Question de Mme TASCA Catherine (Yvelines - SOC) publiée le 16/11/2006
Mme Catherine Tasca souhaite attirer l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le droit de nos concitoyens à bénéficier de l'aide juridictionnelle. L'aide juridictionnelle est fondamentale pour garantir la qualité et l'équité du service public de la justice sur l'ensemble du territoire. Elle ne peut fonctionner sans les moyens adéquats, alors même qu'elle est de plus en plus sollicitée en raison de l'appauvrissement de la population. Dans le département des Yvelines, une assemblée générale réunissant les 600 avocats du barreau de Versailles s'est tenue sur cette question le 26 octobre dernier. A cette occasion ils ont demandé instamment l'accroissement des moyens financiers. Cet effort paraît urgent et légitime. Il est incontestable que la qualité de la prestation que tout justiciable est en droit d'attendre est aussi liée à une juste rémunération du travail fourni par les avocats. Après un protocole signé en décembre 2000 entre le ministère de la justice et les représentants de la profession, la chancellerie s'était engagée, en janvier 2003, à ce que l'indemnisation des avocats soit augmentée de 15 % en 2004, puis de 5 % pour les années suivantes. C'est donc une hausse de 25 % qui devait être envisagée pour 2006 par rapport à 2003. Cela aurait fait passer la rémunération des avocats de 182 à 227 euros pour un dossier représentant 10 à 15 heures de travail. Or le ministre de la justice n'a annoncé que 6 % d'augmentation, provoquant ainsi le découragement de nombreux avocats. Elle est au regret de rappeler que la France, avec ce retard en termes de moyens pour l'aide juridictionnelle, figure par les plus « mauvais élèves » de l'Union européenne en termes d'accès au droit et de répartition équitable de la charge que cela représente. Face à ce problème récurrent, elle demande au Gouvernement quelles mesures concrètes et rapides, notamment budgétaires, il compte prendre pour permettre un fonctionnement normal et efficace des services d'aide juridictionnelle, qui est une des conditions de l'égalité entre nos concitoyens et du rétablissement de leur lien de confiance envers la justice, confiance aujourd'hui considérablement entamée.
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Réponse du Ministère délégué au commerce extérieur publiée le 20/12/2006
Réponse apportée en séance publique le 19/12/2006
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, auteur de la question n° 1170, adressée à M. le garde des sceaux.
Mme Catherine Tasca. Je souhaite attirer l'attention de M. le garde des sceaux sur le droit de nos concitoyens à bénéficier de l'aide juridictionnelle.
Cette dernière est fondamentale pour garantir la qualité et l'équité du service public de la justice sur l'ensemble du territoire. Elle ne peut fonctionner sans les moyens adéquats, alors même qu'elle est de plus en plus sollicitée, en raison de l'appauvrissement d'une part croissante de la population.
Hier, nous avons assisté, en moins de deux mois, à la quatrième journée « justice morte », lancée par le principal syndicat de magistrats et par les organisations d'avocats, appelant à une réforme de l'accès au droit et à une revalorisation de l'aide juridictionnelle pour défendre les plus démunis.
Dans le département des Yvelines, les 600 avocats du barreau de Versailles ont signé un texte demandant l'accroissement des moyens financiers. Cet effort paraît urgent et légitime. Par rapport à l'année dernière, pour reprendre l'exemple du barreau de Versailles, on constate une augmentation de 11,5 % du nombre d'interventions des avocats. En outre, il est incontestable que la qualité de la prestation, que tout justiciable est en droit d'attendre, est aussi liée à une juste rémunération du travail fourni par les avocats.
La Chancellerie s'était engagée, au mois de janvier 2003, à ce que l'indemnisation des avocats soit augmentée de 15 % en 2004, puis de 5 % les années suivantes. C'est donc une hausse de 25 % qui devait être envisagée pour 2006 par rapport à 2003. Cela aurait fait passer la rémunération des avocats de 182 euros à 227 euros pour un dossier représentant 10 à 15 heures de travail. Or, dans le projet de loi de finances pour 2007, l'augmentation prévue n'a été que de 6,6 %, ce qui a provoqué le découragement de nombreux avocats.
Je suis au regret de rappeler que la France, avec ce retard pris à l'égard des moyens consacrés à l'aide juridictionnelle, figure parmi les plus mauvais élèves de l'Union européenne en termes d'accès au droit et de répartition équitable de la charge que cela représente.
J'ai bien pris acte que, grâce à la mobilisation de nombreux parlementaires, notamment des sénateurs socialistes du Sénat, l'augmentation a finalement été portée à 8 %. Mais cela paraît encore insuffisant.
Face à ce problème récurrent, je souhaite savoir quelles mesures nouvelles compte prendre M. le garde des sceaux pour permettre un fonctionnement normal et efficace des services de l'aide juridictionnelle, qui est une des conditions de l'égalité entre nos concitoyens et du rétablissement de leur lien de confiance envers la justice, confiance aujourd'hui considérablement entamée pour de multiples raisons, que vous connaissez.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Madame la sénatrice, M. le garde des sceaux ne pouvant être présent ce matin dans cet hémicycle, il vous prie de bien vouloir l'excuser et m'a demandé de répondre à votre question.
Permettez-moi de vous rappeler qu'à la suite du protocole d'accord signé avec la profession des avocats au mois de décembre 2000 plusieurs réformes ont contribué à améliorer la rémunération de l'avocat perçue au titre de l'aide juridictionnelle.
