Question de M. MERCIER Michel (Rhône - UC-UDF) publiée le 11/05/2006
M. Michel Mercier attire l'attention de M. le ministre délégué aux collectivités territoriales sur la question de la participation des communes au financement des écoles privées sous contrat d'association. L'article 89 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 sur les libertés et les responsabilités locales a rendu obligatoire le financement de la scolarité d'enfants inscrits dans l'école privée d'une commune dont ils ne sont pas résidants par leur commune de résidence. Cet article entendait remédier à un état du droit insatisfaisant : l'absence d'obligation de financement par les communes concernées les conduisait à inciter les parents à inscrire leurs enfants dans les écoles privées des autres communes afin de ne pas avoir à participer au financement de leur scolarité. Mais, ce faisant, l'article 89 n'a fait que déplacer le problème. Il a créé une obligation générale de financement des écoles privées : dorénavant, les communes de résidence devront participer au financement des écoles privées des autres communes même lorsqu'elles ne seront pas tenues de le faire pour les écoles publiques de ces mêmes communes d'accueil. Une fois de plus, les écoles privées seront favorisées, mais différemment. L'état du droit n'est donc toujours pas satisfaisant. La question du financement de l'école privée sous contrat doit être résolue dans le respect de la liberté des parents de scolariser leurs enfants dans le public ou le privé, sachant que cette liberté a une valeur constitutionnelle. Il lui demande donc s'il entend réformer le mode de financement des écoles privées sous contrat par les communes et, dans l'affirmative, de quelle manière il entend concilier le principe de parité de traitement financier entre école publique et école privée sous contrat avec la liberté de choix des parents.
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Réponse du Ministère délégué aux collectivités territoriales publiée le 31/05/2006
Réponse apportée en séance publique le 30/05/2006
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, auteur de la question n° 1045, adressée à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.
M. Michel Mercier. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la mise en oeuvre de l'article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui a rendu obligatoire le financement de la scolarité des enfants inscrits dans une école privée sous contrat située dans une commune dont ils ne sont pas résidents par leur commune de résidence.
M. Gérard Delfau. Très bonne question !
M. Michel Mercier. Dans mon département, comme dans de nombreux autres, cette question est mal perçue et mal vécue, notamment par les maires, qui se trouvent à la croisée de deux exigences constitutionnelles contradictoires, sans pouvoir parvenir à une solution équilibrée : d'un côté, la liberté pour les parents de choisir l'école de leur enfant ; de l'autre, le principe d'autonomie financière des collectivités territoriales.
L'article 89 de la loi du 13 août 2004 fait application d'une fausse symétrie entre le financement des écoles publiques et celui des écoles privées. Ainsi, un enfant peut être inscrit dans une école publique d'une commune autre que celle où il réside, à condition que le maire accorde une dérogation. S'agissant d'une école privée sous contrat, il s'agit d'une décision des parents, qui va pourtant s'imposer au maire, lequel n'aura plus la liberté de décider d'une dépense communale.
Je conçois parfaitement qu'il ne soit pas facile pour vous, monsieur le ministre, de résoudre la contradiction entre deux règles constitutionnelles aussi fortes, auxquelles nous sommes tous attachés. Néanmoins, ce problème se pose dans des petites communes, mais également dans des très grandes communes, qui comptent de grands établissements privés. Ce sont alors les petites communes qui doivent payer pour les établissements privés de la grande commune.
Monsieur le ministre, où en est le Gouvernement de sa réflexion sur cette question ? Comment envisage-t-il de régler le problème de l'application de cette règle afin que celle-ci ne crée pas de divisions entre les communes, mais également entre les Français ?
Lorsque l'existence de l'école communale d'une petite commune dépend de l'inscription de quelques élèves, qui vont dans l'école de la commune voisine, cela pose des problèmes juridiques, mais aussi relationnels entre les habitants d'une même commune. Certains soutiennent l'école, d'autres pas !
