Question de M. PIRAS Bernard (Drôme - SOC) publiée le 19/10/2006
M. Bernard Piras attire l'attention de M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer sur les difficultés que pose aujourd'hui la passation des contrats de mandat dans le domaine de la maîtrise d'ouvrage. En effet, si l'article 3.7° du code des marchés publics prévoyait que " les dispositions du présent code ne sont pas applicables aux contrats de mandat ", cette mesure a été annulée par le Conseil d'État considérant que la directive européenne n° 92/50/CEE, relative aux marchés de services, " soumet la passation des marchés publics de services à des règles de transparence et de mise en concurrence ; que si le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie soutient que les contrats de mandat qui ont pour objet exclusif de confier au mandataire mission de représenter une personne publique mandante n'entrent pas dans le champ d'application des annexes I A et I B de cette directive, le 7° de l'article 3 ne pouvait, sans méconnaître les objectifs de cette dernière, soustraire de façon générale et absolue tous les contrats de mandat à l'application des dispositions du code des marchés publics prises pour assurer la transposition des dispositions de cette directive, y compris ceux qui, conclus à titre onéreux, sont passés en vue de la réalisation de prestations d'autres " (CE, 5 mars 2003, Union nationale des services publics industriels et commerciaux et autres, n° 233372). Ainsi, de manière explicite, le Conseil d'État reconnaît que si des contrats de mandat ne sont pas soumis aux dispositions du code des marchés publics, d'autres doivent l'être. Toutefois, le Conseil d'État n'ayant pas donné d'exemple ou de liste de ces contrats soumis aux règles du code des marchés publics fait qu'il est contesté que les mandats de maîtrise d'ouvrage ou d'aménagement entrent dans cette catégorie. A titre d'exemple de cette contestation, on peut lire dans un article de la livraison de mars 2003 de Jury-Flash (publication de la Société centrale pour l'équipement du territoire) qu'" il apparaît que le juge a annulé l'article 3.7° du code des marchés publics pour le motif que cet alinéa rejetait "de façon générale et absolue" tous les contrats de mandat sans distinguer leur objet. Cependant, il n'a pas pour autant réfuté l'argument du ministre de l'économie et des finances. Par conséquent, si la décision du Conseil d'État a pour effet de sortir les contrats de mandat de la liste des contrats exclus du champ d'application du code des marchés publics, on ne doit pas nécessairement en déduire que tous les contrats de mandat doivent être soumis aux dispositions du code ". L'article poursuit : " Il nous semble que les mandats relevant des 3 cadres juridiques ci-dessous restent exclus en règle générale du champ d'application du CMP (même s'ils peuvent faire l'objet de consultations informelles) : "le mandat de maîtrise d'ouvrage de la loi MOP de 1985", "le mandat de l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme" et "le mandat de l'article R. 321-20 du code de l'urbanisme" ". Face à ce problème qui ne paraît donc pas encore tranché, il lui demande quelle est l'attitude que doivent adopter les collectivités territoriales de manière à sécuriser au mieux la passation des contrats de mandat dans le domaine de la maîtrise d'ouvrage.
