cet aménagement de la réglementation devait permettre aux professionnels d'obtenir plus facilement la régularisation de leurs situations en évitant de les exposer, inutilement, aux risques d'impayés. Il convient également de souligner que ce règlement concernant les 1 100 euros ne s'applique que pour les transactions sur les animaux vivants ou sur les produits d'abattage, mettant ainsi les différentes filières professionnelles dans des situations de concurrence déloyale. En effet, malgré cette réglementation, ce seuil n'est jamais appliqué lorsque le client effectue des achats groupés dans les cash & carry. On peut donc légitimement s'interroger sur cette réglementation, dont l'objectif est certes la lutte contre le blanchiment d'argent, lorsqu'elle est appliquée à des flux financiers complètement transparents entre clients et fournisseurs. Aussi, il lui demande s'il ne serait envisageable d'autoriser le professionnel de bonne foi, en mesure de justifier de l'identité précise du commerçant et de ses difficultés à recouvrer sa créance, de dépasser le plafond du paiement en espèces.

- page 515


Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services publiée le 16/04/2008

Réponse apportée en séance publique le 15/04/2008

M. Christian Cambon. Monsieur le secrétaire d'État, ma question touche un problème auquel sont régulièrement confrontés les professionnels du commerce intermédiaire des produits frais, et plus particulièrement ceux du marché d'intérêt national de Rungis.

En effet, aux termes de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier, les règlements qui excèdent la somme de 1 100 euros, ou qui ont pour objet le paiement par fraction d'une dette supérieure à ce montant, doivent être effectués par chèque barré, virement ou carte de paiement. Il s'agit de règlements portant généralement sur les loyers, les transports, les services, les fournitures ou les travaux, ou tout ce qui a trait aux acquisitions d'immeubles ou d'objets mobiliers, ainsi que le paiement des produits de titres nominatifs ou des primes ou cotisations d'assurance. Il en est de même pour les transactions sur les animaux vivants ou sur les produits d'abattage.

Les représentants des syndicats professionnels, singulièrement ceux de la Fédération nationale des syndicats de commerce de gros en produits avicoles, la FENSCOPA, ont eu l'occasion, lors d'une rencontre avec l'administration du ministère de l'économie et des finances, en 2005, d'exposer les difficultés qu'ils rencontraient face aux incidents de paiement, hélas nombreux : chèques impayés, traites impayées, délais de paiement non respectés.

Ayant expliqué que, face à l'un de ces incidents, ils ne pourraient plus, à l'avenir, accepter un titre de paiement, sachant que, trop souvent, celui-ci reviendrait impayé, ils avaient alors obtenu l'assurance verbale que le professionnel se trouvant en mesure de justifier, à partir de documents bancaires, commerciaux ou juridiques, de l'identité précise du commerçant et des difficultés qu'il rencontrait pour recouvrer sa créance, pourrait exceptionnellement dépasser le plafond du paiement en espèces, sans subir l'amende prévue par l'article L. 112-7 du code monétaire et financier.

Malheureusement, lors des contrôles réguliers qu'elle effectue, l'administration a toujours objecté qu'elle n'avait à ce jour aucune instruction lui permettant de retirer de la base taxable des amendes les remboursements d'impayés.

Il s'agit, dans la pratique, de quelques dizaines de cas chaque année. Malheureusement, l'amende infligée est de 5 % du montant de la facture, soit de 500 000 euros à 1 million d'euros, ce qui est quand même tout à fait considérable.

Or cet aménagement de la réglementation devrait permettre aux professionnels d'obtenir plus facilement la régularisation de leur situation en évitant de les exposer inutilement au risque d'impayé.

Il convient également de souligner que ce règlement concernant les 1 100 euros ne s'applique que pour les transactions sur les animaux vivants ou sur les produits d'abattage, mettant ainsi les différentes filières professionnelles dans des situations de concurrence déloyale.

En effet, malgré cette réglementation, ce seuil n'est jamais appliqué lorsque le client effectue des achats groupés, par exemple, dans les magasins cash and carry.

Nous pouvons donc légitimement nous interroger sur cette réglementation. Si elle vise, bien sûr, à lutter contre le blanchiment d'argent, il faut bien constater que, appliquée à des flux financiers complètement transparents entre clients et fournisseurs, elle entraîne malheureusement de nombreux dysfonctionnements, qui perturbent beaucoup l'activité des commerçants du MIN de Rungis.

Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'État, ne serait-il pas envisageable d'autoriser le professionnel de bonne foi, en mesure de justifier de l'identité précise du commerçant et de ses difficultés à recouvrer sa créance, de dépasser exceptionnellement le plafond du paiement en espèces ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur le sénateur, vous posez là une question extrêmement pertinente et qui soulève celle, plus générale, de la législation actuelle en matière de paiement en espèces.

Celle-ci trouve, en principe, sa justification dans la volonté de lutter tant contre la fraude fiscale que contre le blanchiment de capitaux. Les articles L. 112-6 et L. 112-7 du code monétaire et financier interdisent d'effectuer en espèces certains paiements au-delà d'un montant qui varie en fonction de la qualité du débiteur – commerçant ou non – et de la nature du bien ou service faisant l'objet du paiement.

En ce qui concerne, plus particulièrement, l'interdiction spécifique faite aux commerçants de payer en espèces certains biens ou services, on peut s'interroger sur le seuil actuellement fixé à 1 100 euros, alors que les particuliers sont soumis à un seuil plus élevé, fixé à 3 000 euros.

En outre, comme vous le relevez très justement, monsieur le sénateur, l'interdiction ne joue que pour l'achat de certains biens et services, par exemple les produits d'abattage, et ne s'applique pas à de nombreux produits, notamment les produits alimentaires d'origine non animale, ce qui crée des distorsions de concurrence et des inégalités entre les commerçants selon la filière professionnelle à laquelle ils appartiennent.

Pour toutes ces raisons, et plutôt que de proposer des solutions passant par des tolérances administratives – dont on sait bien qu'elles peuvent à tout moment être mises en cause – ou des interprétations des articles L. 112-6 et suivants du code monétaire et financier, le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi envisage une réforme de ces dispositions dans le cadre de la transposition de la troisième directive anti-blanchiment.

Permettez-moi de vous exposer très brièvement la philosophie de cette réforme. Tout en maintenant l'objectif de ne pas favoriser la fraude fiscale, le nouveau régime serait rendu plus lisible en prévoyant un plafond de paiement en espèces unique, fixé par décret et applicable à toute créance et à toute personne résidant en France, indépendamment de sa qualité, commerçant ou particulier. Une plus grande liberté serait ainsi laissée aux professionnels dans le choix de leurs moyens de paiement.

Vous avez fait allusion à la rencontre qui a eu lieu en 2005. Nous sommes en 2008. Il est temps de rendre cette réforme plus lisible et donc plus favorable aux activités de commerce dans notre pays.

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Monsieur le secrétaire d'État, je tiens à vous remercier de la clarté de votre réponse et des engagements qui viennent d'être pris. Ils vont directement dans l'intérêt des pratiques commerciales, singulièrement sur le MIN de Rungis, mais aussi sur tout le territoire national.

Nous délibérons très souvent ici des simplifications administratives. Je pense que c'en est une, car les espèces ne sont pas un moyen de paiement qui concentre tous les méfaits.

Partisan de simplifier la vie des commerçants, je tiens à vous remercier de cette réponse. Pour le pôle de Rungis, qui est très créateur d'emplois, comme pour toute la profession commerciale, qui attend des mesures propres à stimuler son développement, celle-ci ira dans le bon sens.

- page 1683

Page mise à jour le