Question de M. LECLERC Dominique (Indre-et-Loire - UMP) publiée le 11/05/2006

M. Dominique Leclerc souhaite attirer l'attention M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement sur les difficultés rencontrées par les communes ou leur regroupement pour financer la réalisation des aires d'accueil des gens du voyage. En effet, le versement des subventions accordées par l'Etat à ces projets se limite à l‘heure actuelle , quelle que soit la date de l'arrêté attributif de subvention, aux seul travaux réalisés - et non engagés - à la date limite fixée par l'article 2 de la loi n° 2000-674 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyages modifiée par la loi n° 2004-809 du 13 août 204 relative aux libertés et responsabilités locales. Or, il s'avère que nombre de communes ou d'intercommunalités, ayant rencontré de multiples complications (réticences de la population sédentaire envers ces projets, contraintes résultant de règles d'urbanisme, aléas de procédures d'attribution de marché) ont pris du retard et voient arriver la date butoir pour la réalisation de leur projet sans même parfois avoir entamé les travaux. De telle sorte que la réalisation de ces programmes sera laissée à la charge exclusive des communes. Ce qui n'est pas sans inquiéter les élus locaux. C'est pourquoi, il lui serait reconnaissant de bien vouloir lui faire savoir s'il ne pourrait envisager de prendre une mesure donnant aux dispositions de l'article 2 de la loi du 5 juillet 2000 une interprétation plus souple que celle formulée par le contrôle financier déconcentré des départements.

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Réponse du Ministère délégué à la cohésion sociale et à la parité publiée le 07/06/2006

Réponse apportée en séance publique le 06/06/2006

M. Dominique Leclerc. Madame le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés rencontrées par les communes, et plus particulièrement celles de mon département d'Indre-et-Loire, pour financer la réalisation des aires d'accueil des gens du voyage.

Notre département s'est engagé depuis près de quatre ans dans l'application du schéma départemental de ces aires d'accueil publié en juin 2002. Malheureusement, pour différentes raisons, la réalisation de ces aires a pris du retard. Je citerai notamment les réticences de la population sédentaire envers ces projets, les contraintes résultant des règles d'urbanisme ou bien encore les aléas des procédures d'attribution de marchés.

Je pense plus particulièrement au cas précis de la communauté d'agglomération de Tours, à laquelle appartient la ville de Saint-Avertin. Alors que des appels d'offre ont été lancés pour l'ensemble des communes concernées, celui de Saint-Avertin s'avère infructueux pour un seul lot. En conséquence, la mise en chantier de ces aires - six au total pour quatre-vingt-quatre communes - ne peut avoir lieu !

Cet exemple n'est pas le seul, et nombreux sont les groupements de communes ou les communes à se retrouver dans une véritable impasse. Confrontés à l'application de différentes dispositions, ils craignent de ne pouvoir obtenir dans le délai fixé, c'est-à-dire le 30 juin 2006, les subventions nécessaires aux travaux.

D'une part, je citerai la circulaire du 17 décembre 2004 du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, en vertu de laquelle une commune doit au minimum avoir engagé la procédure d'attribution de marchés pour être considérée comme ayant satisfait aux conditions de délai fixées par l'article 2 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage modifiée par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

D'autre part, j'évoquerai l'article 11 du décret du 16 décembre 1999 relatif aux subventions de l'État pour des projets d'investissement, aux termes duquel devient caduque la décision de subvention si, à l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la notification de la subvention, les travaux ne sont pas commencés.

La combinaison de ces deux textes peut parfois s'avérer très restrictive. Ainsi, en Indre-et-Loire, le trésorier-payeur général, consulté par le préfet, a confirmé la position qu'il avait déjà exprimée en mai 2004. Se fondant sur ces deux dispositions, il a réaffirmé que seuls les travaux réalisés dans le délai fixé par l'article 2 de la loi du 5 juillet 2000, et à condition qu'ils soient justifiés par la production de factures attestées par l'ordonnateur pour service fait au 30 juin 2006, peuvent bénéficier de l'aide financière de l'État.

L'application particulièrement stricte de ces textes dans notre département crée un obstacle majeur à la réalisation d'opérations projetées par des communes ou des groupements de communes. Sur les trente-cinq aires inscrites au schéma d'accueil des gens du voyage, seuls onze projets ont reçu une subvention et neuf autres ont fait, à la fin du mois de mars 2006, l'objet d'un dépôt de dossier, qui a été reconnu complet. D'autres projets encore en cours d'instruction sont susceptibles de s'ajouter à cette liste avant le 30 juin prochain.

Ces communes ou groupements de communes savent pertinemment que, même si les entreprises ont d'ores et déjà été retenues et sont prêtes à intervenir, les travaux ne seront jamais finis avant la date butoir du 30 juin 2006. Il serait vraiment regrettable que ces projets soient abandonnés ou reportés sine die. Cela ne manquerait pas de jeter un discrédit supplémentaire sur l'ensemble des élus locaux, aux yeux non seulement de la population sédentaire, mais aussi des gens du voyage.

Aussi, madame le ministre, une nouvelle modification de la loi du 5 juillet 2000 paraissant exclue, pourriez-vous, face aux difficultés constatées, donner aux dispositions de son article 2 une interprétation plus souple que celle qui a été formulée par le contrôle financier déconcentré de notre département ?

