Question de M. BOYER André (Lot - RDSE) publiée le 20/04/2006

M. André Boyer attire l'attention de M. le ministre délégué aux collectivités territoriales sur la prolifération des panneaux publicitaires - légaux ou illégaux - aux abords des villes et des villages. Elaborée dans un souci de protection du cadre de vie, la loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et aux pré-enseignes interdit toute publicité en dehors des agglomérations sauf dans des zones dénommées « zones de publicité autorisée » instituées à la demande du conseil municipal. Par ailleurs, la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement a soumis à déclaration préalable toute installation, remplacement ou modification de panneaux publicitaires et a donné au maire et au préfet la possibilité de procéder d'office à la suppression immédiate de ceux qui ne seraient pas conformes. Or, en dépit de cette réglementation, les paysages sont encore trop souvent altérés par des dispositifs publicitaires et des enseignes de toute nature installés sauvagement ou au mépris des prescriptions en vigueur ou encore sans préoccupation esthétique. Le nombre de procédures engagées contre les infractions reste trop modeste au regard de l'importance du parc installé et de nombreuses infractions sont relevées sans toutefois que la sanction intervienne. La carence de nombreux maires et préfet, en la matière demeure trop souvent la règle. Pourtant, le développement excessif de la publicité extérieure constitue une atteinte au cadre de vie et au patrimoine commun mal supportée par nos concitoyens. De plus, la maîtrise de la publicité extérieure, qui constitue un des éléments essentiels de la politique de mise en valeur du paysage, tant urbain que rural, ne peut qu'avoir un effet très favorable sur la fréquentation touristique et contribuer ainsi au développement de l'activité économique. Le développement considérable des règlements locaux de publicité doit être accompagné d'une plus ferme volonté des pouvoirs publics de faire respecter les dispositions générales de la loi, notamment s'agissant des sanctions et de la suppression des panneaux publicitaires illégaux. Il lui demande de faire un état des lieux de cette question et de lui indiquer s'il entend faire des propositions concrètes en faveur d'une répartition équilibrée et réaliste de l'affichage publicitaire, notamment à travers la promotion d'une démarche de qualité ou la réduction du nombre et de la taille de certains panneaux.

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Réponse du Ministère délégué aux collectivités territoriales publiée le 10/05/2006

Réponse apportée en séance publique le 09/05/2006

M. le président. La parole est à M. André Boyer, auteur de la question n° 1026, adressée à M. le ministre. délégué aux collectivités territoriales.

M. André Boyer. Monsieur le ministre, on assiste en France à une inquiétante dérive qui amène la transformation des bords des routes et des abords des villes et des villages en tunnels publicitaires continus, le phénomène prenant chaque année davantage d'ampleur.

On peut s'interroger d'abord sur l'efficacité d'une telle pratique : trop de publicité tue la publicité, car à trop en voir, on ne la regarde plus. Et je ne parle même pas des panneaux publicitaires datant d'une époque révolue, telle cette vieille publicité d'une marque de matériels photographiques qui perdure dans nos campagnes, vantant encore la pellicule argentique à l'heure du numérique !

Je m'inquiète surtout, monsieur le ministre, des conséquences de cette agression contre l'environnement. Le souci que j'exprime ici est partagé, je le sais, dans les villes et pays d'art et d'histoire, par exemple dans le pays d'art et d'histoire de la vallée de la Dordogne, que je connais bien.

On parle beaucoup des pollutions atmosphérique et sonore, mais celle qui nous préoccupe aujourd'hui constitue aussi une pollution, visuelle celle-là, qui parasite à la fois les esprits et les lieux. C'en est fini de la diversité et de la richesse des paysages, l'horizon est bouché, la pensée vagabonde, privée de sortie. Cette forme de publicité est de surcroît particulièrement pernicieuse et agressive, car elle s'impose à tous, et ce quotidiennement.

Je sais, monsieur le ministre, et vous ne manquerez pas de me le rappeler, qu'une réglementation existe à cet égard. Tout en réaffirmant le principe de liberté d'information, la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes, dont les dispositions ont été insérées dans le code de l'environnement, a été élaborée dans un souci de protection du cadre de vie. Comme la loi du 2 février 1995, elle donne notamment aux maires la possibilité d'adopter des règlements locaux visant à limiter la pression publicitaire.

Or force est de constater que le nombre de procédures engagées à la suite d'infractions reste trop modeste au regard de l'importance du parc de panneaux installés et que nombre de ces infractions sont relevées sans que cela débouche sur des sanctions. Des dispositifs publicitaires installés sauvagement ou sur des terrains privés finissent, hélas ! par prendre racine sans qu'intervienne un rappel à l'ordre des autorités compétentes.

Monsieur le ministre, la réglementation de la publicité a fait l'objet d'une évaluation qui a donné lieu à la publication d'un bilan à la fin de 2005. Ce volet de la question a-t-il été abordé ? Si oui, pouvez-vous nous indiquer quelles conclusions ont été tirées, et nous dire si des propositions concrètes seront faites en faveur d'une répartition équilibrée et réaliste de l'affichage publicitaire, notamment à travers la promotion d'une démarche de qualité, d'une plus grande homogénéité ou de la réduction du nombre des panneaux et de la taille de certains d'entre eux ?