- page 2648
Réponse du Ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer publiée le 26/04/2007
Le mandat de maîtrise d'ouvrage publique déléguée, communément désigné sous le nom de mandat « MOP » consiste, de la part d'un maître d'ouvrage public, à confier à un mandataire l'exercice, en son nom et pour son compte, de certaines de ses attributions. Il est défini par l'article 3 de la loi n° 1985-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée, qui précise les missions pouvant être déléguées, ses conditions de mise en oeuvre étant précisées aux articles suivants. Les contrats de mandat « MOP » relèvent du code des marchés publics. D'une part, la circulaire du 3 août 2006 portant manuel d'application du code rappelle, en son article 2-5, que les contrats de mandat confiés à une tierce personne et rémunérés sont des marchés publics « ne bénéficiant pas d'un quelconque régime dérogatoire ». D'autre part, les contrats de mandat ne figurent pas au nombre des exceptions à son champ d'application énumérées à l'article 3 du code. Ce dernier point est la conséquence directe de la décision du Conseil d'Etat en date du 5 mars 2003 annulant l'ancien article 3-7 du code de 2001, lequel prévoyait cette exception générale. L'ensemble de ces dispositions résultent de l'application des principes communautaires de libre accès à la commande publique (obligation de publicité) et de non-discrimination entre candidats (obligation de mise en concurrence) repris par la directive 2004/18 relative à la coordination des mesures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services. Elles ont été confirmées et précisées par l'arrêt en date du 20 octobre 2005 de la Cour de justice des Communautés Européennes statuant sur l'affaire C/264/03, contentieux né entre la commission européenne et la France au sujet de la compatibilité avec le droit communautaire de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985. L'arrêt de la Cour précise en son considérant 58 que « le contrat de mandat, tel que défini par la loi n° 85-704, est un marché public de services au sens de l'article 1 », sous a, de la directive 92/50 et relève du champ d'application de celle-ci ». Transposées par le code des marchés publics 2006, ces règles applicables aux marchés de service se répartissent entre les articles 29 et 30 du dit code, reprenant la distinction opérée par la directive 2004-18 entre les services énumérés à son annexe II A, qui relèvent du droit commun, et ceux listés à l'annexe II B , qui autorisent le recours à des procédures simplifiées en raison de leur nature. La procédure de passation à utiliser par la collectivité décidant de recourir à un mandat de maîtrise d'ouvrage dépendra des missions confiées au mandataire. A cet égard, la Cour admet en son considérant 55 que les missions comportant une fonction de représentation relèvent de l'article 21 de la directive 2004-18 transposé par l'article 30 du code des marchés publics. Ce dernier permet de recourir à une procédure dite « adaptée », non formalisée et choisie librement par le pouvoir adjudicateur, dans le respect des principes généraux du droit communautaire précités. Dans son considérant 10, la Cour précise que « les marchés qui ont pour objet à la fois des services figurant à l'annexe I A et des services figurant à l'annexe I B sont passés conformément aux dispositions des titres III à VI lorsque la valeur des services figurant à l'annexe I A dépasse celle des services figurant à l'annexe I B. Dans les autres cas, le marché est passé conformément aux articles 14 et 16 ». NB : les références d'annexe et d'article de l'arrêt de la Cour sont celles de la directive 92/50, « services », qui on été reprises par la directive 2004-18 avec une numérotation différente. Il résulte de la combinaison des deux considérants précités que la distinction s'appliquerait, en particulier, au cas d'un contrat de mandat qui comporterait des missions mixtes, certaines ne comportant pas de fonction de représentation. En pratique il appartient au maître d'ouvrage d'évaluer la part du contrat dédiée à des missions comportant une fonction de représentation. Le critère pratique de distinction pourra être le périmètre de délégation de signature au mandataire des actes relatifs à la réalisation de l'ouvrage, pour chaque mission visée par la loi « MOP », le juge ayant toujours, en cas de litige, la faculté de procéder à son tour à la même évaluation pour qualifier le marché. Rapporté au code des marchés 2006, le mandat « MOP » relève de l'article 30 si les missions comportant une fonction de représentation sont principales, et de l'article 29 si elle sont accessoires. Il convient de rappeler à cet égard qu'il est de la nature même du mandat de comporter