Question de M. MARC François (Finistère - SOC) publiée le 23/03/2006

M. François Marc attire l'attention de M. le ministre de la santé et des solidarités sur l'accueil et la prise en charge des personnes « vulnérables ». Cette population dite « vulnérable » est composée de personnes âgées et handicapées, pour lesquelles le département du Finistère souffre d'un cruel besoin en matière de financement des structures. En effet, pour la plupart des opérations, l'accord et le soutien de l'Etat sont nécessaires à la mise en oeuvre des projets. Il rappelle que les établissements pour personnes âgées accueillant des personnes dépendantes sont dans l'obligation légale de signer des conventions tripartites avec le conseil général et l'Etat, et que le volet soin notamment (donc la médicalisation) relève de la compétence exclusive de l'Etat. Malheureusement pour les populations concernées, le département constate et déplore un désengagement certain de l'Etat à tous égards, désengagement qui compromet les projets et génère des tensions préjudiciables à la bonne exécution des soins, en renvoyant la prise en charge des publics vulnérables vers les départements. En aucun cas cette situation ne devrait être considérée comme satisfaisante. Cette situation est non seulement sous-optimale au niveau de la prise de décision de l'action publique, mais elle est surtout extrêmement préjudiciable aux publics par nature vulnérables à qui elle est destinée, et qui ne sont pas en position de subir des délais importants. La compensation systématique des défaillances de l'Etat signifie que ce sont autant de moyens détournés d'un service public de qualité. Il lui demande, par conséquent, l'ensemble des décisions, y compris financières, qu'il compte rapidement prendre pour que l'engagement de l'Etat redevienne une réalité sur le terrain, et que son action touche réellement les publics qui en ont besoin.

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Réponse du Ministère délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille publiée le 12/04/2006

Réponse apportée en séance publique le 11/04/2006

M. le président. La parole est à M. François Marc, auteur de la question n° 989, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. François Marc. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la santé et des solidarités sur l'accueil et la prise en charge des personnes vulnérables, c'est-à-dire cette population composée des personnes âgées et handicapées. Je citerai à l'appui de mon propos l'exemple de mon département, qui souffre d'une sous-capacité manifeste : le Finistère n'a en effet que 107 places en maison d'accueil spécialisée, pour un taux d'équipement de seulement 0,24.

On sait que, pour la plupart des opérations nouvelles, l'accord et le soutien de l'État sont nécessaires à leur mise en oeuvre. Rappelons que les établissements pour personnes âgées, accueillant des personnes dépendantes, sont dans l'obligation légale de signer des conventions tripartites avec le conseil général et l'État et que le volet soins notamment, donc la médicalisation, relève de la compétence exclusive de l'État. Or il faut bien déplorer aujourd'hui un désengagement de l'État à tous égards, désengagement qui compromet les projets et génère des tensions préjudiciables à la bonne exécution des soins.

C'est ainsi que, dans ce département du Finistère, qui a pourtant voté la création de 659 places nouvelles en établissements pour personnes âgées dans le cadre de son second schéma gérontologique, on n'est parvenu à réaliser pour l'instant que 50 % de ce schéma censé se terminer dans l'année 2006. Bien entendu, de nombreux projets restent en souffrance, en particulier à Brest, Keraudren, Penmarch, Guilers.

Le financement du schéma gérontologique, de même que la création de maisons d'accueil spécialisées pour les personnes lourdement handicapées font pourtant l'objet d'une programmation pluriannuelle, ce qui devrait permettre un délai de mise en oeuvre suffisamment long pour que parviennent au conseil général les délégations de crédits de l'État par le biais de l'assurance maladie. Ces financements n'arrivent pourtant qu'au compte-goutte depuis deux ans.

Le sous-équipement regrettable en maisons d'accueil spécialisées a pour conséquence, on le sait, de renvoyer les personnes vers les foyers d'accueil médicalisés, établissements qui relèvent de la compétence du conseil général. Conséquence de tout cela : l'impact financier se révèle de plus en plus lourd pour les conseils généraux, ce qui, bien sûr, n'est pas acceptable.

