Question de Mme BEAUFILS Marie-France (Indre-et-Loire - CRC) publiée le 02/03/2006

Mme Marie-France Beaufils attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les difficultés rencontrées par les missions générales d'insertion de l'éducation nationale. Après les évènements de l'automne dernier qui ont révélé la grande désespérance de notre jeunesse, elle pense que cette mission garde toute sa pertinence. Elle lui demande donc quelles mesures il compte prendre pour rétablir le financement nécessaire à son bon fonctionnement et quelles seront les dotations ministérielles pour cette année et les suivantes.

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Réponse du Ministère délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes publiée le 08/03/2006

Réponse apportée en séance publique le 07/03/2006

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 954, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Marie-France Beaufils. Au sein de l'éducation nationale, la Mission générale d'insertion, la MIG, offre aux élèves les plus en difficulté âgés de plus de seize ans la possibilité d'acquérir une qualification visant à favoriser leur insertion sociale et professionnelle. Or, depuis bientôt trois ans, les moyens qui lui sont consacrés ont subi une amputation sans précédent. Les conséquences sont graves. Tous les discours sur la réussite scolaire et sur l'égalité des chances sont ainsi contredits par les faits.

Dans mon académie, ce sont trente emplois qui sont sur la sellette, dont la moitié est en contrat à durée déterminée depuis dix-sept ans, pour 900 jeunes accueillis.

Sur le plan national, ce sont 700 enseignants et personnels administratifs répartis dans les académies qui prennent en charge chaque année 80 000 élèves de seize à dix-huit ans, issus souvent de milieux défavorisés, sur les 150 000 qui décrochent de l'école.

La situation financière de nombreuses missions générales d'insertion devient catastrophique. Certaines sont au bord du dépôt de bilan, et les multiples interventions des personnels et de leurs représentants sont restées sans réponse.

Cette mission structurelle relève de l'éducation nationale. Selon la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989 et la loi quinquennale du 20 décembre 1993, elle fait partie de sa mission éducative.

Ses actions et ses résultats le montrent, cela permet de sortir avec une qualification professionnelle et de faciliter l'insertion des jeunes les plus en difficulté : la cohésion sociale s'en trouve ainsi renforcée.

Les événements de l'automne dernier ont mis en exergue les souffrances d'une grande partie de la jeunesse de nos quartiers : les inégalités dans l'accès à l'emploi et à la formation y sont très fortes. Il est donc nécessaire de reconstruire ce lien.

Le deuxième rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, publié le 24 octobre 2005, pointe l'absence totale d'ambition pour ces quartiers, qui enregistrent un taux de chômage deux fois supérieur à la moyenne nationale et un manque de moyens grave et récurrent pour le système de santé comme pour l'école.

Tous les observateurs le notent, l'une des causes les plus profondes du « mal-vivre », du sentiment d'injustice et de cette révolte est l'ampleur des discriminations de toutes natures auxquelles les populations sont confrontées. Ces discriminations sont les premières violences que subissent les populations de nos quartiers populaires. Elles concernent au premier chef la jeunesse.

Les missions générales d'insertion subissent les gels de crédits depuis plusieurs années. La réduction du fonds social européen, ou FSE - et aujourd'hui sa disparition -, n'a pas été compensée par des crédits de l'État, pourtant indispensables à leur bon fonctionnement.

Pendant plusieurs jours - vous venez de le rappeler, monsieur le ministre -, le débat sur le contrat première embauche a mis en avant des conceptions totalement différentes sur la façon d'aider les jeunes à trouver leur place dans la société, à entrer dans l'activité professionnelle.

Les missions générales d'insertion sont des outils indispensables dans le parcours de nos jeunes en difficulté. Aussi je vous demande, monsieur le ministre, quelles mesures -vous comptez prendre pour rétablir les financements de cette mission. Quelle est la politique ministérielle concernant la mission générale globale d'insertion ? Quelle sera la dotation ministérielle pour 2006 et les années suivantes ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Madame Beaufils, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Gilles de Robien ce matin.

Sachez que 60 000 jeunes sortent chaque année du système éducatif sans aucune qualification, 150 000 sans diplôme et, selon les chiffres officiels, 15 000 jeunes de moins de seize ans sont en errance scolaire ; en réalité, les chiffres sont sans doute beaucoup plus élevés.

