Question de M. SIGNÉ René-Pierre (Nièvre - SOC) publiée le 02/03/2006

M. René-Pierre Signé appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les problèmes liés aux droits à paiement unique (DPU). Ces DPU, calculés sur les années de référence 2000, 2001 et 2002, font apparaître des distorsions, en particulier dans les petites exploitations en zone montagne, où il y a beaucoup de transfert foncier, alors qu'il y en a peu dans les grosses exploitations céréalières. Ces exploitations de petite taille sont, en général, assez pauvres et pratiquent un élevage extensif alors que les DPU favorisent plutôt les exploitations d'élevage intensif qui sont les plus fournies en bétail. Or, si la prime aux bovins mâles a été supprimée, les DPU ont été cependant calculés en tenant compte du nombre de primes. Ainsi, de gros éleveurs, qui possédaient jusqu'à 90 broutards ou qui les avaient acquis, ont obtenu un maximum de primes. Depuis, ils touchent des DPU même s'ils n'ont plus aucun broutard et ceux qui ont acquis leur exploitation les touchent aussi même s'ils pratiquent un tout autre élevage ! Des exemples de ce type existent dans le Morvan. En outre, autre souci, les DPU désolidarisés du foncier vont être l'objet de spéculations dommageables et pénalisantes pour les jeunes qui s'installent. Pour pallier ces anomalies injustes, il lui demande s'il ne serait pas possible que soit mise en place, pour les petits agriculteurs qui n'ont pas ou peu de DPU, pour les raisons précédemment expliquées, une compensation sous une forme qui reste à définir.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la pêche publiée le 05/04/2006

Réponse apportée en séance publique le 04/04/2006

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 959, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur les problèmes liés aux droits à paiement unique, les DPU. Calculés sur les années de référence 2000, 2001 et 2002, ceux-ci font apparaître des distorsions, en particulier dans les petites exploitations en zone de montagne ; les transferts fonciers y sont nombreux, alors qu'ils sont peu fréquents pour les grosses exploitations céréalières.

Ces exploitations de petite taille sont en général assez pauvres et pratiquent un élevage extensif, alors que les DPU favorisent plutôt les exploitations d'élevage intensif, qui sont les plus fournies en bétail. Or, si la prime aux bovins mâles a été supprimée, les DPU n'en ont pas moins été calculés en tenant compte du nombre de primes. Ainsi, de gros éleveurs qui possédaient jusqu'à 90 broutards ou qui les avaient acquis ont obtenu un maximum de primes. Depuis, ils peuvent toucher des DPU même s'ils n'ont plus aucun broutard, et ceux qui ont acquis leur exploitation peuvent les toucher aussi même s'ils pratiquent un tout autre élevage ! Des exemples existent dans le Morvan.

En outre, autre souci, les DPU désolidarisés du foncier vont être l'objet de spéculations dommageables et pénalisantes pour les jeunes qui s'installent.

Pour pallier ces anomalies injustes, ne serait-il pas possible, monsieur le ministre, que soit mise en place pour les petits agriculteurs qui, pour les raisons précédemment expliquées, n'ont pas ou qui ont peu de DPU une compensation sous une forme qui reste à définir ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, je vous remercie de m'interroger sur cette question des DPU, qui, ainsi que vous l'avez souligné, est compliquée.

Je me permettrai, si vous le voulez bien, de vous apporter aujourd'hui une réponse générale sur les DPU et de vous faire parvenir par écrit des éléments plus précis sur les points spécifiques que vous soulevez, notamment au sujet des broutards.

S'agissant des DPU, la France a négocié la réforme de la politique agricole commune, la PAC, en en acceptant le système. Certains pays, notamment l'Allemagne, ont choisi de les gérer à l'échelon régional. Quand je suis arrivé à la tête du ministère, il était prévu une gestion nationale par une caisse centrale, ce qui m'a paru être une belle « usine à gaz ». J'ai donc souhaité un système plus pratique, reposant sur des clauses, et nous avons beaucoup travaillé avec les organisations professionnelles pour parvenir au système actuel.

Vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, l'Europe a décidé que les DPU seraient les aides perçues au cours de la période de référence 2000-2002. C'est un facteur de complication dans la mesure où les exploitations ont entre-temps évolué. Le choix des références historiques présente cependant l'avantage de préserver le niveau des aides de l'ensemble des exploitants, ce qui permet une adaptation progressive aux mécanismes de la PAC. Mais le principe de cette réforme - il pose d'ailleurs problème, et c'est tout le débat européen - consiste à rompre le lien entre l'acte de production et le versement d'une aide, puisque c'est en réalité une aide découplée constituant une aide au revenu.

