Question de M. MURAT Bernard (Corrèze - UMP) publiée le 14/12/2006

M. Bernard Murat attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur l'allègement de la redevance versée au profit de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) par les arboriculteurs. Les producteurs de fruits et légumes emploient environ 300 000 actifs, dont 230 000 salariés qui sont à 90 % des saisonniers. Face aux difficultés de recrutement, certains exploitants arboricoles font appel à la main-d'œuvre étrangère saisonnière, principalement en provenance de Pologne, du Maroc et de la Tunisie, via une procédure gérée par l'ANAEM. Dans ce cadre, ils doivent s'acquitter d'une redevance forfaitaire auprès de l'agence.
Vu la pénurie de main-d'œuvre saisonnière locale, ainsi que le coût de la redevance, un engagement a été pris, notamment dans le plan arboricole, d'allèger cette dernière de 50 % pour les arboriculteurs. Dernièrement, lors d'un déplacement en Corrèze, cet engagement a été renouvellé, mais à ce jour, rien n'est venu. Il lui demande donc de lui préciser les mesures qu'il entend prendre afin de remédier à cette situation.

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Réponse du Ministère de l'écologie et du développement durable publiée le 31/01/2007

Réponse apportée en séance publique le 30/01/2007

M. le président. La parole est à M. Bernard Murat, auteur de la question n° 1193, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Bernard Murat. Madame la ministre, les producteurs de fruits et légumes emploient environ 300 000 actifs, dont 230 000 salariés, saisonniers pour 90 % d'entre eux, et ce malgré le nombre significatif de demandeurs d'emploi non qualifiés dans notre pays.

Face aux difficultés de recrutement de saisonniers sur le territoire français, certains exploitants arboricoles font appel à de la main-d'oeuvre étrangère saisonnière, principalement en provenance de Pologne, du Maroc et de la Tunisie, par le biais d'une procédure gérée par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM. Dans ce cadre, les producteurs doivent s'acquitter d'une redevance forfaitaire auprès de l'agence, mais variable en fonction du contrat du salarié : de 158 euros pour un contrat de moins de deux mois à 473 euros pour un contrat de six à huit mois.

Cette situation est tout à fait étonnante quand on en connaît les effets médiatiques quant à l'emploi des personnes non qualifiées.

Compte tenu de la pénurie de main-d'oeuvre saisonnière locale en France malgré les efforts de l'ANPE, ainsi que du coût non négligeable de la redevance pour les exploitants en difficulté économique, la libre circulation des travailleurs en provenance des pays de l'Est a été demandée lors des négociations relatives au volet emploi du plan stratégique « fruits », pour que les arboriculteurs n'aient plus l'obligation de passer par la procédure d'introduction gérée par l'ANAEM.

Ne pouvant s'engager sur la libre circulation des travailleurs en provenance des PECO, le ministre de l'agriculture a proposé un allégement de la redevance ANAEM de 50 % du montant de la redevance pour les saisonniers en provenance des nouveaux États membres. Cette proposition figure dans le plan arboricole annoncé en mars dernier.

Dernièrement, lors d'un déplacement en Corrèze, il a renouvelé son engagement, qui, à ce jour, n'a pas été suivi d'effets. Je souhaiterais donc aujourd'hui que me soient précisés les mesures envisagées et le calendrier de mise en place de cette proposition d'allégement de la redevance ANAEM pour les arboriculteurs.

Je saisis l'opportunité qui m'est offerte de m'exprimer sur cette question afin d'attirer votre attention sur le projet de réforme de l'organisation commune du marché, OCM, des fruits et légumes adopté il y a quelques jours par la Commission européenne.

Si nous pouvons nous féliciter de la préservation d'une OCM spécifique à la filière fruits et légumes et des objectifs affichés de renforcement de l'organisation de la production, le contenu du projet inquiète au plus au point : découplage des aides pour les filières de fruits et légumes transformés, outil de gestion de crise réservés aux seuls producteurs organisés, absence d'un volet de « préférence communautaire ».

Les exploitants parlent « d'une copie à revoir ». Quant au ministre de l'agriculture, il a lui-même indiqué que la proposition de la Commission manquait totalement d'ambition et était, sur certains aspects, contestable. Je vous demande donc ce que le Gouvernement compte faire pour que cette proposition soit modifiée et améliorée.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de mon collègue Dominique Bussereau, qui est actuellement en entretien avec le Président de l'Azerbaïdjan.

Les producteurs de fruits et légumes, plus particulièrement les arboriculteurs, emploient un nombre important de salariés pour mener à bien les différents travaux saisonniers dans leurs exploitations, contribuant ainsi à maintenir l'activité dans les territoires ruraux. Le marché local du travail ne peut, à lui seul, répondre aux besoins de main-d'oeuvre de ces secteurs.

