Question de M. REVOL Henri (Côte-d'Or - UMP-A) publiée le 17/01/2008
M. Henri Revol attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la nécessité de fluidifier les passages du monde de la recherche vers celui de l'enseignement universitaire et réciproquement. Un outil existe déjà, le décret n° 2001-935 du 11 octobre 2001 qui permet d'octroyer une prime de mobilité pédagogique aux directeurs de recherche des établissements publics scientifiques et technologiques (EPST) qui s'engagent à prodiguer un enseignement dans un établissement d'enseignement supérieur. Ce décret est toutefois apparu à l'usage trop restrictif puisqu'il exclut de son champ d'application les chargés de recherche et les ingénieurs de recherche des EPST, pourtant titulaires d'un doctorat ou d'un diplôme reconnu équivalent. Il lui demande donc, toutes les parties prenantes consultées s'étant déclarées favorables à cette extension, quand elle entend étendre le champ d'application du décret susmentionné de 2001. Plus généralement, il lui demande de bien vouloir indiquer ses pistes de réflexion actuelles visant à traiter le problème considéré dans toutes ses dimensions.
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Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 30/01/2008
Réponse apportée en séance publique le 29/01/2008
M. le président. La parole est à M. Henri Revol, auteur de la question n° 135, adressée à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Henri Revol. Madame la ministre, tout d'abord, je vous remercie d'avoir accepté de répondre si vite à ma question et d'être aujourd'hui au Sénat alors que votre emploi du temps est bien chargé avec la mise en oeuvre des lois sur la recherche et sur les universités, et cela au lendemain de la remise du rapport Attali. Ma question est d'ailleurs à l'intersection de vos deux préoccupations de l'instant : la recherche et l'université. Alors que la fluidité des passages entre recherche et enseignement apparaît comme une nécessité, la complexité des pratiques et des textes conduit souvent à une viscosité certaine.
Je n'entrerai pas dans le détail des mesures déjà prises pour moduler les quotas d'heures d'enseignement, harmoniser les primes et les statuts, valoriser les cursus et évaluer les performances. Mais je souhaiterais connaître, madame la ministre, votre vision d'ensemble de ce dossier, en particulier sur un point précis, qui est souvent évoqué par les personnalités que nous avons l'occasion d'auditionner à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques : l'extension du champ d'application du décret du 11 octobre 2001.
Ce décret permet d'octroyer une prime de mobilité pédagogique aux directeurs de recherche des établissements publics scientifiques et technologiques, les EPST, qui s'engagent à assurer un enseignement dans un établissement d'enseignement supérieur. En revanche, il exclut de son champ d'application les chargés de recherche et les ingénieurs de recherche de ces EPST. Je vous remercie de me faire connaître, madame la ministre, si vous entendez procéder à une extension du champ d'application du décret dans un avenir proche.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, je partage entièrement l'objectif qui sous-tend votre question : je crois comme vous, en effet, à la nécessité de fluidifier les passages entre le monde de la recherche et celui de l'enseignement supérieur.
D'une part, la richesse de notre système de recherche repose sur les synergies que développent chercheurs et enseignants-chercheurs travaillant côte à côte dans des unités mixtes de recherche.
D'autre part, la qualité de l'enseignement supérieur est fondée sur l'adossement des formations à la recherche. Il importe ainsi que les chercheurs puissent, s'ils le souhaitent, faire bénéficier les étudiants de leur expertise, sachant qu'eux-mêmes retireront, à n'en pas douter, des éléments de réflexion supplémentaires de leurs échanges avec les étudiants.
Le décret du 11 octobre 2001, que vous avez évoqué, monsieur le sénateur, en octroyant une prime de mobilité pédagogique aux directeurs de recherche, les incite à développer une activité d'enseignement.
Ce dispositif constitue une première étape dont l'extension aux chargés de recherche et ingénieurs de recherche revêt un intérêt certain.
La modification du décret de 2001 avait été envisagée en ce sens, mais elle n'avait pas tout à fait abouti, car toute modification d'un régime indemnitaire implique d'en mesurer l'ensemble des incidences, y compris reconventionnelles, dans les corps comparables. De surcroît, la réflexion avait été conduite dans un contexte bien différent de la situation actuelle, avant notamment le vote de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilité des universités.