Votre question nous renvoie, elle aussi, à nos débats de ces jours derniers, qui n'ont d'ailleurs pas porté que sur le contrat première embauche, le CPE. Nous avons surtout débattu de l'égalité des chances. La loi, adoptée par l'Assemblée nationale et par le Sénat, il entend répondre aux trois terribles chiffres que je viens de citer. Ainsi, comme Gilles de Robien a eu l'occasion de le rappeler, les zones d'éducation prioritaires, notamment au travers du projet « ambition réussite », recevront le renfort de 1 000 professeurs, de 3 000 aides éducateurs et de 300 infirmières.

J'en viens à la mission générale d'insertion de l'éducation nationale.

Celle-ci a pour objet de proposer aux jeunes de plus de seize ans en voie de déscolarisation ou ayant quitté le système scolaire depuis moins d'un an, sans possibilité immédiate de poursuite d'études ou de réinsertion professionnelle, des actions d'accueil ou de « remotivation », des actions diplômantes ou d'accès à la formation et des actions d'accompagnement personnalisé vers l'emploi.

Ce dispositif est financé par des crédits de l'État et délégué aux recteurs dans le cadre de leur dotation académique. Il était éligible à des cofinancements européens, issus du fonds social européen, qui représentaient en moyenne 20 % à 25 % du financement de la Mission générale d'insertion.

J'utilise l'imparfait à dessein, car les remboursements du FSE sont suspendus, faute pour le ministère de l'éducation nationale d'avoir mis en place dès l'année 2000 un système de contrôle des dépenses répondant aux exigences très rigoureuses de la Commission européenne. En tant que ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, c'est une rigueur que je connais bien pour avoir eu à mener des négociations sur le fonds social européen.

C'est bien le respect des procédures qui est en cause et non pas le fond des actions financées. Gilles de Robien procède actuellement à la « reconstitution » de l'ensemble des dossiers relatifs aux actions conduites entre 2000 et 2005, ce qui permet d'avoir dorénavant une traçabilité satisfaisante des dépenses exposées au titre de la MGI et d'espérer, à terme, une reprise des cofinancements. Le travail et le dialogue ont donc repris, notamment avec la direction en charge des fonds sociaux européens.

Dans l'intervalle, l'État consacrera des moyens à cette mission - de l'ordre de 36 millions d'euros - pour venir en aide à 70 000 élèves. Il n'y aura donc pas de baisse d'activités.

En d'autres termes, nous renouons avec les fonds sociaux européens en mettant en place une procédure conforme aux exigences européennes et, dans le même temps, l'État s'engage à venir en aide à 70 000 jeunes.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, le texte pour l'égalité des chances en est encore au stade de la commission mixte paritaire.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Pas sur l'article 3 bis !

Mme Marie-France Beaufils. En effet, puisque vous avez utilisé d'autres moyens pour qu'il soit adapté conforme.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Oui, le vote !

M. le président. Au Sénat, tout le monde a pu parler !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. À l'Assemblée nationale aussi !

M. le président. Il y a en effet eu 48 heures de débat à l'Assemblée nationale.

Veuillez poursuivre, madame Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. M. le ministre ayant lancé l'échange, il m'était impossible de ne pas réagir, monsieur le président !

Monsieur le ministre, je connais en effet la question du respect des procédures. D'ailleurs, certaines académies qui, elles, avaient conservé l'ensemble de l'historique du travail mené se sont retrouvées en difficulté alors qu'elles avaient fait leur devoir.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Bien sûr, c'est la consolidation !

Mme Marie-France Beaufils. Elles se retrouvent donc totalement pénalisées par des choses qui n'ont pas été faites et dont elles ne sont pas responsables.

Même si, après ce que vous venez de dire, on peut espérer que les cofinancements du FSE vont reprendre, nous sommes dans une période intermédiaire où le vide fragilise fortement un certain nombre de secteurs. Effectivement, on ne sait pas comment certains enfants vont être repris. Or les actions menées par les missions générales d'insertion, qui ont lieu dans tous les départements, ont vraiment un impact très fort sur la « remotivation » des jeunes qui, à un moment, ont perdu pied dans le système scolaire, et elles peuvent vraiment les aider à retrouver une place dans l'action professionnelle.

J'ai entendu ce que vous avez dit à propos des moyens. Pour le moment, on n'en voit pas du tout la trace sur le terrain. Je tenais à appeler votre attention sur ce point. Je vous demande donc d'être notre relais auprès du ministre de l'éducation nationale, car nous attendons des réponses concrètes et nous aimerions connaître les moyens qui seront véritablement débloqués pendant cette période charnière.

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