Si vous acceptiez une telle proposition, deux solutions seraient envisageables.

La première serait de confirmer les termes de la circulaire du 17 décembre 2004 que j'ai évoquée précédemment, selon lesquels la condition de délai posée par l'article 2 de la loi du 5 juillet 2000 est considérée comme satisfaite si la procédure d'attribution de marchés a été engagée avant l'expiration du délai fixé.

La seconde solution, si vous souhaitez donner à l'application de cet article 2 un contenu juridiquement plus contraignant, serait de poser la condition suivant laquelle les marchés relatifs à la réalisation des aires d'accueil des gens du voyage doivent être notifiés dans le délai fixé.

Ainsi, les conditions d'application de la loi du 5 juillet 2000 ayant été précisées, les subventions accordées resteraient alors régies par les dispositions du décret du 16 décembre 1999.

Je ne sais si ces solutions sauront vous convaincre, madame le ministre, mais il est urgent de lever les obstacles auxquels sont confrontées de nombreuses communes et communautés de communes.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le sénateur, depuis six ans maintenant, les collectivités locales et les services déconcentrés de l'État se sont fortement mobilisés pour trouver des solutions. Ils ont surtout adopté des schémas départementaux d'accueil des gens du voyage et les ont mis en oeuvre, en réalisant des aires de grand passage, des aires d'accueil et des terrains familiaux.

Cette mobilisation commence seulement à porter ses fruits : la quasi-totalité des schémas départementaux sont publiés, ce qui signifie qu'ils sont entrés dans une phase de mise en oeuvre. Seuls trois schémas sont en cours de finalisation, à la suite d'annulations pour vice de forme. Par ailleurs, j'ai installé le 14 mars 2006 la commission nationale consultative des gens du voyage, qui suivra la mise en oeuvre de cette politique. Un premier bilan a montré que 18 % des aires prévues sont en service et 25 % d'entre elles sont financées, c'est-à-dire en cours de réalisation.

Pour avoir travaillé, pas plus tard que ce week-end, à l'aménagement d'une aire de grand rassemblement, je peux vous dire que je suis sensibilisée à ce sujet !

La loi fixe un objectif politique aux communes qui sont inscrites dans un schéma départemental d'accueil des gens du voyage, en leur donnant un délai de deux ans après la publication du schéma départemental pour participer à la mise en oeuvre de ces aires. Ces communes s'efforcent d'atteindre cet objectif en mettant à la disposition des gens du voyage une ou plusieurs aires d'accueil aménagées et entretenues.

Ce délai peut être prorogé de deux ans pour les communes ayant manifesté, au cours de la période initiale de deux ans, leur volonté de se conformer à leurs obligations. Ce délai est échu ou approche de son échéance dans plusieurs départements. Pour le département d'Indre-et-Loire, il s'achèvera le 30 juin 2006.

À l'issue de ce délai, la loi donne la possibilité aux préfets d'adresser une mise en demeure à la commune qui n'aurait pas respecté ses obligations et, à défaut d'avoir donné suite, de se substituer à la commune pour réaliser l'aire.

La loi précise par ailleurs et de façon distincte que l'État prend en charge les investissements nécessaires à hauteur de 70 % des dépenses engagées dans le délai fixé de deux ans, prorogé éventuellement de deux ans, et dans la limite d'un plafond.

En accord avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, je vous confirme, monsieur le sénateur, la nécessité d'apprécier, pour le versement des subventions, ce délai de deux ans, éventuellement prorogé de deux ans, au regard de la seule notion d'engagement de dépenses et non de réalisation effective des travaux, ce qui suppose au minimum que les procédures d'attribution de marchés soient engagées dans ce délai.

Les services de l'État dans le département d'Indre-et-Loire examinent actuellement les conventions de subvention qui ont été signées, afin de rectifier celles qui ne seraient pas conformes à cette disposition.

Enfin, je vous confirme l'engagement des services de l'État à continuer d'apporter tout leur soutien aux communes et rechercher en permanence toutes les solutions offertes par les textes en vigueur, afin de faciliter la réalisation effective des aires que les collectivités locales ont décidé de réaliser.

Je dois vous faire part de la mobilisation du Gouvernement pour parvenir à mettre enfin en place ces aires sur l'ensemble du territoire.

M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc.

M. Dominique Leclerc. Madame le ministre, je vous remercie de votre réponse. Il est vrai que, sur le terrain, la mobilisation a été très longue à se mettre en place. Par ailleurs, tous les obstacles que j'ai évoqués tout à l'heure sont réels.

Aujourd'hui, je tiens à vous le dire, la mobilisation, notamment de nos préfets, existe. C'est en concertation avec les services de l'État que je peux vous faire ces propositions. Il faut désormais que les autres services, notamment ceux du trésorier-payeur général, relaient cette volonté politique du Gouvernement et de son représentant.

Conscients de l'acuité du problème, les élus locaux, c'est vrai, ont mis du temps à appréhender l'ampleur du phénomène. Aujourd'hui, dans l'agglomération tourangelle, seules deux aires ne répondent pas aux besoins actuels. C'est la raison pour laquelle nous assistons à une vraie mobilisation de l'ensemble des communes de la communauté d'agglomération et des communautés de communes voisines pour répondre enfin au problème de l'accueil temporaire des gens du voyage.

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