Derrière une apparente symétrie de financement de l'école publique et de l'école privée, l'article 89 soulève bien des questions difficiles à résoudre. Comment le Gouvernement envisage-t-il de régler ces problèmes juridiques pour assurer la paix scolaire dans la commune ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé. Bravo ! C'est la question d'un homme de terrain !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous posez, comme à l'accoutumée, une question avisée sur un sujet important, qui, à l'évidence, préoccupe de nombreux élus locaux. Je ne m'étonne pas que vous vous en fassiez ainsi l'écho. Cette question appelle une réponse à la fois prudente et précise.
Cette question appelle d'abord une réponse prudente, et ce pour deux raisons. La première est que, comme vous le savez sans doute, la circulaire du 2 décembre 2005 prise pour l'application de l'article 89 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales a fait l'objet d'un recours devant le Conseil d'État. La seconde est que, comme vous le soulignez vous-même, l'enjeu de cette question est la conciliation du principe de parité entre école publique et école privée, ainsi que la liberté de choix des parents, à laquelle nous sommes, vous et moi, attachés. La prudence commande donc d'attendre que le Conseil d'État se soit exprimé avant d'apporter une réponse définitive.
Cette question appelle ensuite une réponse précise, et ce également pour deux raisons : d'une part, parce que l'application de l'article 89, qui résulte d'un amendement de votre collègue Michel Charasse, est un sujet à la fois très sensible pour les communes et les familles concernées et relativement complexe d'un point de vue juridique ; d'autre part, parce que vous n'ignorez pas que l'article 89 et la circulaire du 2 décembre 2005 ont suscité des interrogations légitimes, voire des incompréhensions, auxquelles il convient de répondre, même à titre provisoire.
Pour commencer, rappelons la portée de cet article. Il porte sur la prise en charge par les communes de résidence des dépenses de fonctionnement des écoles privées sous contrat pour les élèves scolarisés dans une autre commune, dite commune d'accueil. Pour les écoles publiques, cette question est traitée par l'article L. 212-8 du code de l'éducation.
En vertu de l'article L. 442-9 du code de l'éducation, le principe de la répartition des dépenses de fonctionnement par accord entre commune d'accueil et commune de résidence était déjà applicable au financement des écoles privées sous contrat. Mais, faute de procédure de résolution des conflits, aucune disposition ne permettait de surmonter d'éventuels désaccords.
L'article 89 a donc pour objectif et pour effet d'étendre au financement des écoles privées la procédure de résolution des conflits et les modalités de calcul des contributions de la commune de résidence, telles qu'elles sont prévues par les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 212-8.
Cette première précision est, au demeurant, une manière de rappeler que cette procédure n'a vocation à intervenir que dans les cas où aucun accord n'a pu être obtenu pour la prise en charge des dépenses de fonctionnement afférentes aux élèves « non-résidents ».
Lorsqu'il est nécessaire de mettre en oeuvre cette procédure, deux situations se présentent alors.
Si la commune de résidence est dépourvue de capacités d'accueil dans ses établissements scolaires - c'est le premier cas de figure -, il appartient au préfet de déterminer la contribution de celle-ci, après avis du conseil départemental de l'éducation nationale, le CDEN, en tenant compte de ses ressources, du nombre d'élèves concernés et du coût moyen par élève.
C'est dans le second cas de figure, si la commune de résidence dispose de capacités d'accueil dans ses établissements scolaires, qu'il existe à l'évidence une divergence d'interprétation entre l'Association des maires de France et les représentants de l'enseignement catholique, qui représente environ 97 % de l'enseignement privé sous contrat.
