Question de Mme GONTHIER-MAURIN Brigitte (Hauts-de-Seine - CRC) publiée le 17/01/2008
Mme Brigitte Gonthier-Maurin attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi sur la situation de l'usine Areva T&D de Montrouge. Elle lui rappelle que depuis le 10 janvier 2008 les salariés de cette unité de fabrique des transformateurs de mesure, destinés aux professionnels de l'énergie, sont en grève pour sauver les 89 emplois qui sont aujourd'hui menacés par la fermeture du site. Après avoir émis des propositions a minima sur le reclassement et le dédommagement des salariés, la direction refuse le dialogue avec les représentants des personnels. Les courriers adressés au préfet demandant la tenue d'une table ronde réunissant la direction, les représentants des personnels, l'État et les élus du département sont restés lettre morte. Elle insiste sur le fait qu'Areva est une entreprise publique à plus de 90%. Elle lui demande donc quelles garanties l'État compte apporter aux salariés pour que la direction d'Areva mette en place une concertation pour mener de réelles négociations, en vue de préserver l'emploi et l'activité industrielle.
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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la consommation et du tourisme publiée le 30/01/2008
Réponse apportée en séance publique le 29/01/2008
MM. le président. La parole est Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question n° 140, adressée à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je regrette l'absence de Mme Christine Lagarde. J'espère que ce n'est pas une marque de désintérêt de sa part pour ce sujet très important !
Monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, depuis le 10 janvier, 90 % des salariés de l'usine AREVA T & D à Montrouge sont en grève. Ils protestent contre la décision d'AREVA de fermer ce site spécialisé dans la fabrication de transformateurs à haute tension.
La direction met en avant des pertes opérationnelles de plus de 11 millions d'euros. Pourtant, le groupe AREVA se porte bien. Son chiffre d'affaires est en hausse de plus de 10 milliards d'euros en 2006.
Il s'agit d'une augmentation liée, essentiellement, à la hausse des cours de l'uranium et à la forte progression de l'activité de transmission et de distribution, celle-là même qui nous intéresse aujourd'hui.
Le pôle de transmission et de distribution a signé de fructueux contrats au Qatar, en Lybie, en Chine, en Arabie saoudite et, tout récemment, en Inde.
Au même moment, les quatre-vingt-neuf salariés d'AREVA-Montrouge vont être laissés sur le carreau.
Cette fermeture constituera un terrible gâchis humain et industriel.
Ce sera un gâchis humain, car les perspectives de reclassement pour les salariés s'avèrent difficiles, voire impossibles ; du fait de la pyramide des âges, de l'absence de politique de formation et de la situation de désindustrialisation de la région parisienne.
Après la fermeture de Montrouge, il n'y aura plus de site de fabrication de ce type en France. Les salariés s'inquiètent donc.
Par ailleurs, cette fermeture aura des répercussions locales. Ainsi, sur le seul site d'AREVA-Montrouge, 109 entreprises extérieures interviennent.
Après le départ de Schlumberger, d'Orange et d'Ela Medical, Montrouge sera bientôt un désert industriel, au point que les commerçants de la ville, les habitants et, depuis peu, le maire sont solidaires des grévistes !
Il s'agit également d'un gâchis industriel très inquiétant.
Le marché du transport d'électricité en Europe a de beaux jours devant lui, notamment en France.
Or, avec cette fermeture, AREVA prive EDF d'un laboratoire de haute tension comprenant les équipements et l'expertise d'un service de recherche et de développement de haut niveau nécessaires à la surveillance et à la maintenance de l'important parc installé, donc à la pérennité et à la sécurité du transport de l'énergie.
Le parc actuel comporte de nombreux transformateurs de mesure anciens, pour lesquels l'absence de surveillance peut entraîner la défaillance, voire, à l'extrême, l'explosion !
On ne peut que comprendre la réaction des salariés d'occuper l'usine. Cette occupation a duré treize jours, jusqu'à ce que la direction assigne trente et un grévistes en justice. Cette procédure d'intimidation ne visait, en fait, qu'à obtenir la fin de l'occupation. C'est chose faite depuis mardi dernier.
Un médiateur a été nommé, et je viens d'apprendre qu'il a décidé de se retirer.
La grève continue, la direction émettant toujours des propositions a minima sur le reclassement et le dédommagement des salariés.
Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'État, quelles garanties l'État, actionnaire à 91 % d'AREVA, compte apporter aux salariés pour que la direction accepte de mener de réelles négociations.
Permettez-moi également de rappeler les engagements pris par Anne Lauvergeon en décembre dernier devant des députés. Elle a affirmé : « AREVA ne laisse jamais personne sur le bord du chemin et met tout en oeuvre [...] pour que chaque salarié retrouve un travail. »
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Madame le sénateur, vous avez appelé l'attention de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, sur la situation de l'établissement AREVA T & D à Montrouge, dont les salariés sont en grève depuis le début du mois de janvier. Elle m'a chargé de vous présenter ses excuses pour son absence et de vous répondre à sa place.