C'est pourquoi le ministère de l'agriculture et de la pêche se mobilise avec les professionnels pour apporter des réponses à leurs difficultés de recrutement.

Ainsi le ministère de l'agriculture et de la pêche a-t-il ouvert, à l'occasion du dernier salon international de l'agriculture, en partenariat avec l'Agence nationale pour l'emploi, l'ANPE, l'Association pour l'emploi des cadres, ingénieurs et techniciens de l'agriculture et de l'agroalimentaire, l'APECITA, et l'Association nationale pour l'emploi et la formation en agriculture, l'ANEFA, un site Internet offrant à tous les employeurs des secteurs de l'agriculture, de l'agroalimentaire et des services en milieu rural, la possibilité de publier gratuitement leurs offres d'emploi.

Dans l'optique de mutualiser l'emploi entre les différents secteurs économiques présents sur un territoire, le ministère de l'agriculture et de la pêche s'est également attaché à promouvoir la création de groupements d'employeurs multisectoriels grâce à des allégements spécifiques pour toute embauche en contrat à durée déterminée ou en contrat à durée indéterminée réalisée entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2007 ; c'est l'article 27 de la loi du 5 janvier 2006 d'orientation agricole.

Le ministère de l'agriculture et de la pêche s'est attaché à faire prendre en compte les spécificités du monde rural dans le processus d'ouverture progressive du marché du travail aux salariés des nouveaux États membres de l'Union européenne. Depuis le 1er mai 2006, la situation de l'emploi n'est plus opposée aux demandes d'introduction de travailleurs originaires de ces pays dans de nombreuses activités agricoles.

Sont concernés les métiers de maraîcher horticulteur saisonnier, d'arboriculteur viticulteur saisonnier ou encore d'aide saisonnier agricole.

Concernant la redevance due à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM, en cas de recours à la main-d'oeuvre saisonnière originaire des nouveaux États membres, son montant doit être apprécié au regard des prestations rendues par l'agence aux employeurs agricoles. Si la demande de réduction de la redevance n'a pu être retenue dans l'immédiat, elle pourrait être réexaminée en fonction des résultats de l'ouverture progressive et maîtrisée du marché du travail aux ressortissants des nouveaux États membres et en tenant compte de l'objectif de compétitivité des producteurs français de fruits et légumes.

S'agissant du projet de réforme des « Organisations communes de marchés fruits et légumes frais et transformés » que la Commission européenne vient de faire connaître, sachez, monsieur le sénateur, qu'en l'état la proposition de la Commission n'est ni acceptable ni satisfaisante pour la France.

En effet, les outils de gestion de crise proposés ne sont pas de nature à répondre à l'ampleur et à la diversité des crises conjoncturelles auxquelles la filière des fruits et légumes est, par nature, régulièrement confrontée. La Commission n'apporte ni les moyens juridiques, ni, surtout, les moyens financiers nécessaires à la prévention et à la gestion des crises. Il est, en particulier, absolument indispensable que les mesures proposées soient opérationnelles et impliquent tous les producteurs, organisés et indépendants, d'une filière en crise.

De même, l'attractivité des organisations de producteurs doit être renforcée. Ces dernières doivent pouvoir programmer des actions dans le cadre de leur fonds opérationnel pour une part majorée de la valeur de leur production commercialisée.

Un très gros travail reste donc nécessaire pour modifier et améliorer cette proposition. Soyez assuré, monsieur le sénateur, que la France y apportera sa contribution pour aboutir à des améliorations notables donnant ainsi aux filières fruits et légumes de réelles perspectives de développement, dans un environnement économique stabilisé.

M. le président. La parole est à M. Bernard Murat.

M. Bernard Murat. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Je vous rappelle que les fruits et légumes font partie du plan nutrition-santé. Nous connaissons tous l'aspect bénéfique de la consommation des fruits et légumes sur la nutrition, en particulier sur des maladies comme le cancer. Au-delà du problème purement agricole, le volet santé mérite d'être pris en compte.

J'ai bien compris que vous alliez réexaminer ce problème et je vous en remercie. Pour votre information, je vous indiquerai que vingt saisonniers polonais employés en Corrèze pendant quatre à six mois coûtent à l'exploitant 6 720 euros. Il faut quand même le savoir, c'est du concret ! Cela ne peut plus durer plus longtemps ! Le réexamen que vous annoncez est tout à fait positif.

Quant à votre position et à celle du Gouvernement vis-à-vis de l'OCM, je n'en attendais pas moins du ministre de l'agriculture et du Gouvernement. Il faut absolument que la France fasse entendre sa voix haut et fort dans ce concert européen où l'agriculture devient une variable d'ajustement politique, ce qui est inacceptable au regard de la tradition française et de ce que représente l'agriculture dans l'économie de notre pays.

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