J'ai tenté de simplifier autant que possible la gestion de la période transitoire de 2000 à 2006. Cela se traduit par le recours privilégié aux clauses contractuelles permettant à l'exploitant présent en 2006, à la suite des transferts fonciers réalisés entre 2000 et le 15 mai 2006, de récupérer les DPU attachés aux terres exploitées. À ce jour, grâce à l'effort de nos fonctionnaires comme des exploitants et de leurs organisations professionnelles, nous avons dépassé le taux de 93 % de dossiers retournés dans les directions départementales de l'agriculture et de la pêche, et 170 000 clauses ont été signées.

Nous avons également choisi de privilégier l'installation. Aussi, le principe général selon lequel les exploitants doivent récupérer les DPU par clause auprès de l'exploitant « historique » a été complété, pour les nouveaux installés, par des mécanismes de dotation permettant aux jeunes, par le biais de la réserve nationale, d'avoir des droits. Une solution adaptée est mise en place pour chaque type de situation.

À partir de 2007, nous aurons également la possibilité, y compris, bien entendu, dans votre département, de revaloriser grâce à la réserve départementale les DPU jugés trop faibles pour un exploitant. Il appartiendra à chaque département de concevoir des programmes spécifiques en fonction des priorités qu'il aura identifiées, et je vois bien que, dans un département comme le vôtre, monsieur Signé, elles iront à la prime à la montagne et à la prime herbagère. Mais, pour être franc, nous ne connaîtrons les disponibilités budgétaires de ces réserves départementales qu'en 2007, c'est-à-dire après qu'auront été octroyées les dotations obligatoires liées à l'installation ainsi que certaines dotations sectorielles attribuées dans le cadre de programmes nationaux de soutien ; l'agriculture biologique, par exemple, fera l'objet d'un tel programme.

Ce double niveau de réserve, départemental et national, nous donne donc la possibilité de nous adapter. Nous le ferons en concertation avec les organisations professionnelles agricoles. Il est indispensable de contrôler le niveau du prélèvement servant à alimenter la réserve nationale de droits : ce prélèvement étant déduit de la somme que perçoit chaque agriculteur au titre de ses DPU, il faut que nous restions raisonnables dans la fixation de son montant.

Telles sont les règles générales. J'ai bien compris les problèmes spécifiques de votre département, monsieur le sénateur. Ne pouvant ici entrer dans le détail, comme je l'indiquais au début de mon propos, je vous apporterai par écrit les éléments très précis sur les situations d'entreprises agricoles que vous avez décrites dans votre question, en particulier concernant l'élevage.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse et du fait que vous ayez pris en compte ma demande au point de bien vouloir la réétudier et me donner des réponses spécifiques plus précises.

Je me permettrai cependant d'insister sur deux points.

Les DPU sont considérés aujourd'hui par leurs détenteurs non plus comme un support de compensation économique, mais comme un élément de patrimoine qu'ils cherchent désormais à monnayer, si bien que l'on peut être propriétaire du foncier sans l'être des DPU, ou des DPU sans l'être du foncier. Vous vous représentez les difficultés qui découlent de ces anomalies, que nous rencontrons tous les jours !

J'en viens à la réserve. J'ai cru comprendre que les DPU qui, pour des raisons diverses, ne seraient pas activés pendant une période de trois ans seraient versés dans une réserve dont la gestion sera nationale ; il me semble, monsieur le ministre, et sans doute nous le confirmerez-vous, qu'elle devrait être départementale à partir de 2007. Il appartiendra, nous le souhaitons, à la commission départementale d'orientation agricole de proposer des critères locaux de répartition de façon que le pourcentage le plus élevé possible revienne aux réserves départementales qui abondent les taux de DPU dans les zones de montagne. (M. le ministre approuve.) Cela rejoint ce que vous avez expliqué, et je vous en remercie. Une possibilité serait peut-être de créer des DPU à l'hectare par le biais des unités de main-d'oeuvre, les UMO, qui pourraient favoriser les entreprises familiales.

Bref, il y aurait beaucoup à dire sur ces DPU. La règle actuelle de leur octroi mérite d'être affinée et précisée.

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