Cette loi fait en effet des personnels des organismes de recherche travaillant dans des laboratoires liés à l'université, des membres à part entière de la communauté universitaire. Ils sont électeurs ou éligibles dans les collèges correspondants, qu'ils soient directeurs, chargés de recherche ou ingénieurs, respectivement au même titre que les enseignants-chercheurs ou que les personnels ingénieurs de recherche et formation.
De plus, bénéficiant des compétences élargies, les universités auront la possibilité de fixer les principes d'une politique de primes et de dispositifs d'intéressement, qui pourront, dans certains cas, être versés aux personnels des organismes de recherche exerçant des activités d'enseignement ou des responsabilités diverses dans l'université.
Cette possibilité est symétrique de celle donnée aux organismes de recherche d'attribuer l'indemnité spécifique pour fonctions d'intérêt collectif, appelée l'ISFIC, aux enseignants-chercheurs directeurs de laboratoires.
En effet, la participation des chercheurs à l'enseignement est, avec l'accueil des enseignants-chercheurs en délégation dans les EPST, un des éléments du partenariat global entre l'organisme de recherche et l'université dont le groupe présidé par l'ancien ministre François d'Aubert doit préciser les contours, tandis que les travaux menés par la commission présidée par Rémy Schwartz sur l'avenir des personnels de l'université devraient permettre de formuler des propositions en matière de mobilité et d'évolution des régimes indemnitaires.
Je souhaite que les deux dispositifs croisés, accueil des enseignants-chercheurs en délégation et participation des chercheurs à l'enseignement, facilitent la modulation du service des enseignants-chercheurs, et en particulier l'allégement du service des jeunes enseignants-chercheurs, disposition novatrice également inscrite dans la loi du 10 août 2007.
C'est dans cet esprit qu'est d'ailleurs intervenu hier le Président de la République à Orsay, lorsqu'il a évoqué une piste de réflexion concernant un double rattachement des jeunes personnels recrutés dans les organismes de recherche et dans les universités.
En effet, aujourd'hui, un jeune docteur reçu en même temps au CNRS et dans une université doit faire un choix cornélien : soit choisir une carrière de chercheur et se priver du contact avec les étudiants et avec l'enseignement ; soit choisir une carrière d'enseignant-chercheur et consacrer beaucoup de temps à l'enseignement, au risque de perdre une partie de ses capacités à faire une recherche de haut niveau, faute de temps et de liberté d'esprit.
Je crois qu'il est de notre devoir de trouver une voie nouvelle qui permette de concilier dans le temps les aspirations et les compétences, tout en préservant les besoins des institutions.
Un double rattachement à un organisme de recherche et à un établissement d'enseignement supérieur pour une durée donnée permettrait effectivement de proposer une modulation dans le temps de l'activité des jeunes chercheurs recrutés au bénéfice de tous, et je vous propose de travailler en ce sens.
C'est dans ce cadre global, cohérent et renouvelé, que pourra être mise en oeuvre avec efficacité la refonte du décret de 2001.
M. le président. La parole est à M. Henri Revol.
M. Henri Revol. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse encourageante, qui ne m'étonne guère ! Je connais en effet votre forte implication pour faire évoluer la recherche et l'enseignement supérieur de notre pays et nous donner les moyens - enfin ! - que ces deux milieux travaillent la main dans la main, pour leur profit commun.
Permettez-moi de vous féliciter de votre engagement, qui se situe d'ailleurs dans la droite ligne des grandes orientations qu'a données hier le Président de la République.
Votre réponse apaisera les doléances que nous recueillons souvent en tant que membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, puisque, comme vous le savez, nous avons établi des parrainages au sein de l'office entre parlementaires - députés et sénateurs - et chercheurs. Je suis heureux que le Gouvernement puisse prendre en compte ce type de revendications que nous entendons lors de nos visites dans les laboratoires, et y apporter - bientôt, je l'espère - des solutions concrètes.
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