Question de M. ROUVIÈRE André (Gard - SOC) publiée le 23/03/2006
M. André Rouvière appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les conséquences financières qui peuvent résulter de l'application de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004. Pour les communes de résidence, cet article élargit l'obligation de participer aux frais de scolarisation des écoles publiques aux écoles privées. Ce texte pose de graves problèmes principalement aux communes rurales et notamment celui du maintien d'un effectif suffisant pour éviter la fermeture de classes ; celui d'avoir à régler des sommes importantes pour des décisions que le maire et son conseil municipal n'ont pas prises et ont parfois combattues. Il lui demande : 1) si le maire de la commune de résidence est obligatoirement consulté pour une inscription d'un élève dans un établissement public et un établissement privé dans une autre commune ; 2) s'il est normal d'avoir à supporter des dépenses résultant d'une décision prise par d'autres. En règle générale, le principe décideur-payeur devrait être respecté. Il lui demande donc si, compte tenu de ces anomalies, il ne pense pas reconsidérer la législation en donnant plus de poids à la décision du maire et en limitant les motifs de dérogations scolaires.
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Réponse du Ministère délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche publiée le 05/04/2006
Réponse apportée en séance publique le 04/04/2006
M. le président. La parole est à M. André Rouvière, auteur de la question n° 987, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. André Rouvière. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur une situation qui interpelle beaucoup d'élus, et de tous bords politiques : il s'agit notamment des conséquences financières qui peuvent résulter de l'application de l'article 89 de la loi du 13 août 2004.
Pour les communes de résidence, cet article élargit l'obligation de participer aux frais de scolarisation des écoles publiques et, depuis l'entrée en vigueur de cet article 89, des écoles privées.
Ce texte pose de graves problèmes principalement aux communes rurales, mais aussi aux communes urbaines, notamment aux écoles de quartier, et ce sur plusieurs plans : maintien d'un effectif suffisant pour éviter la fermeture de classes, notamment dans les petites communes rurales ; règlement de sommes parfois importantes pour des décisions que le maire et son conseil municipal n'ont pas prises et, parfois, qu'ils ont même combattues !
Monsieur le ministre, le maire de la commune de résidence est-il obligatoirement consulté pour l'inscription d'un élève ou de plusieurs élèves dans un établissement public et/ou dans un établissement privé d'une autre commune ?
Trouvez-vous normal qu'une commune ait l'obligation de supporter des dépenses qui résultent d'une décision prise par d'autres ? Dans de très nombreux domaines, le principe « décideur-payeur » est respecté. Or, en l'espèce, c'est parfois celui qui refuse la décision qui doit payer et non celui qui décide. Une telle inversion des rôles me paraît dangereuse, notamment si elle était généralisée.
Compte tenu de ces anomalies, mon souhait serait que vous retiriez ce texte de loi, notamment l'article 89. Mais comme vous n'en avez certainement pas l'intention, ne serait-il pas possible de reconsidérer la législation en donnant plus de poids à la décision du maire de la commune de résidence et en limitant d'une manière drastique les motifs de dérogations scolaires ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de vouloir bien excuser Gilles de Robien, qui n'a pu être présent ce matin et qui m'a demandé de vous communiquer les éléments de réponse à la question que vous venez de poser.
Vous l'avez interrogé sur la mise en oeuvre de l'article 89, baptisé « amendement Charasse », de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.
Les questions que vous soulevez ont trait à l'inscription des élèves dans les établissements publics et privés et à la contribution des communes aux dépenses prises en compte pour déterminer le montant de leur participation.
Sur le premier point, le maire décide de la carte scolaire pour les inscriptions dans les écoles publiques de sa commune. En revanche, il n'existe pas de carte scolaire pour les inscriptions dans les écoles privées. C'est le principe constitutionnel de la liberté de choix des familles qui s'impose. Le maire ne peut donc fixer de limitations en ce domaine.
Toutefois, la circulaire interministérielle du 2 décembre 2005 émanant du ministère de l'intérieur et du ministère de l'éducation nationale prévoit que les directeurs d'écoles privées informent - vous avez employé le terme « consulter » - les maires de la commune de résidence des élèves des inscriptions dans leur établissement.
Sur le deuxième point, de même qu'une commune participe, au travers du forfait communal, aux dépenses de fonctionnement des écoles privées situées sur son territoire, elle peut être amenée à contribuer au fonctionnement des écoles situées hors de son territoire, qu'elles soient publiques ou privées sous contrat, qui scolarisent des élèves résidant dans cette commune. Les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public.
Pour l'application de ce principe, des accords peuvent être passés entre les communes, en respectant bien entendu la législation applicable, en particulier le principe de parité posé par la loi Debré de 1959.
Pour conclure, monsieur le sénateur, je voudrais insister sur un point qui me paraît fondamental : l'article 89 ne crée pas de nouvelles obligations pour les communes ; la nouveauté qu'il introduit, c'est qu'en cas de désaccord survenant entre deux communes le préfet interviendra pour fixer la répartition de leurs contributions respectives. C'est déjà le cas s'agissant des écoles publiques. Telle est l'interprétation que nous donnons de l'article 89 de la loi de 2004.
M. le président. La parole est à M. André Rouvière.
M. André Rouvière. Monsieur le ministre, votre réponse ne me satisfait pas.
Je pourrais comprendre, sans forcément l'admettre, que l'on traite de la même façon l'école publique et l'école privée. Mais, vous l'avez dit vous-même - et c'est tout à fait paradoxal --, le maire maîtrise plus ou moins la carte scolaire des écoles publiques, mais pas du tout celle des écoles privées. On dit que ces deux types d'établissement doivent être mis sur un pied d'égalité sur le plan financier. Mais ils doivent alors l'être complètement !
L'autre point qui me heurte, monsieur le ministre, c'est que le décideur ne paie pas. C'est comme si votre voisin, en vous informant qu'il part en congé, vous disait que c'est à vous de payer ces vacances. Je souhaiterais que le maire qui paie soit consulté pour l'inscription de tel élève dans telle école privée. Si sa réponse est positive, alors c'est effectivement à lui de payer. Mais, dans le cas contraire, le fait de l'obliger à payer me paraît être une anomalie, d'autant que, pour des communes rurales notamment, cela pose de sérieux problèmes. Quelle que soit leur appartenance politique, les maires trouvent scandaleux d'avoir à payer.
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. André Rouvière. Le paradoxe de cette situation, monsieur le ministre - je le constate dans ma région, les Cévennes - c'est que des écoles rurales sont maintenues ouvertes avec un effectif qui est à la limite de l'acceptable.
Certains conseils municipaux se battent depuis des années pour maintenir les petites écoles. Si, pour des raisons qui ne sont pas toujours pertinentes, les parents d'un ou deux élèves inscrivent ceux-ci dans l'école d'une commune voisine, le nombre d'élèves de l'école d'origine tombe alors au-dessous de l'effectif limite ; l'école ferme et le conseil municipal doit payer pour des élèves qui provoquent la fermeture de l'école.
Cela ne vous choque-t-il pas, monsieur le ministre ? La simple honnêteté intellectuelle commanderait la modification de ce texte.
Cet état de fait pénalise notamment des écoles rurales, mais parfois également des écoles de ville : certains quartiers perdent leurs écoles pour de semblables raisons. Une réflexion objective est donc nécessaire.
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