Une plus grande maîtrise de la publicité extérieure, qui constitue l'un des éléments essentiels de la mise en valeur du patrimoine, ne peut qu'avoir un effet très favorable sur nos conditions de vie, mais aussi sur une fréquentation touristique qui contribue largement au développement économique de notre pays.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous soulevez à juste titre une question très importante pour tous ceux qui sont attachés à la qualité des abords des villes et des villages. L'arrivée anticipée dans l'hémicycle du ministre de la culture nous permettra de lui faire partager nos préoccupations sur ce sujet ! (Sourires.)

Ainsi que vous l'avez rappelé, la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes, dont les dispositions ont été intégrées dans le code de l'environnement, fixe les règles applicables en matière de publicité pour assurer la protection du cadre de vie tout en réaffirmant la liberté d'expression, qu'il n'est naturellement pas question d'entraver.

Cette législation donne aux maires la possibilité d'adopter des réglementations locales, qui peuvent, en particulier, créer des règles de densité afin de limiter la pression publicitaire. À ce jour, environ 1500 règlements locaux de publicité ont été élaborés ou sont en cours d'élaboration.

Dans le Lot, vous le savez, il existe deux règlements locaux, l'un s'appliquant à la ville de Cahors, l'autre à celle de Figeac. La commune de Gramat envisagerait elle aussi de se doter d'un tel règlement dans les prochains mois, tandis que la ville de Cahors est en train de modifier le sien pour faire face à l'inflation du nombre d'enseignes constatée à l'entrée sud du chef-lieu, où sont regroupés, pour l'essentiel, les centres commerciaux.

Le développement considérable de ces règlements s'accompagne d'une très ferme volonté des pouvoirs publics de faire respecter les dispositions de cette loi.

Ainsi, dix-neuf pôles de compétence spécialisés dans ce domaine ont été créés suite à la circulaire du ministre de l'écologie en date du 5 avril 2001 relative à la mise en oeuvre des textes sur la publicité, les enseignes et les préenseignes.

Ces pôles de compétence, créés par les préfets de département, sont placés sous l'autorité d'un chef de projet. Ils ont pour objectif de coordonner l'application de la réglementation par les divers services déconcentrés de l'État concernés que sont les directions régionales de l'environnement, les directions départementales de l'équipement, les services départementaux de l'architecture et du patrimoine, les services de police, la gendarmerie et les services des préfectures.

Pour ce qui concerne votre département, monsieur le sénateur, il existe une mission spécialisée chargée de l'affichage publicitaire à l'abord des villes. Elle est confiée, depuis plus d'un an, à une fonctionnaire de la direction départementale de l'équipement, qui s'efforce de tout mettre en oeuvre pour rendre plus efficace cette politique, aussi bien dans sa dimension préventive que dans sa dimension répressive, la prévention devant bien entendu être privilégiée.

Le ministère de l'écologie et du développement durable a procédé, en 2005, à une évaluation de la réglementation, qui devrait être poursuivie en 2006 afin d'améliorer la protection du cadre de vie et de simplifier les textes, qui sont pour le moins touffus, et parfois obscurs.

Par ailleurs, le mécanisme de la déclaration préalable pour toute installation de dispositif de publicité, institué par le législateur en 1995, a confirmé son rôle dissuasif, au même titre que les possibilités de sanctions financières.

Enfin, le code de l'environnement permet aux associations de protection de la nature de demander au préfet de faire déposer tout panneau irrégulier.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance. Ces différents instruments et dispositifs constituent, le plus souvent, des outils de contrôle efficaces permettant désormais de limiter la prolifération des panneaux publicitaires, notamment aux abords des villes et villages.

M. le président. La parole est à M. André Boyer.

M. André Boyer. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse et de votre rappel des initiatives locales qui ont déjà été prises dans mon département.

J'ajoute que le conseil général du Lot, sensible aux problèmes évoqués, a décidé, avec les collectivités territoriales, la mise en place d'une signalisation d'information locale permettant aux usagers de repérer les équipements et les services et conforme aux dispositions réglementaires. Il s'agit là d'une refonte complète de la signalisation directionnelle, mettant notamment en valeur toute la diversité des attraits touristiques de notre territoire.

En échange, les prestataires devront renoncer à l'implantation de préenseignes dérogatoires et a fortiori de toute publicité illégale. Ce serait un véritable gâchis économique et social. Cependant subsiste le problème des entrées des villes et des villages, où il est très difficile de mettre en place une zone publicitaire restreinte, qui permettrait pourtant, d'une part, d'éliminer les supports multiples, dont le caractère répétitif constitue souvent un bégaiement insupportable, et, d'autre part, de mettre fin à l'aspect agressif des façades des immeubles dont les propriétaires font preuve d'une complaisance intéressée.

Si les règlements existent, il faut les appliquer. L'attention des communes doit être attirée sur ce point, monsieur le ministre. Mais le développement des règlements n'est bien entendu utile que s'il s'accompagne d'une volonté ferme de faire respecter les dispositions générales de la loi, s'agissant notamment des sanctions et de la suppression des panneaux publicitaires illégaux.

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