une part déterminante de représentation, puisque c'est ce qui le distingue d'une simple assistance à la maîtrise d'ouvrage ou d'une conduite d'opération, étant rappelé que les collectivités restent libres de définir le contenu de leurs contrats dans le cadre des règles générales fixées par la loi « MOP ». En toute hypothèse, le pouvoir adjudicateur est soumis à des obligations de publicité et de mise en concurrence effective. Dans le cas de l'application de l'article 30, il conserve une grande latitude de mise en oeuvre de ces obligations, dans le cadre du marché à procédure adaptée, le choix et l'intensité des mesures de publicité devant toutefois tenir compte du montant, de la nature et des caractéristiques de l'opération. S'applique, à cet égard, la jurisprudence du Conseil d'Etat « Région Nord-Pas-de-Calais » du 5 octobre 2005 qui impose, y compris pour les marchés inférieurs au seuil de 90 000 , la mise en oeuvre d'une publicité effective et adaptée au champ d'activité des opérateurs économiques susceptibles de concourir. Le pouvoir adjudicateur doit ensuite s'assurer, en fonction du montant du marché et du potentiel de concurrence à l'échelle locale, d'une mise en concurrence effective. Il dispose en revanche d'une marge d'appréciation importante dans les modalités de consultation et dans la définition des critères de choix de l'attributaire, par rapport à une procédure formalisée. Dans le cas des mandats relevant de l'article 29 du code, le pouvoir adjudicateur devra appliquer les règles de droit commun, en fonction des seuils nationaux et communautaires. Un mandat de moins de 90 000 relèvera d'une procédure adaptée. Un mandat rémunéré entre 90 000 et 210 000 (135 000 euros pour l'Etat), devra appliquer l'article 40 du CMP qui précise et renforce les mesures de publicité mais la mise en concurrence et la passation pourront s'opérer, le cas échéant, sous forme négociée. Au-delà de 210 000 (135 000 pour l'Etat), le marché sera soumis à l'une des procédures formalisées de l'article 26 (appel d'offres ouvert ou restreint, dialogue compétitif voire procédure négociée si les conditions prévues sont remplies...). Dans ce contexte, la sécurité juridique consistera, de la part d'une collectivité souhaitant confier un mandat de maîtrise d'ouvrage, à définir préalablement le champ des prérogatives qu'elle entend déléguer et à en tirer les conséquences en termes de procédure applicable. A cet égard il convient de préciser que le mandat « MOP » est d'exécution personnelle et que, tel que conçu par la loi du 12 juillet 1985, il est incompatible avec toute prestation de maîtrise d'oeuvre. S'agissant, en second lieu, des concessions et mandats applicables aux opérations d'urbanisme et d'aménagement, les mêmes principes généraux trouvent à s'appliquer avec des modalités spécifiques définies et récemment précisées par le code de l'urbanisme. D'une part, la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 (Journal officiel du 16 juillet 2006), dont l'article 7 a modifié sur ce point l'article L. 300.4 du code de l'urbanisme, a défini la notion de « concession d'aménagement », et a prévu que sa passation soit soumise à des mesures de publicité et de mise en concurrence. Le détail de ces mesures a été précisé par le décret n° 2006-959 du 31 juillet 2006 insérant les articles R. 300-4 à R. 300-11 du code de l'urbanisme. Sous réserve de l'appréciation souveraine du juge, il appartient à la collectivité ayant à passer une concession d'aménagement de suivre ces dispositions. Il convient toutefois de préciser que le contrôle du juge, lorsqu'il est saisi, s'exerce à la fois sur la forme et sur le contenu du contrat pour en déterminer la qualification juridique. C'est ainsi que, par décision du 18 janvier 2007, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé dans l'affaire C 220/05 « Commune de Roanne » qu'un contrat passé sous l'égide de l'ancien article L. 300.4 du code de l'urbanisme devait être requalifié en marché de travaux du fait que l'opérateur s'était vu confier des opérations de travaux qui l'emportaient sur les missions d'aménagement. D'autre part, l'article R. 321-20 du code de l'urbanisme détermine les conditions dans lesquelles les collectivités publiques et leurs établissements publics peuvent, par convention, déléguer tout ou partie de leurs compétences et prérogatives d'aménagement à des organismes visés au dit code et fixe le contenu de la convention qui définit cette mission. Il en ressort que les conventions visées à l'article R. 321-20 du code de l'urbanisme sont, à l'instar des contrats de mandat, assujetties au code des marchés public sans conférer à leur titulaire le statut de concessionnaire d'aménagement.
- page 871
Page mise à jour le