Selon l'AMF, la contribution de la commune n'est obligatoire que dans les cas où celle-ci devrait participer au financement d'une école publique extérieure qui accueillerait le même élève, c'est-à-dire, concrètement, si elle a donné son accord à une scolarisation extérieure ou si cette scolarisation extérieure est liée aux obligations professionnelles des parents, à l'inscription d'un frère ou d'une soeur dans un établissement scolaire de la même commune ou à des raisons médicales. Dans tous les autres cas, la commune serait exonérée.
Selon l'enseignement catholique - dont j'ai d'ailleurs rencontré les représentants, voilà quelques jours -, si cette exonération est justifiée s'agissant des écoles publiques - puisqu'il s'agit de dérogations à la carte scolaire -, elle ne saurait s'appliquer aux écoles privées.
Le ministère de l'intérieur, en liaison avec le ministère de l'éducation nationale, a eu à coeur, ces dernières semaines, de susciter un dialogue entre l'Association des maires de France et le Secrétariat général de l'enseignement catholique.
Nous leur avons proposé un modus vivendi, qui devrait être prochainement acté, reposant sur trois principes.
Le premier principe est de conserver à la procédure de fixation des contributions communales par le préfet son caractère résiduel, et donc de privilégier les accords locaux, dans leurs différentes formes.
Le deuxième est de prendre acte de la divergence d'interprétation et de considérer qu'elle doit être tranchée, dans la mesure du possible, dans un cadre national, par le Conseil d'État.
Le troisième principe est donc, dans l'attente de cette clarification, d'appliquer l'article 89, au moins pour tous les cas qui ne font pas l'objet d'une divergence d'interprétation.
Je terminerai en soulignant que le dialogue entre les représentants des maires et ceux de l'enseignement catholique a été marqué par une grande qualité d'écoute réciproque, qui reflète d'ailleurs la réalité du dialogue qui se noue au plan local, dans la plupart des départements. Le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, a d'ailleurs demandé aux préfets, qui étaient réunis hier, de prolonger ce dialogue dans leurs départements.
Je crois, monsieur Mercier, que ce dialogue est de nature à régler la plupart des difficultés rencontrées et à assurer la mise en oeuvre de l'article 89 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales dans un climat apaisé et constructif.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Il est bien normal que ce soit un Auvergnat qui essaie de nous sortir de cette affaire ! (Sourires.)
Votre habileté est grande, comme toujours, monsieur le ministre ; vous avez su tracer un certain nombre de perspectives, mais toutes ne peuvent pas aboutir, vous le savez.
Vous attendez, dites-vous, la décision du Conseil d'État. Or, vous savez bien que l'article 89 est d'application directe, qu'il n'y a donc pas eu de décret et qu'il s'agit simplement de savoir si la circulaire que vous avez prise avec le ministre de l'éducation nationale est ou non contraire à la loi. Mais cette décision ne changera pas la loi en elle-même, le Conseil d'État n'ayant pas ce pouvoir. Il peut se fonder sur la jurisprudence posée par l'arrêt du 29 janvier 1954 « Institution Notre-Dame du Kreisker », qui portait d'ailleurs sur une question extrêmement voisine, pour juger que la circulaire doit être annulée. Donc, il y a là une éventuelle solution.
Vous avez raison sur un point, qui est le plus important : il faut privilégier l'accord local par rapport à toute autre décision, sinon on ne s'en sortira pas.
Si, jusqu'à maintenant, les choses ont fonctionné, c'est parce qu'au fil du temps des accords locaux ont été trouvés, qui allaient au-delà de la loi Barangé, de la loi Debré, de tous les textes relatifs aux écoles privées, et qui, localement, ont permis qu'un modus vivendi soit établi. Chaque fois que le Gouvernement, par l'entremise des préfets, laissera un accord local secret vivre sa vie, nous aurons gagné.
Le pire serait de créer des divisions sur une question aussi importante. Je vous remercie donc, monsieur le ministre, de vouloir privilégier l'accord local par rapport à toute disposition législative d'ordre général qui risquerait, en n'étant pas suffisamment précise, de créer des dissensions.
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