Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 22/06/2006
M. Jean Louis Masson attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le fait que, dans le journal le Monde du 8 juin 2006, un article évoque l'affaire Clearstream et plus précisément la demande des juges d'instruction de placer en détention provisoire l'une des personnes mises en examen. L'article cite une mise au point du procureur de la République qui s'y serait opposé et qui explique sa décision de la sorte : « Même si nous travaillons dans la collégialité, la décision finale appartient au procureur, validée dans ce cas précis par le juge des libertés et de la détention. Aucun des motifs prévus par la loi pour placer quelqu'un en détention n'existait. La détention envisagée, c'était une détention celle que l'on a reprochée à la justice dans l'affaire d'Outreau. » On avait déjà effectivement pu constater dans l'affaire d'Outreau que certains juges d'instruction se servent de la mise en détention provisoire comme d'un moyen de pression. Les propos susvisés du procureur de la République confirment qu'il s'agit là véritablement d'une pratique usuelle chez certains juges d'instruction. Bien entendu, il n'est pas question d'interférer dans le déroulement d'une procédure judiciaire en cours. Par contre, au niveau du principe général, il souhaiterait qu'il lui indique s'il ne pense pas qu'il conviendrait d'introduire la possibilité de sanctions à l'égard des magistrats qui sont en complète dérive par rapport aux fondements même des grands principes des droits de l'homme, lesquels sont violés de manière flagrante par l'utilisation de la détention provisoire comme d'un moyen de pression pour extorquer abusivement d'hypothétiques aveux.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 09/11/2006
Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'il appartient au juge des libertés et de la détention d'ordonner ou de prolonger la détention provisoire. Cette mesure ne se justifie que si elle constitue l'unique moyen de conserver les preuves ou les indices matériels, d'éviter une pression sur les témoins, victimes et leur famille ou une concertation entre personnes mises en examen et complices, de protéger la personne mise en examen ou de garantir son maintien à la disposition de la justice, de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement, de mettre fin à un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public. par ailleurs sur le plan des principes, il ressort de la jurisprudence constante du Conseil supérieur de la magistrature statuant en matière disciplinaire, qu'il ne peut être porté une quelconque appréciation sur les actes juridictionnels des juges, lesquels relèvent du seul pouvoir de ceux-ci et ne peuvent être critiqués que par l'exercice des voies de recours prévues par la loi. La chambre de l'instruction, au vu des dispositions de l'article 194 du code de procédure pénale, a compétence pour se prononcer dans les dix jours de l'appel lorsqu'il s'agit d'une ordonnance de placement en détention. Il en irait toutefois différemment s'il était établi qu'un juge avait délibérément outrepassé sa compétence ou méconnu le cadre de sa saisine. Des poursuites devant le Conseil supérieur de la magistrature seraient alors envisageables, un tel comportement pouvant être qualifié de faute disciplinaire. En outre, le garde des sceaux indique à l'honorable parlementaire que le projet de réforme de la procédure pénale actuellement en cours devrait contribuer à restreindre l'usage de la détention provisoire en limitant le recours au critère du trouble causé à l'ordre public aux affaires criminelles. En matière correctionnelle, ce critère ne pourra être retenu qu'au stade du placement en détention et ne pourra servir à motiver une prolongation de la détention ou un maintien en détention.
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