La société AREVA T & D, qui a en charge le pôle de transmission et de distribution du groupe, a annoncé en septembre 2007 son intention de fermer le site de Montrouge, qui emploie quatre-vingt-neuf salariés, à compter du 31 août 2008. En effet, ses résultats sont négatifs depuis plusieurs années, malgré un effort important de ses salariés, ce qui démontre, aux yeux de la direction d'AREVA, l'absence durable de rentabilité du site.
À la suite de l'annonce de l'engagement de la procédure de fermeture par la direction d'AREVA le 11 janvier dernier, les salariés ont décidé de bloquer le site en exigeant le retrait de ce projet.
L'usine de Montrouge avait déjà connu un conflit social au mois de novembre 2007, avec blocage du site.
Les négociations locales informelles avec l'appui des pouvoirs publics n'ont pas permis de trouver une réponse aux revendications des salariés, notamment sur le niveau des mesures de reclassement et le montant de l'indemnité de licenciement proposé par la direction.
Une délégation des salariés, accompagnée de Mme la députée Marie-Hélène Amiable, a été reçue au cabinet de Christine Lagarde le 23 janvier dernier. Cette réunion a permis de renouer le dialogue entre les parties. Elle a eu pour effet immédiat l'annulation de la procédure de référé engagée par l'entreprise pour libérer l'accès au site, le déblocage de l'usine et la reprise des négociations le lendemain sous la médiation du directeur départemental du travail et de l'emploi.
Les négociations se poursuivent et le Gouvernement, dont l'intervention a contribué à renouer le dialogue entre les parties, espère que ces dernières trouveront maintenant rapidement un accord pour élaborer un plan de sauvegarde de l'emploi équilibré permettant le retour à l'emploi de l'ensemble des salariés dont le poste est supprimé à la suite de la décision de fermeture du site.
Je vous prie de croire, madame le sénateur, que Christine Lagarde se tient personnellement et quotidiennement informée par ses conseillers de l'évolution de ce dossier, et que le Gouvernement est totalement mobilisé.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je tiens à ajouter quelques mots pour réagir à la réponse de M. le secrétaire d'État et pour insister sur les conséquences de la décision d'AREVA.
Il s'agit d'une situation assez classique qui aura, malheureusement, des répercussions sur le plan humain, en raison de l'état de la pyramide des âges que j'ai évoqué, mais aussi de la non-anticipation de la restructuration, via un plan de formation de salariés très spécialisés, et du non-investissement à Montrouge. Tous ces éléments risquent d'empêcher ces personnels - quatre-vingt-neuf employés - de retrouver du travail.
Je tiens également à rappeler qu'il n'y aura plus aucun site de ce type en France et à insister sur le cynisme avec lequel on a obligé ces salariés hautement qualifiés à former des ingénieurs pour d'autres sites. Tout cela, bien évidemment, pour répondre à la sacro-sainte exigence de baisse du coût du travail !
Cette fermeture aura également des répercussions sur le plan industriel. Elle cache, en fait, une délocalisation orchestrée de la production en Allemagne, où AREVA a acquis Ritz Haute Tension, qui fabrique les mêmes produits. Reste à savoir si cette usine parviendra au même degré de certification, et donc de sécurité, pour les objets produits !
Vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'État, pour justifier cette décision, AREVA invoque des raisons économiques et la petitesse du site.
Or, ainsi que vous l'avez souligné, un plan de redressement a été mis en place, qui a porté ses fruits puisqu'en un an les pertes sont passées de 1 million à 123 000 euros. J'insiste sur le fait que les salariés s'y sont particulièrement investis.
Je rappelle que, parallèlement, AREVA n'hésite pas à engloutir des sommes importantes pour ses investissements à l'étranger.
Je souligne également que le cabinet d'expertise comptable Secafi Alpha, mandaté par le comité d'entreprise, avait relevé des lacunes surprenantes, notamment l'absence de chiffrage du coût global prévisionnel du projet de liquidation du site. C'est pourquoi je pense que, lorsqu'on invoque des pertes, il faut tout prendre en compte.
Enfin, je me demande si la décision de fermer le site de Montrouge n'a pas été prise a priori, en faisant l'hypothèse de la rentabilité du projet sans en apporter la démonstration comme l'exige le livre IV du code du travail.
On doit s'interroger également, au final, sur le coût social pour la collectivité de la mise au chômage probable de salariés. Cela pose, une nouvelle fois, la responsabilité sociale de certains grands groupes à l'image d'AREVA, entreprise publique qui plus est !
Je sais que, cet après-midi, les négociations doivent reprendre. Je vous invite, monsieur le secrétaire d'État, à intervenir auprès de la direction d'AREVA pour que ces négociations aboutissent, et ce dans le sens de celles qui ont eu lieu précédemment sur le site de Saint-Ouen.
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