Ainsi, en 2001, le barème de rétribution a été revalorisé dans dix-sept procédures et la rétribution de l'avocat intervenant au cours de la garde à vue a été augmentée. L'effort budgétaire de cette réforme a représenté un coût de 56 millions d'euros en année pleine et de manière récurrente.
Par ailleurs, conformément aux objectifs définis pour les professions judiciaires dans la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice et à la suite des travaux engagés avec les instances représentatives de la profession d'avocat, au cours desquels il avait été envisagé plusieurs hypothèses de travail, notamment l'augmentation de l'unité de valeur de référence que vous avez évoquée, diverses mesures ont permis d'améliorer les conditions de rémunération des avocats.
Ainsi, le barème de rétribution a été rééquilibré dans une proportion plus importante que celle qui était initialement prévue. Il a également été décidé de revaloriser de 2 % le montant de l'unité de valeur à compter de 2004. Cet effort budgétaire récurrent a représenté un coût de 15,8 millions d'euros en année pleine.
Soucieux de poursuivre cet effort, M. le garde des sceaux a annoncé, en septembre dernier, l'inscription dans le projet de loi de finances pour 2007 d'une mesure tendant à revaloriser d'au moins 6 % le montant de l'unité de valeur de référence. Conscient des difficultés rencontrées par les avocats, qui le lui font bien savoir, il a émis un avis favorable sur l'amendement parlementaire, auquel vous-même avez fait allusion, lequel visait à accorder une revalorisation supplémentaire de 2 % de ce montant.
Cette revalorisation permettra de porter le montant de l'unité de valeur à 22,50 euros en 2007. Ainsi, depuis la conclusion du protocole d'accord le 18 décembre 2000, la revalorisation s'élève à près de 12 %, l'effort exceptionnel accompli en 2007 représentant, à lui seul, plus du double de ce qui a été fait pendant les sept années précédentes.
J'ajoute que, pour les aides juridictionnelles totales, cette hausse sera amplifiée par l'effet de la majoration prévue à l'article 27 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Le montant moyen de l'unité de valeur s'élèvera donc à 24,32 euros, et non à 22,50 euros.
Pour autant, dans un souci de modernisation du dispositif, M. le garde des sceaux a décidé de réunir, le 30 janvier prochain, les Assises de l'aide juridictionnelle et de l'accès au droit. Ce sera l'occasion d'échanger les points de vue avec les représentants de la profession d'avocat sur les niveaux de rétribution à l'aide juridictionnelle, sur la qualité de la défense ou, encore, sur l'assurance de protection juridique.
À cet égard, madame la sénatrice, M. Clément m'a demandé de vous préciser qu'un projet de réforme de l'assurance de protection juridique doit être examiné au Sénat le 23 janvier 2007. Il est prévu de développer cette assurance en faveur, notamment, des classes moyennes, qui, exclues de tout type d'aide juridictionnelle, ne peuvent pas pour autant accéder facilement à la justice.
Enfin, je tiens à le souligner, la Commission européenne pour l'efficacité de la justice, dans son rapport publié en 2006, met clairement en avant le fait que, parmi les quarante-six pays membres du Conseil de l'Europe, la France figure aux toutes premières places pour l'importance du budget qu'elle consacre à la justice.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Tout à l'heure, j'ai moi-même pris acte de l'augmentation budgétaire de 8 % en faveur de l'aide juridictionnelle prévue dans le projet de loi de finances pour 2007. Mais, je le répète, cette augmentation, obtenue grâce au Parlement, reste insuffisante eu égard aux engagements de l'État sur cette question, aux retards accumulés ces dernières années et, surtout, à la crise de confiance exprimée par nos concitoyens à l'endroit du service public de la justice. Je note d'ailleurs que vous avez surtout évoqué, vous faisant sans doute le porte-parole de M. le garde des sceaux, les améliorations apportées en la matière avant l'actuel gouvernement.
La réunion des Assises de l'aide juridictionnelle et de l'accès au droit, annoncée par M. Clément pour la fin du mois de janvier prochain, constitue sans doute une contribution utile, mais est loin de répondre aux attentes urgentes et concrètes des professionnels de la justice et de l'ensemble des Français.
J'ajoute que la charge financière de l'aide juridictionnelle est importante non seulement pour les avocats qui acceptent d'intervenir dans ce cadre, mais également pour les ordres qui sont amenés à subventionner le déficit de fonctionnement. À mon sens, le Gouvernement doit réellement prendre conscience du malaise dans lequel sont aujourd'hui plongés nombre de nos magistrats et de nos avocats et qu'a bien illustré la journée d'action largement suivie hier dans toute la France.
Madame la ministre, vous avez justement rappelé les réformes apportées notamment par le gouvernement de Lionel Jospin en 2000 et en 2001. Avec mes collègues du groupe socialiste, je continuerai donc d'être vigilante, à l'avenir, pour que l'État tienne ses engagements et apporte, en matière d'aide juridictionnelle, un renfort qui est aujourd'hui indispensable dans notre pays. Nos concitoyens sont, en effet, de plus en plus nombreux à se retrouver démunis et à ne pas avoir les moyens de défendre justement leurs droits. Au final, ils ont de plus en plus de mal à faire confiance à la justice.
Quant au satisfecit donné à la France sur les moyens dédiés à la justice, il ne peut en aucun cas porter sur le niveau des moyens de l'aide juridictionnelle que nous avons évoqué ce matin.
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