Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC-UDF) publiée le 18/05/2006
M. Yves Détraigne attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les conséquences du règlement communautaire n° 1782/2003 du 29 septembre 2003 établissant les règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs.
Celui-ci souligne que les parcelles en jachère ne peuvent avoir aucune utilisation autre que celle prévue dans le cadre réglementaire. Par conséquent, toute autre utilisation même occasionnelle et non lucrative pendant la période de gel (entre le 15 janvier et le 31 août de l'année) entraîne la perte de l'éligibilité au paiement de l'aide aux cultures arables.
Ce règlement, que la Commission européenne aurait rappelé avec force, en juillet 2005, au ministère de l'agriculture et de la pêche, a des conséquences fort dommageables sur les activités de sport et de loisirs de nature.
En effet, les directions départementales de l'agriculture et de la forêt n'ont plus la faculté d'accorder de dérogations aux agriculteurs qui souhaiteraient, par exemple, mettre à disposition une parcelle en jachère pour l'organisation de manifestations ou d'activités saisonnières (parking à l'occasion d'une randonnée, circuit pour une compétition de VTT, un raid pédestre ou un équestre, terrain pour une kermesse ou une fête de village, ou bien encore zone de loisir pour un club vacances loisirs durant les deux mois d'été...).
Considérant l'importance de ces divers événements pour le développement, voire le maintien de la vie rurale, il s'étonne que des exceptions ne puissent pas être tolérées, notamment lorsque lesdites manifestations sont ponctuelles et non lucratives. Il lui demande donc d'intervenir auprès de ses partenaires européens afin de trouver une solution médiane.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la pêche publiée le 21/06/2006
Réponse apportée en séance publique le 20/06/2006
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 1050, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Yves Détraigne. Monsieur le ministre, je vous remercie d'être venu en personne répondre à ma question. J'ai plus de chance que mes collègues qui m'ont précédé ce matin. (Sourires.)
Je souhaite appeler votre attention sur l'une des conséquences fâcheuses du règlement communautaire n° 1782/2003 du 29 septembre 2003 établissant les règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs.
Ce texte dispose en effet que les parcelles en jachère ne peuvent avoir aucune utilisation autre que celles prévues dans le cadre réglementaire. Par conséquent, une autre utilisation, même occasionnelle et non lucrative, pendant la période de gel des terres, c'est-à-dire entre le 15 janvier et le 31 août de l'année, entraîne automatiquement la perte de l'éligibilité au paiement de l'aide aux cultures arables.
Ce règlement, que la Commission européenne aurait rappelé avec force en juillet 2005 à votre ministère, a des conséquences fort dommageables sur les activités de sport et de loisirs de nature.
Ainsi, les directions départementales de l'agriculture et de la forêt, les DDAF, n'ont semble-t-il plus la faculté d'accorder de dérogations aux agriculteurs qui, par exemple, souhaiteraient mettre à disposition d'une association une parcelle en jachère afin d'organiser des manifestations ou des activités saisonnières, même très ponctuelles, telles que l'établissement d'un parking à l'occasion d'une randonnée ou d'une compétition sportive, voire une simple kermesse ou une fête de village.
Compte tenu de l'importance de ces manifestations pour nombre de nos territoires ruraux et des difficultés considérables d'organisation qui résultent de cette application du règlement européen, je suis surpris par le fait que des exceptions ne puissent pas être tolérées, notamment lorsque ces événements sont très ponctuels et ne rapportent rien à l'exploitant agricole.
Monsieur le ministre, dans un courrier récent, vous m'avez précisé que les DDAF pouvaient accorder des dérogations à titre exceptionnel. Dans les faits, il n'en est rien ! Comme il peut toujours se produire un contrôle par satellite de l'état des terres et que l'agriculteur pourrait perdre ses droits à paiement unique, les DDAF se montrent extrêmement frileuses dans la délivrance de ces autorisations. Je le comprends.
Dès lors, que comptez-vous faire afin qu'un peu de souplesse, voire de bon sens, soit réintroduit dans l'application du règlement communautaire du 29 septembre 2003 et que les DDAF puissent à nouveau accorder des dérogations ponctuelles ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Le problème que vous soulevez, monsieur le sénateur, n'est pas simple. Je vais donc profiter de votre intervention pour faire le point sur les règles de gestion des parcelles en jachère, qui font l'objet de beaucoup de questions de la part des élus locaux. Il est en effet souvent demandé aux agriculteurs par diverses organisations d'utiliser occasionnellement et de façon non lucrative leurs parcelles en jachère lors de manifestations dans l'espace rural.
La mise en place en 2006 de la nouvelle politique agricole commune, la PAC, comportant des aides directes non liées à une activité productive, au moyen de droits à paiement unique, s'accompagne de règles nouvelles : les superficies affectées à une activité non agricole ne peuvent pas être mises en jachère, les terres mises en jachère doivent être maintenues dans de bonnes conditions agricoles et environnementales et les parcelles en jachère doivent être à la disposition de l'agriculteur percevant les droits de mise en jachère pendant une période de dix mois au moins.
Toutefois, malgré ces règles générales, il est possible à titre dérogatoire et de manière occasionnelle d'admettre un usage non agricole qui ne doit pas changer l'affectation agricole de la parcelle.
La réglementation européenne exige que cette utilisation soit limitée dans le temps, porte sur de faibles superficies, ne soit pas faite dans un but lucratif et ne remette pas en cause le respect des bonnes conditions agricoles et environnementales, en particulier qu'elle n'entraîne pas la destruction du couvert. Il est bien certain que, lors d'une grande fête ou d'une techno parade, le couvert végétal peut disparaître. Sous réserve du respect de ces conditions, les DDAF peuvent délivrer une autorisation.
Cette réglementation est bien compliquée et pas très réaliste. C'est pourquoi, dans les propositions que je soumettrai dès ce mois-ci à la Commission européenne afin de faciliter la mise en oeuvre de la PAC, je reprendrai certaines des propositions qui ont été recueillies auprès de nombreux agriculteurs dans le cadre de la démarche « Simplifions ! », s'agissant notamment de la simplification des règles concernant l'utilisation des parcelles en gel.
J'ajoute deux éléments.
Tout d'abord, je rappelle que nous avons obtenu la semaine passée de Bruxelles la possibilité de mettre en pâture les terres en jachère et d'utiliser la paille dans les départements qui connaissent actuellement une sécheresse ou une présécheresse. Cette première autorisation concerne trente-quatre départements.
Ensuite, le programme en faveur des biocarburants tel qu'il est engagé par le Gouvernement conduira à ne plus avoir de jachère. Afin d'alimenter en colza ou autres végétaux nos seize usines qui produiront du diester ou de l'éthanol, sauf à revoir complètement les assolements sur les autres terres, nous aurons en effet besoin de la totalité des parcelles.
La suppression des jachères risque certes de poser des difficultés aux chasseurs, qui, on le voit dans nos départements, les apprécient. Mais si l'on veut que la France produise des biocarburants, il faudra bien exploiter ces terres à un moment ou à un autre.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Je me réjouis que le développement des biocarburants entraîne, à un terme que j'espère proche, la disparition des jachères. En attendant, monsieur le ministre, je souhaite que la démarche que vous entreprenez auprès de Bruxelles soit couronnée de succès.
Je suis en effet persuadé que le problème auquel de nombreux territoires ruraux de notre pays sont confrontés se retrouve partout ailleurs dans l'Union européenne. Un accord devrait donc pouvoir être trouvé afin de rendre plus simple l'utilisation très ponctuelle, et bien entendu non lucrative, des terres en jachère.
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