Question de M. LONGUET Gérard (Meuse - UMP) publiée le 08/06/2006
M. Gérard Longuet appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'amende de 534 millions d'euros qui vient d'être récemment infligée aux trois opérateurs de téléphonie mobile pour entente sur leurs parts de marché. Sachant que les préfectures de région ont interrogé les conseils généraux afin qu'ils dressent une liste des communes restant non couvertes après le déploiement du plan national de couverture des zones blanches, il aimerait savoir s'il semble envisageable que le produit de cette amende soit reversé aux territoires mal ou peu desservis par la téléphonie mobile, dans l'hypothèse où il ne servirait pas à indemniser les abonnés.
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Réponse du Ministère délégué à l'industrie publiée le 21/06/2006
Réponse apportée en séance publique le 20/06/2006
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, auteur de la question n° 1077, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Gérard Longuet. Ma question s'adressait initialement à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et, plus précisément, au ministre délégué au budget, mais je suis enchanté que ce soit François Loos qui me réponde aujourd'hui. En tant que ministre délégué à l'industrie, chargé notamment des télécommunications, il est, à la réflexion, le bon interlocuteur. En outre, comme élu de province, il a une bonne connaissance des difficultés de nos territoires.
La densité de population est très inégale sur le territoire français, ce qui rend très inégale la mise en place des services, qu'elle soit d'initiative publique - État, départements, communes - ou privée. C'est le cas des infrastructures de télécommunication en matière de téléphonie mobile ou d'ADSL.
Le réalisme économique conduit les opérateurs à privilégier les zones à forte densité de population, dont la rentabilité est largement établie, au détriment des régions faiblement peuplées, qui sont desservies plus tardivement ou qui, parfois, ne sont pas desservies du tout !
En ce qui concerne les télécommunications - contrairement au cas de La Poste, évoqué précédemment par notre collègue René-Pierre Signé -, l'investissement coûte cher, mais les frais de fonctionnement restent marginaux. Il faut donc trouver de l'argent pour financer les investissements de téléphonie mobile et d'ADSL en zone à faible densité de population.
Le Gouvernement et les collectivités locales se sont entendus, voilà trois ans, pour lancer un plan national de résorption des zones blanches. En 2005, le Conseil de la concurrence a infligé, à tort ou à raison - je me garderai bien de porter un jugement -, une amende de 534 millions d'euros aux trois opérateurs de téléphonie mobile, au titre d'une entente au détriment des clients.
Par un remarquable effet d'aubaine, l'État se trouve donc à la tête d'un petit pécule de 534 millions d'euros ! Lorsque les amendes étaient symboliques, elles pouvaient être noyées dans le budget de l'État. Mais, lorsqu'elles revêtent un caractère significatif parce qu'elles ont pénalisé une certaine catégorie de Français, en l'occurrence les utilisateurs de téléphones mobiles, on se prend à rêver qu'elles puissent aider lesdits utilisateurs à bénéficier d'équipements auxquels ils n'avaient pas pu prétendre jusqu'à présent.
Certes, il serait porté atteinte au principe de l'universalité budgétaire, mais le Gouvernement l'a déjà fait dans le cas de l'Agence de financement des infrastructures de transport, puisque 100 millions d'euros de recettes des radars automatiques lui sont affectés. Il y a donc un précédent
Monsieur le ministre, pouvons-nous envisager, au sein du Gouvernement, un arbitrage favorable pour renforcer les moyens de l'État en investissement et accélérer la résorption des zones blanches ou, le cas échéant, pour aider les collectivités locales qui se sont engagées dans la couverture du territoire français en matière de téléphonie mobile et d'ADSL ?
Au-delà de l'effet d'aubaine positif pour l'État que représente cette amende, j'attire votre attention sur son éventuelle incidence négative.
Le Conseil de la concurrence, en taxant de 534 millions d'euros les trois opérateurs, veut rétablir le rapport de forces avec les utilisateurs de téléphonie mobile et d'ADSL, mais cette décision risque de se retourner contre les plus fragiles d'entre eux, indirectement sanctionnés par la diminution des investissements des opérateurs, en particulier dans les zones les plus fragiles de moindre rentabilité.
J'attends avec impatience votre réponse, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le sénateur, votre question est très intéressante et permet de faire le point à la fois sur la concurrence entre les opérateurs, sur les zones blanches en matière de téléphonie mobile et d'ADSL.
S'agissant des sanctions que le Conseil de la concurrence a prononcées, l'amende de 534 millions d'euros a été recouvrée et le produit a été versé au budget général. Elle n'a pas vocation à compenser le préjudice éventuellement subi par les consommateurs. Il appartient à ceux-ci d'engager les actions nécessaires devant les tribunaux compétents. Les opérateurs ont fait appel de la sanction auprès de la cour d'appel de Paris.