Je souhaite enfin insister sur le cas alarmant de l'aide à domicile et de son calcul. Là aussi, le conseil général se retrouve systématiquement dans l'obligation de compenser les défauts de financement de l'État. En effet, suivant la réglementation, l'État continue de prendre pour référence à la compensation un forfait de tarification d'activité, alors que le département doit forcément débourser le montant correspondant au coût de revient réel. Pour l'année passée, l'impact de ce manque à gagner a été, par exemple, pour le Finistère de 390 000 euros. Nombre d'associations partenaires du conseil général nous ont ainsi confirmé récemment qu'elles se dirigeaient tout droit vers le dépôt de bilan si rien ne changeait.

Cette situation est non seulement sous-optimale au niveau de la prise de décision d'actions publiques, mais elle est surtout extrêmement préjudiciable aux personnes par nature vulnérables à qui elle est destinée et qui ne sont pas en situation de pouvoir supporter des délais importants. La compensation systématique des défaillances de l'État signifie en contrepartie le détournement d'autant de moyens d'un service public de qualité.

Je souhaite en conséquence interroger M. le ministre de la santé et des solidarités sur les décisions qu'il envisage de prendre pour que les engagements pris par l'État en faveur des personnes vulnérables puissent être tenus au plus vite et lui demander de préciser ses intentions quant aux légitimes compensations accordées aux départements eu égards aux charges correspondantes.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le sénateur, si vous aviez voulu faire une description complète, au lieu de parler de désengagement de l'État, autrement dit de l'État et de l'assurance maladie, vous auriez pu rappeler à la Haute Assemblée que les crédits inscrits dans la loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2006 en faveur de la prise en charge de la dépendance connaissaient une augmentation sans précédent, tous gouvernements confondus, puisque cette augmentation atteint cette année 13,5 %.

Comment avons-nous réussi à augmenter ainsi ces crédits ?

Monsieur le sénateur, vous auriez pu rappeler que c'est grâce, d'une part, aux efforts accomplis par nos compatriotes pour une meilleure maîtrise des dépenses de l'assurance maladie - c'est en réduisant les déficits de l'assurance maladie que nous pouvons dégager les ressources nécessaires en vue de faire face aux besoins des personnes âgées dépendantes, comme des personnes handicapées en établissement - grâce, d'autre part, à l'effort qu'ont consenti nos compatriotes à travers la journée de solidarité, qui, quoique ses modalités de mise en oeuvre aient été assouplies, nous permet chaque année de réunir 2 milliards d'euros pour le financement non seulement de l'allocation personnalisée d'autonomie, qui a été créée sans que les financements nécessaires aient été prévus, mais aussi de la prestation de compensation du handicap.

M. Raymond Courrière. Ce n'est pas la question !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Enfin, vous auriez pu faire mention du financement de places supplémentaires en établissements médicosociaux. En effet, sur les 13,5 % d'augmentation des crédits médicosociaux destinés aux personnes âgées, 4,5 % proviennent de la journée de solidarité. De même, sur les 6 % d'augmentation cette année des crédits médicosociaux destinés aux personnes handicapées - soit environ 500 millions d'euros supplémentaires -, une partie provient de la journée de solidarité.

Je ne prétends pas que cet effort sans précédent suffira en une année à combler les retards qui se sont accumulés pendant un certain nombre d'années. Néanmoins, reconnaissez qu'un effort considérable a été fait depuis la mise en place du plan « vieillissement et solidarités ».

Ce plan quadriennal prévoyait initialement la création de dix mille places supplémentaires en établissements pour personnes âgées. Or, comme je l'avais annoncé en août dernier, nous avons décidé de doubler ce nombre. Ainsi, ce sont vingt mille places supplémentaires qui auront été créées en quatre ans, lesquelles s'ajoutent aux places de service de soins infirmiers à domicile, aux places d'accueil de jour et aux places d'hébergement temporaire prévues par ce plan.

Cet effort a été rendu possible grâce à la solidarité des Français, mais aussi grâce aux départements. Pour notre part, nous mobilisons 500 millions d'euros en 2006 pour la rénovation des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées. Cette contribution est dix fois plus importante que l'ensemble des sommes qui ont été consacrées au cours des cinq années précédentes - 50 millions d'euros par an - à la lutte contre la vétusté de ces établissements et pour leur humanisation.

Puisque cet effort doit être encore amplifié, le Gouvernement, se démarquant de ceux qui l'ont précédé, a décidé d'appliquer à la création d'établissements destinés à l'accueil des personnes âgées et des personnes handicapées un taux de TVA de 5,5 %, contre 19,6 % auparavant. La conséquence en est que n'ayant pas à emprunter la différence qui en résulte pour leur construction, les établissements auront des remboursements moindres à honorer et n'auront pas, de ce fait, à augmenter le prix qu'ils facturent à la journée. Il en résultera une meilleure prise en charge financière de l'accueil des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes.