Concernant la couverture des zones blanches, je voudrais rappeler le dispositif : le Gouvernement et les opérateurs ont planifié d'équiper, en deux phases, environ 2 000 sites permettant de couvrir, d'ici à 2007, 3 000 communes recensées.
Ce plan continue d'avancer rapidement, puisque, début juin 2006, 1 022 sites de la première phase font l'objet d'un accord entre opérateurs et collectivités territoriales sur leur lieu d'implantation, 78 protocoles départementaux ont été signés, 529 infrastructures sont d'ores et déjà mises à la disposition des opérateurs par les collectivités et seront donc ouvertes commercialement dans les prochains mois, 393 sites sont déjà ouverts et 490 le seront dans la seconde phase.
Par ailleurs, les opérateurs se sont engagés à rendre opérationnels plus de 1 000 sites d'ici à la fin de l'année 2006, ce qui permettra d'étendre la téléphonie mobile à environ 1 500 communes.
Enfin, il convient de rappeler que la liste des communes recensées a été élaborée sous l'égide des préfectures de région, en concertation avec les élus locaux et les opérateurs. La liste des communes retenues résulte donc non pas d'un choix financier, mais de la sélection opérée par les élus locaux eux-mêmes.
En outre, la convention avait pour objet de couvrir non pas tout le territoire, mais seulement certaines zones, notamment les communes dont le centre-bourg n'est pas desservi par au moins un opérateur. La sélection des communes par ce critère était une orientation partagée par les signataires de la convention et a permis l'établissement d'une liste précise et définitive.
Pour les quelques zones non couvertes qui n'ont pas été identifiées par les préfets et les élus locaux, le lancement d'un nouveau processus national ne paraît pas adapté, car il risquerait d'inciter les opérateurs à se placer en situation d'attente et d'allonger fortement les délais, ce qui n'est pas souhaitable pour une couverture rapide des zones déjà recensées.
Or, grâce à la politique menée, les opérateurs ont, au contraire, continué à investir dans leurs infrastructures pour couvrir, à ce jour, plus de 98 % de la population. Une alternative est néanmoins envisageable, pour la couverture de ces zones, en procédant à des ajustements de la liste des communes, en accord avec les opérateurs, ce qui est prévu dans le plan national de couverture des zones blanches ou « grises », dans lesquelles un seul opérateur est présent.
Par ailleurs, les obligations de couverture retenues par le Gouvernement dans le cadre du renouvellement des licences Orange et SFR obligeront les opérateurs à assurer une couverture de 99 % de la population métropolitaine en 2007, ainsi que la couverture des axes de transport prioritaires de chaque département. La mise en oeuvre de ces obligations diminuera donc de fait l'ensemble des zones non couvertes sur le territoire.
Nous avons ainsi profité du renouvellement des licences pour imposer aux opérateurs une obligation supplémentaire en matière de résorption des zones blanches, au titre de l'aménagement du territoire. C'est une source de progrès.
Des progrès sont également possibles dans les départements qui n'ont pas encore choisi les communes concernées par le plan et dépendent de la détermination des collectivités locales dans ce domaine.
J'en viens enfin à l'ADSL, dont France Télécom assure aujourd'hui la distribution à partir de ses terminaux répartiteurs. Jusqu'à cinq kilomètres de ces terminaux, l'ADSL est disponible pour les clients de France Télécom. Les autres fournisseurs d'accès à internet le proposent à leurs clients par dégroupage.
Pour aller au-delà de cette possibilité, nous avons fait un appel d'offres concernant la technologie Wimax, qui permet une couverture supplémentaire, particulièrement en milieu rural. Cet appel d'offres, auquel nous avons reçu de très nombreuses réponses, est actuellement dépouillé par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'ARCEP. Les possibilités de couverture offertes par le Wimax devraient donc bientôt compléter l'offre de haut débit ADSL.
Tels sont les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter, monsieur le sénateur. Nos méthodes nous permettent d'assurer une couverture quasi-totale de notre territoire en téléphonie mobile et en internet à haut débit, il ne nous paraît donc pas nécessaire de faire un prélèvement sur les amendes qui ont été versées au budget de l'État.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Je remercie M. le ministre de l'industrie de sa réponse très détaillée. Comme en témoignent les relations entre les préfectures de région et les conseils généraux, la mise en oeuvre du plan national de résorption des zones blanches avance, même s'il a parfois été difficile de trouver des sites.
Je ferai cependant deux observations.
D'une part, nous reprendrons le débat au Parlement avec un autre interlocuteur lorsque nous discuterons de l'action collective à la française. Nous pourrons alors nous poser la question du rôle de l'amende, en termes de sanction et de réparation.
D'autre part, les utilisateurs et les collectivités locales seront très attentifs à ce que les amendes, si légitimes soient-elles, ne servent pas de prétexte à un opérateur pour diminuer ou ralentir son effort d'infrastructure.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos informations, qui apaiseront les élus locaux.
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