Pour être complet, monsieur le sénateur, vous auriez pu rappeler que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 prévoit la signature de mille quatre cents conventions tripartites supplémentaires pour la médicalisation des établissements pour personnes âgées. Vous auriez également pu indiquer que, dans le Finistère, 63 % des places sont aujourd'hui médicalisées, et que votre département a profité comme les autres de cet important engagement de l'État et de l'assurance maladie, rendu possible grâce à la solidarité des Français, même si, comme partout en France, il y reste beaucoup de besoins à couvrir.

Je tiens à redire que ce gigantesque effort est sans précédent. En effet, pour la seule année 2006, le Finistère a bénéficié de près de 7 millions d'euros de mesures nouvelles pour les personnes handicapées, dont 400 000 euros pour renforcer le personnel dans les établissements, plus de 3 millions d'euros pour les places adultes et presque 500 000 euros pour les places d'enfants et adolescents.

S'agissant des personnes âgées, vous auriez pu dire que votre département a bénéficié de plus de 8,2 millions d'euros. Plus de 100 places en établissements d'hébergement et en services de soins infirmiers à domicile vont être créées en 2006. Enfin, 3 millions d'euros ont également été prévus pour achever la médicalisation des établissements.

Bien entendu, le département doit encore accélérer la création de places. C'est l'objet du programme interdépartemental d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie, qui permettra notamment dans les trois ans à venir de créer trente places en maisons d'accueil spécialisées. Celles-ci viennent s'ajouter aux deux opérations de restructuration hospitalière menées à Châteauneuf-du-Faou et à Gourmelen, qui permettront à elles seules de créer trente-huit places en maisons d'accueil spécialisées. Il va sans dire que c'est l'État qui assume seul le financement de ces créations.

Par ailleurs, ce programme interdépartemental permettra aussi le financement d'un nouveau projet de foyer d'accueil médicalisé de dix places.

Enfin, s'agissant des personnes âgées, l'objectif du programme est de créer des places spécifiques pour prendre en charge les personnes handicapées vieillissantes. Ce besoin va croissant aujourd'hui, car les personnes handicapées vieillissent elles aussi. Ce programme prévoit la création de dix-sept places par an pendant trois ans, ainsi que la création de dix places de service de soins infirmiers à domicile par an pendant trois ans.

Monsieur le sénateur, votre département connaît une très forte progression de ses financements. Nous ne sommes pas au bout du chemin. Je vous propose de continuer à avancer ensemble, mais de manière équitable en reconnaissant les efforts de chacun, d'autant plus que ces efforts sont avant tout ceux de nos compatriotes.

M. Hubert Falco. Bravo ! monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. M. le ministre a rappelé les actions qui ont été entreprises. Ce faisant, il est dans son rôle. Mais ma question portait non pas sur ce qui se fait, mais sur le décalage qui existe entre les annonces faites par le gouvernement et les financements qui sont mis à disposition dans les départements.

On a cru comprendre, lors des voeux du Président de la République, que la cause des handicapés était une cause nationale. Des différentes annonces qui ont été faites, on a cru comprendre que des efforts supplémentaires seraient engagés. C'est donc sur ce point que porte ma question, monsieur le ministre. Vous m'avez dit que mon exposé n'était pas suffisamment complet. Or, en interrogeant le Gouvernement, je me suis placé à mon modeste rang de sénateur. Si vous souhaitez que je fasse un exposé complet sur la politique du Gouvernement,... ce sera au cours d'une autre législature ! (Sourires.)

Dans notre département, comme dans d'autres départements d'ailleurs, nous constatons un écart grandissant entre les engagements pris et les réalisations. En 2006, le Finistère devra supporter des dépenses supplémentaires, au titre de la décentralisation, pour un montant de 32 millions d'euros, sans recevoir une compensation significative.

S'agissant des places en maisons d'accueil spécialisées et en maisons médicalisées pour personnes âgées, les choses avancent certes, mais pas aussi rapidement que ne le prévoyait la programmation pluriannuelle. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que vous vous engagiez à rattraper le retard qui a été pris et à mettre en place, de façon accélérée, des moyens supplémentaires afin de mieux satisfaire les usagers en 2008.

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